Les Enfants et la Loi de la jungle
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Les Enfants et la Loi de la jungle , livre ebook

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Description

Le nombre des victimes de la faim et de la malnutrition augmente chaque année depuis 1996. En 2007, la malnutrition a ainsi tué plus de six millions d’enfants de moins de 6 ans. La situation s’est encore aggravée au cours de 2008 et les spécialistes s’attendent à une « terrible année 2009 ». Les conditions climatiques sont-elles seules en cause ?La famine est politique. Elle est créée par la main de l’homme, par la spéculation sur les matières premières, par des décisions aberrantes qui privilégient l’économie financière et négligent les moyens de nourrir les humains. Le nombre des affamés frôle le milliard ; près de la moitié sont des enfants. Les États-Unis et l’Europe ont pu débourser fin 2008 plus de 1 000 milliards de dollars pour répondre à la crise économique et financière, alors qu’il en suffirait de 30, chaque année, pour juguler la malnutrition. Qu’attendons-nous ? Les enfants du monde, eux, ne peuvent pas attendre. Claire Brisset démonte la terrible mécanique qui affame la planète. Il est encore temps de trouver les réponses économiques et politiques pour faire face à l’urgence et relancer le développement !Après avoir été journaliste, Claire Brisset a été fonctionnaire de l’Unicef. Puis elle est devenue la première Défenseure des enfants de 2000 à 2006. Elle est aujourd’hui médiatrice de la Ville de Paris.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 janvier 2009
Nombre de lectures 7
EAN13 9782738195623
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, JANVIER 2009
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9562-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Introduction

En 1729, l’Irlandais Jonathan Swift publiait un petit livre dont le titre et le thème devraient aujourd’hui retenir l’attention. Cet ouvrage s’intitulait sobrement : Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public . Cette « modeste proposition » était la suivante : pour remédier à la famine qui ravageait alors l’Irlande, il suffisait que les pauvres transforment leurs enfants en nourriture pour les riches. En outre, ajoutait, imperturbable, l’auteur des Voyages de Gulliver , la méthode était fort simple, car la viande de bébé pouvait aussi bien être cuite à la vapeur que grillée ou bouillie.
Bien entendu, le pamphlet fit scandale. Swift avait écrit là une farce sinistre. Mais après tout, c’était un ecclésiastique original à qui l’on pouvait bien pardonner cette étrange fantaisie.
En réalité, cette fable est d’une brûlante actualité. Ce qui se passe sous nos yeux en est en effet une parfaite illustration. La débâcle boursière, bancaire et financière qui frappe aujourd’hui le monde entier vient ajouter ses effets à une crise alimentaire intense qui ne s’est nullement apaisée, bien au contraire. Les premières victimes en sont et en seront les enfants, engloutis par la tempête. Tout au long de l’année 2008, en effet, les prix des produits agricoles n’ont cessé de flamber, appauvrissant ceux qui étaient déjà pauvres et les rendant incapables de subvenir à leurs besoins et de nourrir leur famille. L’accalmie de la fin de l’année n’a nullement apaisé les inquiétudes.
Car dans les pays les plus pauvres, il s’agit à présent d’une affaire de vie ou de mort. Par exemple dans la Corne de l’Afrique, quinze millions de personnes, à l’automne 2008, étaient dans un état de péril extrême. La mort n’y est plus une menace mais une réalité quotidienne. Dans l’Afrique des Grands Lacs, la crise alimentaire jointe aux conflits armés emportent chaque jour des dizaines de vies humaines.
Ce qui fait pencher la balance, aujourd’hui, du côté de la catastrophe, n’est autre que l’irruption des matières premières agricoles dans la marchandisation générale de l’économie. La manipulation artificielle des cours, la spéculation, le dérèglement général provoqué par des théories qui n’ont de « libérales » que le nom puisqu’en réalité, elles réhabilitent la loi de la jungle : tout cela est à l’œuvre désormais sans contrôle. Les tentatives menées actuellement seront-elles à la hauteur de la crise ? Il est vraiment permis d’en douter.
C’est largement au nord de la planète que s’est élaborée cette cuisine, moyennant un certain nombre de complicités très efficaces chez les victimes elles-mêmes, au sud. Les cuisiniers en chef œuvrent dans les salles de marché, à la Bourse de Chicago, dans les grands hôtels de Londres ou les palaces de Genève, dans les bureaux climatisés de Washington. Bref, partout où se manipulent les cours, où s’échafaudent théories et calculs. C’est là que se décident la vie et la mort de millions d’êtres humains, bien loin des hauts plateaux éthiopiens ou des bidonvilles de Dacca.
Jamais sans doute, le monde ne s’est gorgé, autant qu’aujourd’hui, de proclamations humanitaires et égalitaristes. Après avoir commémoré le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il s’apprête à célébrer le vingtième anniversaire de la Convention internationale sur les droits de l’enfant. Il aura raison. Ces textes sont des points d’ancrage, en effet.
Mais ceux qui dirigent le nouvel ordre du monde ont, pendant des années, vécu sur une autre planète. Ils seraient bien étonnés qu’on puisse leur attribuer une quelconque responsabilité dans le déraillement de destinées individuelles qui ne les concernent en rien. Faire monter délibérément le prix du blé ou du riz de 30 % en quelques mois ; brûler du maïs dans des moteurs de voiture ; spéculer sur le pétrole, les engrais, les pesticides, les semences ; acheter des terres au Brésil ou en Afrique ; ouvrir des sociétés offshore au Liechtenstein ; installer son siège social en Suisse : bref, considérer le monde comme un immense casino, c’est la loi du marché, rien d’autre.
Rien d’autre, en effet. Ce nouvel ordre du monde a ses chantres, ses acteurs, ses idéologues, ses grands prêtres. Ses enfants de chœur gagnent en un jour ce qu’une famille, ailleurs, obtient en un an. Le monde qu’ils construisent se nourrit des enfants des pauvres, comme dans la fable de Jonathan Swift.
Mais cette fois-ci, ce n’est pas une fable.

