Qui va prendre le pouvoir ? : Les grands singes, les hommes politiques ou les robots
158 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Qui va prendre le pouvoir ? : Les grands singes, les hommes politiques ou les robots , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
158 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« C’est nous qui éliminons les grands singes et qui créons les robots. Comment apprendre à vivre avec ces nouvelles intelligences artificielles pour assurer un futur meilleur à l’humanité ? Ma réponse d’éthologue et de paléoanthropologue est qu’il nous faut d’abord comprendre les intelligences naturelles qui accompagnent notre évolution, à savoir celle des singes et des grands singes. Sinon nous serons les esclaves des robots. » P. P. Ce livre plein d’humour nous apprend beaucoup sur nous-mêmes, sur les hommes (et femmes) politiques, sur les grands singes… et les robots. Ce livre est aussi un bestiaire à clés, où toute ressemblance avec des personnages existants risque de ne pas être pure coïncidence… Pascal Picq est paléoanthropologue et maître de conférences au Collège de France. Ses recherches sur l’évolution de l’homme s’intéressent à ses origines comme aux profonds changements anthropologiques en cours. Il est à la fois très engagé dans la diffusion des connaissances en paléoanthropologie et dans les transformations de nos sociétés (Observatoire de l’ubérisation de la société, Institut de la souveraineté numérique, MENE...) sous le regard de l’anthropologie évolutionniste. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 mai 2017
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738138736
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , MAI  2017
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3873-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Introduction

Les grands singes auront disparu d’ici 2050. Après tout, cela peut être une bonne nouvelle pour les angoissés d’un avenir dominé par des grands singes porteurs de virus et de guerre comme dans la dernière saga de La Planète des singes . Par ailleurs, les études de prospective annoncent que les deux tiers de la population mondiale seront alors urbanisés. On ne voit donc pas en quoi la survie des singes et des grands singes pourrait obscurcir l’avenir radieux de l’humanité.
Si les grands singes se trouvent menacés par les hommes, et non pas l’inverse, en quoi intéressent-ils notre avenir immédiat ? Tout simplement parce que d’autres formes d’intelligence menacent, elles aussi, nos sociétés postindustrielles avec notamment l’arrivée massive des robots collaboratifs et l’intelligence artificielle forte. Les fondements modernes de nos sociétés qui, depuis la première révolution industrielle, se fondent sur les machines, les moyens de production, de distribution et de redistribution de plus en plus mécanisés et automatisés, la démocratie universelle, le travail et le salariat, l’éducation et la liberté d’information, s’en trouvent d’ores et déjà profondément impactés. Une autre annonce avait d’ailleurs précédé celle de l’extinction des grands singes : la disparition de plus de la moitié des métiers, la transformation des métiers restants et l’apparition de nouveaux métiers. Avec cette interrogation : est-ce que les nouveaux métiers allaient compenser la perte des autres comme au cours des révolutions industrielles précédentes ? Non, ce ne sera pas le cas cette fois et ce n’est pas un hasard si la question du revenu universel sous toutes ses formes s’impose dans les débats de société dans tous les pays postindustriels engagés dans ce que j’appelle l’« espace digital darwinien ». Une nouvelle phase de l’évolution humaine vient de commencer.
Savez-vous pourquoi les grands singes prennent le pouvoir sur la planète Soror inventée par Pierre Boulle dans sa nouvelle aussi géniale que dystopique de 1963 ? La vraie raison qu’aucun scénariste et réalisateur de film n’a voulu mettre en scène est celle-ci : les humains avaient tout simplement cessé de se comporter comme des humains. Les machines produisaient ce dont ils avaient besoin et les grands singes domestiqués assuraient tous les services. Ainsi tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles selon le credo des utopistes de tous poils. Mais, comme le raconte une femme attrapée par les chimpanzés, les humains cessèrent d’être actifs, intellectuellement et physiquement. Devenus incapables de réagir, ils finirent par glisser d’un état d’esclavage volontaire à celui d’asservissement sous la férule des grands singes.
Mais pourquoi nous raconter cette fiction alors que les singes et les grands singes vont disparaître d’ici peu ? Parce que le spectre de la décadence de l’humanité risque de se concrétiser avec l’arrivée massive des robots, de l’intelligence artificielle et… de l’allocation universelle. Si la deuxième révolution industrielle a été celle du remplacement de la main-d’œuvre par des machines déjà appelées robots, la troisième révolution industrielle, celle qui est en cours, sera celle du cerveau d’œuvre, avec des algorithmes traitant de tâches intellectuelles (recherche, classement et traitement des données massives, modélisation, collaboration, élaboration de propositions, etc.). Alors comment passe-t-on d’une société fondée sur la seule rémunération du travail productif et sur des cotisations sociales reposant sur le salariat à une société dans laquelle les fonctions de production ainsi que les métiers du secteur tertiaire et des services seront de plus en plus accaparés par des machines et des algorithmes ?
