Le jeu de séduction dans les discours politiques
234 pages
Français

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Le jeu de séduction dans les discours politiques , livre ebook

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Français

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Description

Le marketing politique oblige aujourd'hui les hommes qui veulent accéder aux hautes responsabilités à suivre les conseils de gourous de la communication. La théâtralisation des contenus discursifs permet-elle de se passer d'une rhétorique basée sur des idées de fond ? Se donner une image positive ou s'en fabriquer une deviendrait-il le défi majeur pour conquérir le pouvoir ? Cet ouvrage analyse plusieurs discours de personnalités qui ont choisi, à des tournants de leur carrière, de se mettre en scène.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2012
Nombre de lectures 102
EAN13 9782296508156
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Dominique Béhague






Le jeu de séduction
dans les discours politiques








L ’ H ARMATTAN
Copyright

© L’HARMATTAN, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-98643-5
EAN : 9782296986435
EN GUISE DE PRÉFACE
Jusqu’à la fin du 19 ème siècle, début du 20ème, la force de l’éloquence classique permettait aux hommes politiques d’imposer des points de vue par la raison. Cette liberté de parole, ce droit de dire ce qui était juste, utile et conforme à la loi donnait, à ceux qui les écoutaient, la possibilité de choisir, parmi les tribuns, celui qui exprimait le mieux les idées pour la société qu’ils voulaient pour l’avenir. Les joutes oratoires du politique permettaient donc de persuader les gens qui se laissaient ensuite conduire vers les choix légitimes proposés. L’éloquence a permis aux rhéteurs de rassembler des populations et d’ameuter l’enthousiasme des foules. Ils provoquèrent, en réponse à leur propos, des mutations sociales souvent profondes. Ce don naturel que les hommes politiques exerçaient était l’apanage de personnes d’une grande culture dont les vertus ont fait évoluer les masses pensantes et ouvrières. La faconde a donc tenu une place essentielle dans la vie publique nationale car elle a permis de sélectionner, de légitimer les élites des régimes parlementaires qui ont bâti les Républiques dont nous apprécions aujourd’hui encore les valeurs.

Fabrice d’Almeida 1 a montré qu’une nouvelle époque, qui remettait en cause l’éloquence classique, est apparue avec l’Italie fasciste. En effet, les tribuns qui représentaient le pouvoir de Mussolini s’exprimaient lors des meetings en plein air, en utilisant non seulement de nouveaux contenus discursifs (phrases courtes fortes, violence des propos) mais surtout de nouvelles modalités de diffusion, puisque les laïus étaient écoutés conjointement à la radio. La télévision des années 1960 va autoriser en France une forme d’éloquence moins magistrale, plus confidentielle car peu de politiciens s’en emparèrent.
Le Général de Gaulle s’est immédiatement approprié le petit écran pour intervenir sur les choix qu’il proposait aux Français et qu’il laissait ensuite maîtres des décisions par referendum. Dans les années 1970, la démocratisation des médias, suite à la banalisation du tube cathodique qui entrait dans beaucoup de foyers français, amena la globalisation des processus de communication (radio, télévision). La consécration du petit écran fit que les hommes politiques français s’en emparèrent, dans les années 1980, pour la privilégier comme source d’expression publique car ils en comprirent les nombreuses possibilités.

Les interventions des responsables politiques qui se cantonnaient auparavant aux meetings pour les militants où ils vivaient la foule et les applaudissements spontanés disparurent presque complètement au profit d’une présence virtuelle, celle de tous les Français à la fois. Nous avions désormais d’un côté un orateur qui se trouvait sur un plateau de télévision et de l’autre, dans leur salon, un auditoire atomisé de personnes qui acceptaient ou pas cette présence. L’homme politique se vit donc désormais obligé de convaincre une masse potentielle d’électeurs sans les voir et donc sans pressentir leurs réactions spontanées comme ils pouvaient l’avoir d’une foule. Cette nouvelle forme d’interaction non mesurable directement allait brouiller le jeu de la rhétorique dans le sens où elle concourait à changer la substance même du discours politique qui vivait auparavant au rythme des applaudissements ou des sifflets. Fabrice d’Almeida (opus cité) nous dit que désormais « nous sommes devant le passage de l’éloquence directe à une éloquence indirecte dont l’efficacité est fortement conditionnée par le travail de pré-réception des médias » .

