Subir la victoire : Essor et chute de l intelligentsia libérale en Russie (1987-1993)
234 pages
Français

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Subir la victoire : Essor et chute de l'intelligentsia libérale en Russie (1987-1993) , livre ebook

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Description

Cet ouvrage propose une plongée dans le formidable bouillonnement intellectuel et civique de la Russie à l'époque de la pérestroïka et de la fin de la guerre froide, alors que les libéraux soviétiques mettent le pays sur la voie de la démocratisation. Il témoigne du tragique paradoxe de ces individus qui, en choisissant de soutenir la concentration des pouvoirs dans les mains d'un réformateur éclairé, ont eux-même contribué à miner leur projet politique. Sans tomber dans les théories du complot ou la dénonciation d'un quelconque atavisme russe, l'auteur replace l'histoire dans la perspective morale de ces libéraux, pour qui l'établissement de la démocratie requiert l'inculcation de valeurs particulières. Dans une brillante analyse croisée entre science politique et philosophie, il présente la pensée d'un groupe d'intellectuels soviétiques particulièrement influents et les débats qu'ils ont entretenus avec leurs homologues libéraux et leurs adversaires nationalistes et communistes. Ce faisant, l'ouvrage apporte un éclairage neuf sur la genèse intellectuelle et politique de la Russie contemporaine et sur l'échec de sa transition démocratique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 septembre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760640825
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Guillaume Sauvé
Subir la victoire
Essor et chute de l’intelligentsia libérale en Russie (1987-1993)
Les Presses de l’Université de Montréal




Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Subir la victoire: essor et chute de l’intelligentsia libérale en Russie (1987-1993) / Guillaume Sauvé. Autres titres: Essor et chute de l’intelligentsia libérale en Russie (1987-1993) Noms: Sauvé, Guillaume, 1985- auteur. Description: Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 2019002187X Canadiana (livre numérique) 20190021888 ISBN 9782760640801 ISBN 9782760640818 (PDF) ISBN 9782760640825 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: URSS—Politique et gouvernement—1985-1991. RVM: Perestroïka. RVM: Intellectuels—Russie. Classification: LCC DK288 S28 2019 CDD 947.085/4—dc23 Mise en pages: Folio infographie Dépôt légal: 3 e Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2019 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC). Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.


Table des matières
Translittération
Introduction
Subir la victoire
Du triomphalisme à la désillusion
Sortir de la guerre froide
Une interprétation de la pensée politique
Corpus
Chapitre 1
L’enjeu moral de la perestroïka
Un sentiment de déliquescence
La doctrine morale du marxisme-léninisme
Les promesses de la modernité soviétique
Perestroïka et campagnes de moralisation
La critique nationaliste
Nationalistes conservateurs et nationalistes libéraux
Les intellectuels nationalistes et la perestroïka
Chapitre 2
Un moralisme libéral en URSS
Les héritiers du socialisme humaniste
La mélancolie du progrès naturel
La naturalisation des idéaux socialistes
Le sens du système
La critique du «système administratif de commandement»
La particularité du libéralisme soviétique
Chapitre 3
Opinions et vérité
Démocratisation et consolidation
Pluralisme politique et monisme moral
La tyrannie du discours de vérité
Ne jamais transiger sur les principes: l’affaire Andreïeva
Tout ce qui n’est pas blanc est noir: le refus des demi-vérités
Espoirs d’autocensure
Chapitre 4
À reculons vers l’opposition (1989)
Le passage à l’opposition
Sakharov et la question du pouvoir
La réforme politique gorbatchévienne
La Tribune de Moscou: une opposition à vocation consultative
La campagne électorale et la première session du Congrès
Le Groupe interrégional de députés
L’opposition comme testament politique
Opposition au système et opposition au pouvoir
Chapitre 5
Modernisation et main de fer
Kliamkine: la vie contre les idéaux
Positivisme et déterminisme
Le mensonge à soi-même
Le rôle de l’opposition démocratique dans la transition autoritaire
Migranian et la technocratie à l’occidentale
Contre le perfectionnisme
La longue route vers la démocratie
L’autoritarisme garant de la société civile
Liberté morale et paternalisme
La démocratie comme fabrication, la démocratie comme libération
Chapitre 6
Le dilemme du mouvement démocratique (1990-1993)
Les deux virages idéologiques de 1990
Le mouvement démocratique et réformateur en 1991
Deux voies de perdition
Dénouement: la main de fer libérale
Consolidation et marginalisation
Chapitre 7
Projets oubliés d’opposition démocratique
Bourtine et l’opposition morale
(Re)commencer par soi
Retour vers la dissidence
Batkine et l’opposition pragmatique
La question ouverte du pouvoir
Le pragmatisme des principes démocratiques
Au-delà de la dichotomie pragmatisme-idéalisme
Conclusion
Les conditions morales de la fondation de la liberté
Bibliographie
Sources
Références sur la Russie soviétique et postsoviétique
Références de science politique et de philosophie politique
AUTRES TITRES DE LA COLLECTION


Translittération
Pour les références bibliographiques, nous avons utilisé le système de translittération ISO 9. Le tableau suivant indique la translittération des lettres qui n’ont pas la même prononciation qu’en français.


