Amerindia : Essais d’ethnohistoire autochtone
209 pages
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Description

De nos jours, on ne défend plus l’idée que les peuples autochtones conquis et colonisés étaient sans culture ou sans histoire, tout en reconnaissant néanmoins que leur histoire était obscure et leur univers culturel opaque pour les premiers voyageurs européens. Roland Viau écrit ici la rencontre entre l’Europe et l’Amerindia en donnant la parole à l’Autre. Sa perspective est globale, proche de la world history – symbiose entre les disciplines de la mémoire: ethnologie, histoire et archéologie – et loin de la vision d’un monde façonné par le seul Occident.
Sans poursuivre le procès d’intention fait aux colonisateurs de l’Amérique du Nord, l’auteur dresse un portrait saisissant des Autochtones à travers le récit de leurs traditions orales, leurs cosmologies et leurs mythes. Il nous invite à penser le monde dans sa longue durée et dans la compréhension des relations souvent conflictuelles entre les sociétés dominantes du Nord et les nations encore globalement dominées du Sud. Roland Viau est chercheur-enseignant au Département d’anthropologie de l’Université de Montréal et a publié, entre autres choses, cinq essais anthropologiques et historiques, dont Enfants du néant et mangeurs d’âmes, Prix du Gouverneur général, et Du pain et du sang. Les travailleurs irlandais et le canal Beauharnois paru aux PUM en 2013.
Roland Viau est chercheur-enseignant au Département d’anthropologie de l’Université de Montréal et a publié, entre autres choses, cinq essais anthropologiques et historiques, dont Enfants du néant et mangeurs d’âmes, Prix du Gouverneur général, et Du pain et du sang. Les travailleurs irlandais et le canal Beauharnois paru aux PUM en 2013.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 septembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760635852
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Roland Viau
AMERINDIA