Une crise mondiale
La crise couvait depuis quelques années. 2007 avait déjà été une année chaude. La bulle de l’inquiétude a brusquement éclaté au printemps de 2008. Toutes les boussoles se sont alors affolées : les prix des matières premières agricoles ont flambé et le spectre de la malnutrition a resurgi, intact, mais cette fois à l’échelle d’immenses parties du monde. Les chiffres les plus alarmants ont alors circulé, et ils circulent toujours. La planète ne peut plus nourrir ses habitants, ont expliqué les spécialistes, ceux-là mêmes qui depuis vingt ans disaient exactement le contraire. Les hommes, arguaient-ils, sont désormais trop nombreux et trop voraces.
Des émeutes de la faim ont alors éclaté dans une quarantaine de pays parmi les plus pauvres du monde. En Égypte, au Cameroun, au Sénégal, où les émeutiers ont brandi des baguettes de pain, symbole même du colonisateur. Même chose au Mexique, au Bangladesh, au Pakistan, aux Philippines, où des militaires en uniforme surveillent la distribution du riz. En Haïti, on a découvert avec stupeur que les plus pauvres se nourrissaient de galettes formées de sucre et de… boue séchée. En Thaïlande, on a vu des rizières gardées la nuit par l’armée pour empêcher des récoltes sauvages.
La liste est longue de ces protestations populaires qui peuvent faire chuter des gouvernements et affolent les politiques. Le Premier ministre haïtien, d’ailleurs, emporté par la tourmente, a dû démissionner, la troupe ayant tiré sur la foule et tué cinq émeutiers. Les analystes y ont alors regardé de plus près. Le Fonds international pour le développement agricole, agence de l’ONU basée à Rome, a calculé que chaque hausse de 1 % du prix des céréales de base faisait plonger 16 millions de personnes supplémentaires dans l’insécurité alimentaire.

Les damnés de la crise
Insécurité alimentaire : le mot est donc lâché. En juillet 2008, le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) relève à la hausse ses estimations. Les stocks mondiaux de céréales ne correspondent plus alors qu’à cinquante jours de consommation. La crise actuelle, déclarent les responsables de l’organisation, pourrait être d’une intensité que nous n’avons jamais connue : elle conjugue en effet des pénuries immédiates, donc une situation d’urgence, et une dégradation structurelle, prévisible sur le long terme.
Depuis le début de la décennie, la production mondiale de maïs et de blé a été à sept reprises inférieure aux besoins. Au cours de l’été 2008, le PAM a donc demandé à ses donateurs 2,5 milliards de dollars de plus pour pouvoir, d’ici à la fin de l’année, nourrir les millions de personnes dont la survie immédiate dépend de l’aide d’urgence. Le moins que l’on puisse dire est que son attente a été déçue.
Au total, le nombre des mal nourris de la planète s’achemine vers le milliard d’êtres humains, à savoir plus de 900 millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Plus de la moitié de ces affamés a moins de 20 ans. Les mêmes vivent sous le seuil absolu de pauvreté : moins d’un dollar par jour.

Cassandre et les imprécateurs
On se tourne alors vers ceux qui, depuis des années, ont tenté d’alerter l’opinion, les puissants, le monde entier, sur ce qui se préparait. Au premier rang d’entre eux figure Jean Ziegler, un universitaire suisse qui n’a jamais mâché ses mots sur les dérèglements du capitalisme mondial.
Nommé par les Nations unies, en 2002, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, il écrivait dès le début de 2008 : « Le nombre des victimes de la faim et de la malnutrition augmente chaque année depuis 1996. » Avant d’ajouter : « Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de maladies liées à la faim et à la malnutrition. » Enfin, au printemps, devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies réuni à Genève, il s’exclamait : « En 2007, la malnutrition structurelle a tué plus de six millions d’enfants de moins de 6 ans. »
Cassandre, avaient dit les uns. Imprécateur, avaient ajouté les autres. Car Jean Ziegler, dans chacun de ses livres, dénonce avec constance ces maîtres de l’« empire de la honte » qui « organisent sciemment la rareté », ces « cosmocrates », comme il les appelle, ces « seigneurs de la guerre économique qui ont mis en coupe réglée la planète », planète aujourd’hui régie, dit-il, par l’« ordre cannibale 1  ». Une fois Jean Ziegler parti, son mandat terminé – mais il est aujourd’hui membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, d’où il continue son combat –, les cosmocrates ont respiré. L’air allait enfin redevenir plus léger.
Las ! Il a été remplacé par un universitaire belg

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