Pour plus de lisibilité, nous avons choisi d’utiliser la transcription française habituelle pour les noms propres dans le corps du texte. Par exemple, nous écrivons «Andreï Sakharov» dans le texte et «Andrej Saharov» dans les références bibliographiques lorsque la source est en russe.


Introduction
À la fin des années 1980, la Russie est à l’épicentre d’une onde de choc qui fait basculer l’histoire du pays et change la face du monde 1 . Mikhaïl Gorbatchev, secrétaire général du Parti communiste, lance un vaste programme de réformes connu sous le nom de «perestroïka», qui amorce une transition vers la démocratie et le marché, rend la liberté aux pays satellites du camp socialiste et met fin à la guerre froide. Involontairement, Gorbatchev ouvre du même coup une boîte de Pandore d’où surgissent toutes les contradictions de l’État soviétique: retard économique face à l’Occident capitaliste, mouvements sécessionnistes, révolte contre les privilèges de la nomenklatura, etc. Au terme d’une âpre lutte politique, l’URSS est finalement dissoute en décembre 1991, à la grande surprise de bien des citoyens soviétiques ainsi que des gouvernements étrangers. Des ruines d’un empire socialiste réputé immuable émerge une nouvelle Russie, qui cherche à tâtons à rejoindre la communauté des démocraties capitalistes.
L’un des épisodes les plus remarquables de cette époque tumultueuse est le spectaculaire essor de l’intelligentsia libérale soviétique dans la vie publique russe, suivi de sa chute vertigineuse au terme de la perestroïka. Il faut prendre toute la mesure de ce phénomène, qui se révèle exceptionnel tant du point de vue politique qu’intellectuel. Après des décennies de sévère censure, l’ouverture graduelle de la sphère publique suscite une vague d’espoir et une soif d’idées nouvelles. Gorbatchev encourage l’intelligentsia à prendre la parole et à dénoncer haut et fort les problèmes dont souffre le pays, afin de soutenir la voie des réformes et d’affaiblir la position de ceux qui y résistent. S’ouvre alors une période faste pour les intellectuels soviétiques, qui deviennent la coqueluche des journaux, des revues et des émissions télévisées. Georges Nivat, observateur de longue date de la société russe, en témoigne: «L’intelligentsia avait trouvé dans la perestroïka son régime idéal, […] les écrans de télévision et les grosses revues se disputaient [ses] faveurs. C’était l’époque où tous les jours je reconnaissais à l’écran des amis de l’intelligentsia moscovite 2 .» À partir de 1987, les principaux bénéficiaires de cette manne médiatique appartiennent à ce que l’on appelle communément l’«intelligentsia libérale», parce que ses représentants défendent une vision du socialisme qui incorpore de nombreuses idées libérales: la démocratie représentative, les droits de la personne, l’État de droit, l’économie de marché, etc. 3 . Plusieurs de ces intellectuels libéraux soviétiques, dont la notoriété ne dépassait pas un cercle étroit d’initiés, connaissent alors une gloire soudaine: leurs articles paraissent régulièrement dans de grands médias nationaux et ils sont conviés à s’exprimer dans des conférences dans tout le pays ainsi qu’à l’étranger. Leur ascendant sur l’opinion publique, à cette époque, a de quoi faire pâlir d’envie leurs homologues occidentaux. Évoquons, en guise d’illustration, une scène habituelle de la perestroïka: au petit matin, des dizaines de Soviétiques font régulièrement la file sous la neige devant les kiosques à journaux dans l’espoir de mettre la main sur la dernière parution de Novyj Mir ou de Znamâ , d’austères revues intellectuelles qui proposent des articles de dizaines de pages en minuscules caractères sur du papier de mauvaise qualité, sans couleur. Comment expliquer une telle ferveur intellectuelle? La raison est simple: ces revues proposent des textes littéraires autrefois interdits et des articles polémiques qui repoussent les limites du dicible et du pensable, après de longues années de musellement. De Kaliningrad à Vladivostok, l’on discute désormais des crimes de Staline, de la démocratisation, et bientôt même des crimes de Lénine et du Parti communiste. En plein pays des soviets, l’intelligentsia libérale rallie à sa cause de larges pans de la population urbaine et éduquée, qui se révèle politiquement active. En effet, le rôle de ces intellectuels ne se limite pas au domaine des idées. Dès les premières élections semi-démocratiques au printemps 1989, plusieurs d’entre eux s’engagent dans le nouveau champ politique. La célébrité médiatique acquise lors des années précédentes leur permet de prendre la direction du mouvement démocratique, dont l’opposition au Parti communiste connaît des succès retentissants. Ce mouvement organise les plus grandes manifestations de l’histoire du pays et porte au pouvoir Boris Eltsine, qui deviendra le principal artisan de la dissolution de l’URSS et le premier président de la Russie postsoviétique.
Subir la victoire
Pour bien des intellectuels libéraux, la victoire sur le communisme a un goût très amer, car leur soutien inconditionnel à Eltsine crée les conditions de leur propre marginalisation. Après avoir encouragé la concentration des pouvoirs dans les mains du président, ils se voient bientôt écartés au même titre que tous les autres contre-pouvoirs potentiels et assistent, impuissants, au déclenchement d’une guerre sanglante en Tchétchénie. Larissa Bogoraz,

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