Art de la mort et mort de l art
260 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Art de la mort et mort de l'art , livre ebook

-

260 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Face à la banalisation des images qui abreuvent notre société, cet ouvrage prend le temps de s'appesantir sur un certain nombre d'entre elles, le lien qui les unit est leur rapport à la mort. Ce parcours propose une réflexion quant au sens des images et à leur place sous le label "art", sans classement préférentiel ni chronologique, privilégiant une approche sensible, la réception de l'art contemporain est ainsi interrogée en relation avec le corpus "patrimonial".

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2013
Nombre de lectures 13
EAN13 9782336669915
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Titre
Copyright
© L’Harmattan, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-66991-5
4e de couverture
Citation
« … L’art reste pour nous, quant à sa suprême destination, une chose du passé.
De ce fait, il a perdu pour nous tout ce qu’il avait d’authentiquement vrai et vivant, sa réalité et sa nécessité de jadis, et se trouve désormais relégué dans notre représentation.
Ce qu’une œuvre d’art suscite aujourd’hui en nous, c’est, en même temps qu’une jouissance directe, un jugement portant aussi bien sur le contenu que sur les moyens d’expression et sur le degré d’adéquation de l’expression au contenu. »

Frederich Hegel, Esthétique de la peinture figurative .

A la mémoire de mon père.
INTRODUCTION
Les textes qui suivent constituent une compilation d’écrits produits entre 2005 et 2010. Leur assemblage en vue de cet ouvrage n’était pas initialement prévu, la chose s’est faite naturellement...

Diffusées par des milliers d’écrans de toutes sortes, imprimées et mêmes glissées dans les boîtes aux lettres, mais aussi pendues aux cimaises des musées et des galeries, les images en déluge contraignent à un tri. En dégager quelques-unes et motiver ce choix permet un repli reposant. Celles qui suivent répondent à ce désir : diversement, elles questionnent et me touchent ; des liens se tissent, elles éveillent des souvenirs endormis, suscitent des émotions inattendues et provoquent des collusions réjouissantes. Telle photographie peut, dans un télescopage trop discrètement intelligible sur le moment, renvoyer à telle peinture vue il y a des années ; les mitoyennetés tiennent de temps à autre à de simples collusions atmosphériques mais de plus profondes arrière-pensées donnent envie de comprendre ce qui tisse le lien.