Essais d’ethnohistoire autochtone
Les Presses de l’Université de Montréal
En couverture: Détail de la côte nord-est de l’Amérique du Nord. Tiré de la carte dessinée vers 1544 par Pierre Desceliers (vers 1500-vers 1558) ou par Jean Rotz (vers 1505-vers 1560), tous deux associés à l’École de cartographie de Dieppe. Le golfe et la vallée du Saint-Laurent sont reproduits avec de riches détails relatifs aux éléments naturels. Outre les relevés topographiques, le contenu documentaire reprend largement le langage géographique (choronymes et terminologie) de Jacques Cartier (1491-1557). Il est vraisemblable que le personnage central vêtu d’un manteau rouge franc et accompagné d’hommes en armes soit une représentation authentique de l’explorateur breton. Chargée de signification, la suprématie du rouge s’est imposée à tout l’Occident. L’écarlate incarnait l’insigne du pouvoir féodal et la marque de la puissance. The Harleian Mappemonde , Ms. Add. 5413. Collection: British Museum Library, Londres. Mise en pages: Yolande Martel Epub: Folio infographie Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Viau, Roland, 1954- Amerindia: essais d’ethnohistoire autochtone Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3583-8 1. Autochtones – Canada. 2. Autochtones – Canada – Histoire. 3. Ethnohistoire – Canada. I. Titre. E78.C2V52 2015 305.897’071 c2015-941589-6 Dépôt légal: 3 e trimestre 2015 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2015 www.pum.umontreal.ca ISBN (papier) 978-2-7606-3583-8 ISBN (ePub) 978-2-7606-3585-2 ISBN (PDF) 978-2-7606-3584-5 Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
En hommage à Norman Clermont à l’occasion de ses soixante-quinze ans
Toute la Terre est couverte de nations dont nous ne connaissons que les noms, et nous nous mêlons de juger le genre humain!
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755
Préface
La rencontre des explorateurs et des premiers colons d’Europe avec les peuples de l’Amerindia n’entraîna pas, d’emblée, une meilleure connaissance d’autres versions de l’humanité. Elle provoqua plutôt le marquage des différences des peuples autochtones qui furent interprétées non pas comme des indices de la richesse d’une humanité plurielle, mais plutôt comme la preuve d’une inégalité entre les peuples. On s’attacha à recenser les pratiques les plus étranges des sociétés amérindiennes – le cannibalisme et les sacrifices humains – sans souligner les traces pourtant évidentes de notre commune humanité. On n’imagina pas qu’il puisse exister une autre relation au temps que celle prévalant en Occident ni d’autres types d’archives – la tradition orale par exemple – que celles stockées dans des documents écrits. Avant l’invention de l’écriture, l’histoire des Autres ne pouvait être, pensait-on, qu’une non-histoire.
Du refus d’insérer le monde des Autres dans une trame «historique» est née une première ethnologie – celle des cosmographes et des chroniqueurs – qui s’est développée comme un savoir résiduel portant sur les peuples non occidentaux dont les mythologies, les pratiques rituelles et le système totémique des clans surprirent les premiers observateurs européens. L’ethnologie s’est ainsi constituée, au départ, comme le domaine séparé du primitif contre le civilisé, du non-écrit contre l’écrit, et de l’immobile contre le changement. En s’organisant comme des savoirs distincts, l’ethnologie et l’histoire ont contribué à falsifier le passé des peuples rencontrés à partir de 1492 dans les Antilles et à travers l’Amérique méridionale, et après 1534 – année du premier voyage de Jacques Cartier – dans la partie septentrionale de l’Amérique. Les récits des premiers explorateurs, missionnaires et administrateurs présentaient des descriptions – parfois caricaturales, il est vrai – auxquelles il est utile de retourner, aujourd’hui encore, si l’on veut comprendre quelque chose aux cultures inventées par les peuples d’Amérique. De nos jours, personne ne défend plus l’idée que les peuples hier conquis et colonisés étaient sans culture ou sans histoire, tout en reconnaissant néanmoins que leur histoire était obscure et leur civilisation opaque pour les premiers voyageurs européens.
Dans le nord-est de l’Amérique, des sociétés de chasseurs et d’agriculteurs vivaient, sans doute depuis des millénaires, le long du littoral de la Nouvelle-Angleterre et dans tout l’estuaire du Saint-Laurent de même que dans l’arrière-pays laurentien. Ce sont ces sociétés que Jacques Cartier a pu observer: ses récits de voyage disent son émerveillement devant les villages laurentiens entourés de trois palissades de bois, les «maisons longues» abritant plusieurs familles, et les champs défrichés dans lesquels l’on plantait les «trois sœurs» – maïs, haricot, courge. Plus loin vers l’intérieur des terres – autour des Grands Lacs –, les voyageurs entrèrent, plus tard, en contact avec des sociétés aux systèmes politiques complexes qui s’étaient organisées en de grandes confédérations, comme dans le cas des Cinq Nations iroquoises. Des réseaux d’alliance et de commerce mettaient alors en contact, de proche en proche, le Saint-Laurent, la haute vallée de l’Hudson et le bassin du Mississippi. La dispersion de ces peuples à travers l’Amerindia n’avait en effet jamais exclu les échanges qui se faisaient parfois sur de très longues distances: en témoignent les coquillages marins du Maine et les pièces de cuivre du lac Supérieur qui ont été retrouvés à des milliers de kilomètres de leur lieu d’origine.
Des humanités jusque là séparées, celles des peuples d’Europe et d’Amérique, furent ainsi mises en contact à la fin du XV e siècle. Les rencontres avec les sociétés autochtones d’Amérique forcèrent l’Europe à confronter sa propre civilisation, sa religion et ses langues avec l’univers culturel de l’Amerindia. D’emblée, la mythologie des nations du nord-est de l’Amérique a attiré l’attention des voyageurs et des missionnaires français, particulièrement les mythes cosmologiques de deux grands ensembles linguistico-culturels, celui des Algonquiens avec qui les Français ont historiquement entretenu des alliances privilégiées, et celui des Iroquoiens, des Mohawks surtout, qui sont entrés eux aussi, mais pour des raisons opposées, jusqu’au cœur de l’imaginaire québécois. À l’allégorie mythique du dessinateur Jan Van der Straet (1523-1605) qui a représenté l’Amérique, dans l’ America decima pars de Jean-Théodore de Bry (vers 1527-1598), sous la figure de l’Indienne nue et étendue dans un hamac face à un navigateur debout, cuirassé, et portant crucifix, épée et astrolabe, Roland Viau substitue, dans son Amerindia , une scène inaugurale résolument autochtone qui s’émancipe de l’écriture conquérante. Reprenant la grande tradition orale iroquoienne, Viau restitue la parole amérindienne à travers le mythe de la naissance de l’humanité – ses «divines origines», écrit-il – qui raconte comment la Grande Tortue a apporté l’argile à la Mère universelle pour qu’elle puisse construire le monde.
La rencontre érotique des deux mondes est ainsi remplacée, dans l’ Amerindia de l’anthropologue Roland Viau, par un autre imaginaire qui est fondé, celui-là, sur le face-à-face de deux mythologies, de deux visions du monde et de deux représentations de l’histoire. Dans les dix essais d’ethnohistoire autochtone regroupés dans Amerindia , Viau fait revivre, dans ses diverses dimensions, les mondes anciens de l’Iroquoisie et de l’Algonquinie. Il introduit le lecteur aux pratiques agricoles des peuples de la vallée du Saint-Laurent – ils étaient aussi chasseurs et cueilleurs – dont témoignent les champs plantés à Hochelaga et dans d’autres villages visités par Jacques Cartier. Dans son examen de l’organisation sociale de ces peuples au XVII e siècle, Roland Viau s’attarde à présenter le rôle central que l’idéologie de la guerre et la classe des guerriers jouaient à travers toute l’aire géographique du nord-est de l’Amérique, notamment dans les sociétés iroquoiennes. Après bien d’autres anthropologues, Viau examine la question de l’anthropophagie en reliant cette pratique à la capture d’ennemis faite lors de raids, à la torture des prisonniers et aux rituels de consommation des victimes, autant de phénomènes reliés entre eux qui transforment la guerre limitée, menée contre des groupes étrangers, en des stratégies visant, paradoxalement, à établir des liens intégrateurs entre des groupes humains différenciés. Plus fondamentalement, les sacrifices de captifs servaient à nourrir le Soleil, une divinité majeure du panthéon amérindien, qui pouvait ainsi «énergiser» la marche de l’univers par le biais du sang versé. Viau laisse ici entendre que le vaste complexe sacrificiel décrit dans le cas des Aztèques pourrait bien avoir existé, sous une forme apparentée, en Iroquoisie.
Dans son ouvrage, Roland Viau rouvre à nouveau, d’une manière originale, le dossier controversé de la disparition – une «terre veuve», écrit-il – des peuples iroquoiens que Cartier avait rencontrés sur les rives du Saint-Laurent et que Champlain ne retrouvera plus quelque soixante ans plus tard. Viau soutient, en étayant solidement sa thèse, que l’exposition précoce de populations non immunisées aux germes pathogènes amenés par les premiers voyageurs accompagnant Cartier – Viau pense plus particulièrement aux voyages effectués entre août 1541 et juin 1543 avec colons, animaux et plantes –, peut expliquer les premières épidémies entraînant la déperdition démographique, voire la disparition de l’ensemble de la Laurentie iroquoienne. La colonisation ne fut pas, même à ses débuts, une entreprise vraiment innocente: des maladies comme la rougeole, la grippe, la variole – peut-êtr

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