Balayons le spectre politique français pour voir les réponses qui nous sont proposées. La gauche de la gauche veut créer des emplois administratifs. On ne parle pas de travail, mais bien d’emploi, situation qui n’est pas forcément liée à la production de richesses (surtout pas, quel vilain mot !) et pas nécessairement à celle de services. La gauche du gouvernement, du moins celle qui est sortie victorieuse des primaires, évoque, elle, la question de l’allocation universelle. Et on aurait tort de croire que ce n’est qu’une idée de gauche. En effet, la pensée libérale, que l’on place à droite et qui est plus à gauche qu’on le croit, admet, elle aussi, une forme de revenu universel basé sur l’impôt négatif. L’idée est de donner aux personnes les moyens de se former et d’accéder aux activités ou aux métiers qu’elles désirent – tout au long de la vie, le fait nouveau est là. S’il y a rémunération, on reverse une partie à la collectivité. La droite très à droite croit, elle, avoir la solution en supprimant des postes de fonctionnaires. Quant à l’extrême droite, elle ne jure que par le trop grand nombre d’immigrés. On désigne donc les fonctionnaires et les immigrés comme remède ou cause de tous nos maux, c’est selon, mais sans parler des véritables changements en cours à propos du travail, de la production de richesse, de la productivité et de la redistribution dans le monde digital darwinien qui est déjà le nôtre. Autrement dit, en pleine révolution numérique, nos hommes politiques proposent des solutions qui datent de la première révolution industrielle ! En fait, il n’y a jamais eu autant de travail qu’aujourd’hui, mais il s’agit d’un travail de plus en plus personnalisé et, donc, non partageable selon la logique des 35 heures, avec une dissociation croissante entre rémunération, emploi et travail. Vivre sur la planète des robots et de l’intelligence artificielle n’est d’ailleurs pas en soi une catastrophe ; ce peut même être une bonne nouvelle s’il y a redistribution des richesses produites pour financer le revenu pour tous, mais de là à imaginer des allocations universelles d’assistance ou pour stimuler l’épanouissement individuel et social… Gare au syndrome de la planète des singes !
Le pire n’étant jamais certain, même si nous y travaillons ardemment, comment créer une vraie société postmoderne, plus certainement avec des robots de plus en plus intelligents qu’en compagnie des grands singes voués à l’extinction ? On connaît l’angoisse véhiculée dans beaucoup de fictions littéraires et cinématographiques, depuis la pièce R.U.R ( Rossum’s Universal Robot ) créée par Karel Capek en 1920 – première apparition du terme « robots » – jusqu’à Terminator . Or, aujourd’hui, l’intelligence artificielle ne relève plus de la science-fiction. Un consortium technologique a même été créé en 2016 pour faire progresser sa meilleure utilisation dans nos sociétés. Intitulé Partnership on Artificial Intelligence to Benefit People and Society, il regroupe désormais Google, Amazon, Facebook, Apple, IBM et Microsoft (GAFAIM), c’est-à-dire les nouveaux maîtres du monde.
Si, comme dans la nouvelle de Pierre Boulle, les grands singes nous regardent, voient-ils leur chance de survie dans l’arrivée des robots ? Que se passera-t-il quand l’intelligence des animaux s’alliera à celle des machines ? À ma connaissance, aucun auteur n’a envisagé de fiction avec cette alliance des grands singes et des robots pour dominer, voire éliminer l’humanité.
Pas de panique, pour l’heure, c’est encore nous qui éliminons les grands singes et qui créons les robots. Le vrai danger viendra de nous-même si nous sombrons dans la décadence d’une vie trop assistée. Ce qui nous amène au sujet central de cet essai : comment apprendre à vivre avec ces nouvelles intelligences artificielles pour assurer un futur meilleur à l’humanité ? Ma réponse d’éthologue et de paléoanthropologue est qu’il nous faut d’abord comprendre les intelligences naturelles qui accompagnent notre évolution, à savoir celles des singes et des grands singes. Si nous continuons à mépriser les intelligences les plus proches de nous dans la nature actuelle, comment imaginer une collaboration avec les nouvelles intelligences artificielles et les objets connectés ? Notre avenir avec les machines intelligentes ne pourra se construire qu’à cette condition. Sinon, nous serons les esclaves des robots.
Est-il nécessaire de rappeler que nous faisons toujours partie des primates ? Faut-il rappeler ce que, dans une conférence donnée à l’Académie française en 2005, Claude Lévi-Strauss disait des hommes, à savoir qu’ils se sont mis sur un pied d’égalité avec les espèces qu’ils s’emploient à éliminer et préparent leur propre déclin (P. Picq, De Darwin à Lévi-Strauss , Odile Jacob, 2013) ? Une autre facette du syndrome de la planète des singes…
En quoi ces singes et ces grands singes appelés à disparaître peuvent-ils nous instruire sur notre monde de plus en plus urbanisé ? Parce que, par-delà le plaisir de la connaissance, ils manifestent des comportements sociaux et cognitifs trop longtemps ignorés et très instructifs. En effet, les singes ont inventé des réponses adaptatives parfois étonnantes et d’une grande pertinence pour les grandes questions qui sont au cœur des mutations actuelles comme la gouvernance, les relations entre les sexes, la sociabilité, l’innovation technique, la solidarité, la guerre, la réconci

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents