Mes idées pour demain
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Description

La gauche existe-t-elle encore ? Quelles sont ses grandes idées, ses valeurs, ses méthodes ? Qu’est-ce qui fonde l’originalité et la pertinence de ses propositions ? Michel Rocard renouvelle ici tous les grands thèmes qui ont illustré la tradition du socialisme démocratique. Sur la plupart des sujets d’importance et d’urgence que la vie nationale et internationale assigne aux politiques — de " la fin du travail " au désarmement nucléaire, de l’immigration à l’environnement—, il nous livre ses préconisations, toujours actuelles et toujours fécondes, pour aujourd’hui comme pour demain. Michel Rocard, ancien Premier ministre, est député européen.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2000
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738170347
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ouvrage publié sous la responsabilité éditoriale de Gérard Jorland
© O DILE J ACOB , MAI 2000 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7034-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Quelques questions pour demain

Avant de poser ces questions, une remarque s’impose : il serait naturellement faux de faire comme si « la gauche » était prédéfinie, délimitée et pérenne. Ce qu’on peut appeler « la gauche » se définit plutôt par les réponses données aux problèmes de société, quitte à ce que l’évolution dans le temps des questions et surtout des réponses fasse varier les frontières respectives de la gauche et de la droite.
Par rapport à la droite, qui se définit par la tendance à préférer la stabilité au changement, la gauche se définit, elle, par le souci constant d’améliorer l’existant et donc à préférer le déséquilibre ou le désordre temporaire lié à cette volonté réformatrice au statu quo reconnu imparfait. C’est cette attitude vis-à-vis des réponses qui produit culturellement une disponibilité plus grande de la gauche à poser des questions dérangeantes.
Ces questions que la gauche devrait se poser, j’ai tenté de les formuler devant les audiences les plus diverses au cours de ces dix dernières années. Je me suis résolu à recueillir ces interventions en un volume pour offrir au lecteur, je l’espère, matière à réflexion. Ces questions relèvent de quatre champs différents encore qu’en interaction les uns avec les autres ou les uns sur les autres.
Le premier concerne la paix et le désarmement. La gauche a une longue histoire en faveur de la paix, de Jaurès à la veille de la Grande Guerre, dont l’histoire ne finira jamais de se demander s’il aurait pu à lui seul l’éviter, jusqu’à Mendès France, qui a su accorder leur indépendance au Maroc et à la Tunisie, et trouver un compromis au Vietnam. Ai-je besoin de rappeler mes propres efforts en Nouvelle-Calédonie ? Mais voilà, la gauche s’est laissé entraîner à deux reprises dans des conflits dont l’enjeu moral paraissait indiscutable, contre l’Irak de Sadam Hussein et contre la Serbie de Milosevic. Mais elle ne saurait se satisfaire de voir le droit des peuples triompher par la force, elle est plus ambitieuse que cela, elle n’est elle-même que si elle parvient à prévenir les conflits.
J’engage ici le lecteur à me suivre dans deux pistes pour mettre en œuvre cette ambition. L’une est celle du désarmement nucléaire. La fin de la guerre froide et de l’opposition frontale de deux blocs inconciliables n’a pas mis fin au danger de conflit nucléaire. Si l’on n’y prend garde, la dissémination des armes nucléaires en dotera des pays de plus en plus nombreux à mesure que le développement économique leur permettra d’en maîtriser la technologie. Le cas de l’Irak est appelé à se décliner dans les décennies à venir. Si l’on n’oublie pas que la menace nucléaire est l’arme du faible contre le fort, on imagine aisément le danger qui pèse sur les grandes puissances nucléaires. Il est urgent que la gauche milite pour le désarmement nucléaire afin de prévenir ce cauchemar.
L’autre est celle de la prévention, ou du traitement des tensions avant qu’elles ne dégénèrent en conflits. Et il ne s’agit pas en l’occurrence seulement des conflits militaires entre nations, mais aussi bien des conflits au sein de la société civile. Le concept clé est celui de médiation et de médiateur. Il s’impose à partir d’un double constat : le premier, c’est que tous les intérêts sont légitimes, il est donc normal que chacun s’emploie à faire triompher les siens ; le second, c’est qu’il faut bien vivre ensemble, et donc parvenir à des compromis. Le médiateur est celui qui sait et qui peut articuler ces deux exigences. En analysant au plus près ces concepts de médiation et de médiateur, je voudrais inviter le lecteur à me suivre dans l’élaboration d’un art de la paix.