Les conséquences de cette métamorphose sont doubles. D’abord le discours produit est de plus en plus simple, mieux maîtrisable par tous car il faut répondre aux nouveaux critères de diffusion et de compréhension, ceux de monsieur Tout-le-monde. Ensuite les laïus sont formatés, pensés, écrits, préparés par des conseillers qui les imaginent globalement. Ils interviennent également sur la présentation du candidat, sur son argumentaire, sur les questions de fond par la commande de sondages pour étayer les discussions, par du training pour maîtriser le non verbal.

Ce marketing politique oblige les hommes d’État à suivre les instructions des conseillers en communication. Ils sont conscients qu’ils vont, grâce à ces moyens, mieux cibler le public identifié et transformer ou conforter leur image en la rendant plus encline à séduire. Pour Chauveau, A (1993). 2 « la raison principale du basculement des élections présidentielles en faveur de M.Giscard d’Estaing a été la supériorité de l’image personnelle de ce candidat sur son adversaire, du point de vue intellectuel, technique et moral » .

Dès lors, s’impose l’idée que les méthodes prônées par ces gourous sont propres à peser sur le résultat de l’élection. La forme est-elle donc devenue désormais plus importante que le fond ? Les rhéteurs vont-ils, pour conquérir leur public, pouvoir se passer d’une rhétorique basée sur des idées de fond essentielles à une démocratie participative et privilégier uniquement la mise en scène des contenus discursifs ? Se donner une image positive ou même s’en fabriquer une deviendrait-il le défi majeur à relever pour conquérir le pouvoir ? Si ces interrogations s’avéraient justes, nous serions désormais dans une politique spectacle qui manipule plus qu’elle ne persuade.

Pour infirmer ou confirmer ce questionnement nous vous proposons d’identifier, pour reprendre les termes de Dorna, A. (2005) 3 « Les véritables empreintes de l’activité cognitive de l’orateur » en analysant différents discours politiques fortement médiatisés.
1 L’éloquence politique en France et en Italie de 1870 à nos jours . Publication de l’école française de Rome. 2001
2 Agnès Chauveau « L’homme politique et la télévision », Vingtième Siècle. Revue d’histoire 4/2003 (no 80), p. 89-100. URL : www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle- revue-d-histoire-2003-4-page-89.htm. DOI : 10.3917/ving.080.0089. page 93
3 Matériaux pour l’étude du discours politique populiste . Argumentum n ° 3 - 2004/2005 page 75
INTRODUCTION
Communiquer, c’est partager des idées afin de créer du lien social. En effet, dans notre rapport au monde, l’autre est avant tout celui auquel on veut apporter non seulement notre représentation du monde, mais, également, celui avec lequel on parle des solutions aux problèmes sociaux que nous avons en commun et qui nous touchent quotidiennement (travail, famille, médias, politique). Dans cette intention de communiquer, il y a naturellement un objectif à atteindre : rendre manifestes à un destinataire les informations essentielles. Ces éléments qui lui paraissent indéniables vont souvent peser sur les situations interlocutives pour devenir porteuses d’enjeux surtout si les convictions du locuteur sont fortes. À travers ce système d’énonciation, ce dernier tient à se montrer persuasif pour convaincre son interlocuteur du bien-fondé des idées qui lui semblent déterminantes. Dans ce cadre, l’énonciation devient alors une forme de discours puisqu’un émetteur agit verbalement sur un destinataire pour l’influencer. La communication n’y est donc plus uniquement comprise en termes d’intentions mais plutôt comme la manifestation d’une performance où le sujet communiquant « Impose ses règles et ses aliénations à un sujet empirique [...] par des stratégies destinées à satisfaire aux principes de maîtrise des enjeux » Ghiglione, R. (1986) 4

Dans ces enjeux interlocutoires, des tactiques sont utilisées par l’orateur afin d’amener l’autre, par raisonnement ou par preuves, à reconnaître la vérité des faits ou du moins à lui faire admettre l’exactitude des arguments qu’il présente et qui font débat : « L’ art de persuader a un rapport nécessaire à la manière dont les hommes consentent à ce qu’on leur propose, et aux conditions des choses qu’on veut faire croire » Pascal (1657) 5 .

La rhétorique qui est la science qui se rapporte à l’action du discours sur les esprits répond à ces attentes. Cette science de l’éloquence, qui existe depuis l’antiquité, était utilisée dans les places d’expression démocratique qu’étaient les agoras gr

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