Le second champ que la gauche devrait interroger est celui de la démocratie. Chacun se plaît et se complaît à souligner la désaffection du public pour la politique et sa méfiance des hommes politiques. On les accuse d’incompétence quand on ne les poursuit pas pour corruption. Il est vrai qu’il leur arrive d’être incompétents comme il est vrai que certains d’entre eux peuvent être corrompus. Mais ce qui me frappe dans cet assaut contre les responsables politiques, c’est qu’il témoigne d’un glissement imperceptible de la démocratie représentative vers la démocratie d’opinion. Les médias, seul pouvoir sans contre-pouvoir, sinon celui du marché, imposent leur tempo, celui de l’urgence et de l’immédiateté, qui rogne sur le temps de la réflexion, et leur credo, les sondages d’opinion qui enregistrent toutes les sautes d’humeur de l’opinion et traduisent son impatience. Les politiques sont ainsi emprisonnés dans le présent et ne peuvent plus tenter d’imaginer l’avenir pour y préparer la société. Cette démocratie d’opinion est aussi une exigence de transparence qui est incompatible avec l’art de la réforme qui est celui de la négociation, impraticable sans exigence de discrétion. Je voudrais alerter le lecteur sur les périls de nos démocraties, mais aussi et plus positivement l’entraîner dans une réflexion sur l’exercice de la politique comme art de la régulation de structures auto-organisées, ce qu’autrefois j’appelais, avec quelques autres, l’autogestion.
Le troisième domaine que la gauche a commencé de sillonner est celui du travail et du chômage. Alors que la droite ne savait que colmater les brèches faute de pouvoir imposer ses remèdes, à savoir la baisse autoritaire des salaires, la gauche s’est caractérisée par un ensemble de mesures innovatrices qui prenaient le problème à bras-le-corps. Qu’on ne s’y méprenne pas. Même si la croissance actuelle annonce la décrue du chômage – et comment ne pas s’en féliciter ? –, la crise que nous venons de traverser annonce des bouleversements profonds que l’on peut résumer en une formule lapidaire : la fin du travail.
L’expression fait peur, et il y a d’abord de quoi. Soyons donc plus spécifique : hommes et femmes dans leur majorité continueront bien sûr à œuvrer. Mais le travail salarié productif à temps complet, lui, s’estompe et disparaît progressivement. J’invite donc le lecteur à questionner avec moi le chômage de ces deux dernières décennies, sous toutes ses formes, de l’absence d’emploi à l’emploi précaire, des stages de formation aux retraites anticipées, comme symptômes d’un changement profond de civilisation qui s’annonce depuis longtemps déjà, depuis le début du siècle au moins. Nous passons d’une civilisation fondée sur la malédiction du travail, sur la nécessité pour l’homme de livrer un combat impitoyable avec la nature pour assurer sa subsistance, à une civilisation fondée sur le temps libre, sur une mécanisation du travail d’une productivité telle que de moins en moins d’hommes doivent passer de moins en moins de temps à produire des richesses matérielles toujours croissantes offertes à l’ensemble de la population. Alors, oui, vraiment, s’énonce l’injonction angoissante la plus radicale qu’on puisse formuler : inventer la vie !
C’est en ce sens que la courageuse loi sur les trente-cinq heures prise par le gouvernement de Lionel Jospin sous la responsabilité de Martine Aubry est, quoi qu’on en dise, et malgré une maladresse de détail technique à laquelle on pourra remédier, la seule réponse profonde et durable au chômage comme symptôme d’un changement de civilisation. Toutes les arguties de conjoncture économique n’y changeront rien, la diminution du temps de travail est inscrite dans les tendances les plus profondes de l’histoire de nos sociétés.
Que faire alors du temps libre ? Il ne m’appartient pas, ni à personne d’ailleurs, et par définition, de le prescrire. Je n’évoque ici qu’une initiative, celle des réseaux d’échange réciproque de savoir, qui en libérant l’activité humaine de toute valeur marchande, en lui conférant sa gratuité créatrice, la gratifie du même coup d’une valeur de dignité aux résonances inouïes. De telles expériences suffisent à nous convaincre que nous sommes bien loin de la fin de notre histoire.
Enfin, dernier sujet de questionnement, et non des moindres, la gauche socialiste devrait s’interroger sur elle-même. A-t-elle encore un avenir ? D’une part, l’effondrement du communisme a définitivement ruiné tout projet d’économie administrée. N’ayant plus à donner de gages à leurs cousins communistes, les socialistes s’en passent désormais très bien, comme certains, qu’on avait baptisés « deuxième gauche », les en avaient conjurés. Mais du coup, si les socialistes abandonnent toute idée de nationalisation ou d’autres formes d’intervention intempestive de l’État dans la vie économique, ont-ils encore quelque chose à proposer ? D’autre part, l’économie de marché triomphant partout dans le monde, la globalisation des échanges s’imposant à chacun, l’idée même d’une politique économique garde-t-elle encore un sens ?
J’invite le lecteur à y bien réfléchir. L’économie de marché n’a aucun mécanisme de régulation interne ou endogène comme disent les spécialistes. D’abord, elle n’exclut pas les positions dominantes et l’abus de position dominante au détriment de la concurrence, des salariés et des consommateurs. Au contraire même, elle les suscite sous forme de concentrations, de fusions et

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