L’évidence d’une proximité directe ne fut pas immédiate, c’est le générique « portraits de groupe qui en fit la synthèse. Ces images furent choisies tant pour leur attractivité immédiate (couleurs, lieu d’exposition, détails, émotion mémorielle, etc.) que pour des liens culturels plus substantiels. Je revendique la subjectivité dans ce choix autant que dans l’ interprétation : le terme se définit précisément ainsi. Plusieurs observations laissent filtrer une réaction épidermique car analyser ne signifie pas décrire froidement sans prendre parti, et l’émotion artistique ne se traduit pas toujours par l’adhésion esthétique. Les « Portraits de groupe » ne s’intègrent à aucun classement académique et, de toute manière, cette graduation tombée en désuétude vers le milieu du dix-neuvième siècle ne signifie pratiquement plus rien.
La mimesis ne renvoie plus aux mêmes enjeux : un portrait peut maintenant figurer un animal, les contours du genre s’assouplissent grâce à l’image numérique ou de synthèse, vérité et ressemblance ne s’imposent plus en critères objectifs. A l’inverse, l’autobiographie déclenche des séries. Transgressant les limites ordinaires de la religion et de la sexualité, le portrait enfreint la traditionnelle bienséance et porte atteinte au « bon goût ». La définition de Diderot et d’Alembert a fini par s’éloigner de ce qu’elle délimitait dans l’Encyclopédie : « Le portrait est uniquement pour la ressemblance. (…) Effigies et portraits ne se disent qu’à l’égard des personnes. (…) Portrait : (peinture). Ouvrage d’un peintre qui imite d’après nature l’image, la figure, la représentation d’une personne en grand, ou en petit. On fait des portraits à l’huile, en cire, à la plume, au crayon, au pastel, en miniature, en émail, etc. Le principal mérite de ce genre de peinture est l’exacte ressemblance qui consiste principalement à exprimer le caractère et l’air de la physionomie des personnes qu’on représente (…) » 1 .
« Portrait de groupes » désigne une espèce d’images variées partageant des points communs. Le « double portrait » constitue son premier stade : Les Epoux Arnolfini de van Eyck, le Diptyque Montefeltre-Sforza de Piero della Francesca, l’Autoportrait de Rubens en compagnie d’Isabel Brant puis son Autoportrait avec Helena Fourment et son fils Peter Paul en sont de célèbres exemples. D’autres groupes, plus nombreux, pointent encore des jalons notables : Les Ménines de Velázquez, la Ronde de nuit de Rembrandt, Le Sacre de Napoléon de David ou Les Demoiselles d’Avignon de Picasso… Les sujets y font usage de codes plus exigeants que les portraits « simples » (d’une seule personne). « Portrait de groupe » renvoie à plusieurs corollaires :
– Portrait collectif : le thème est un portrait dont le groupe est le sujet réel, c’est un portrait de groupe .
– Multitude de portraits (uniques) : les effigies sont distinguables séparément. C’est un groupe de portraits .
– Les personnages constituent un ensemble par leurs diverses attaches.
Ils sont organisés en tant que portraits en groupe .
Ces directions multiples suscitent une sociabilité communicationnelle engageant le toucher, le regard, la parole, elles élargissent le champ visuel d’un portrait simple et par contrecoup, questionnent le point de vue du regardeur. La jonction entre l’espace figuré et le sien est saisissante quand une relation symbolique à l’architecture ou au paysage remplace une mimesis d’ordre naturaliste, d’ailleurs assez rare dans ce type de représentations.
Si le groupe désigne un être générique, il est supposé gommer toute identification ; il peut aussi traiter d’un caractère supérieur à l’humain et, par une représentation déifiée, offrir l’image sacralisée de la communauté. Singulier et pluriel, le portrait de groupe ne contredit pas l’unité, il la transcende.
D’un autre côté, le rapport numérique induit une suggestion temporelle : narration, durée de contemplation augmentée en raison d’un rapport entre éléments figurés, dialogue entre portraiturés… Une hiérarchie s’y insinue fréquemment mais ce peut être un tout où chacun est équivalent.
Les moyens plastiques inspirant cette relation appartiennent en propre à la catégorie. Ils sont capitaux : éléments de construction, lignes de composition, lumière, couleurs, matières, tissus et éléments distinctifs du portrait, composantes physionomiques, peau, carnation, chevelure, rides, expression, regard…
La mobilité de ces groupes est solidaire : tout déplacement isolé est inenvisageable, tout le monde est – a priori - censé évoluer concomitamment, comme pour une pose fugace bien qu’éternelle.

Or, l’éternité n’est pas le lieu de l’homme et les portraits de groupes rendent compte d’autre chose que les traditionnelles effigies solitaires. Leur héritage est différent, moins lié au pouvoir. Dans l’art occidental, leurs précurseurs hantent les murs médiévaux des églises : vitraux et lourdes statues des portails rassemblent les figures hiératiques des saints. Dans leur mobilité figée, le mutisme des personnages encourage à la méditation métaphysique : le portrait de groupe, pétrifié et muet, est le silence figuré. Il s’attache à transmettre une émotion temporaire plus qu’une transcription du réel.
Il est fascinant de constater combien la présence imagée des relations entre formes humaines concerne peu leur humanité ; les raisons poussant les hommes à se représenter ainsi sont obscures. Les œuvres sélectionnées ici, écartées pour quelque temps de leurs attaches séculières, attestent de cette impalpable curiosité ; mais quand le sacré s’infiltre dans l’interstice, il ne rend pas systématiquement compte d’un récit divin, il illustre rarement une anecdote religieuse au sens orthodoxe, il laisse planer l’équivoque et offre une place prépondérante à l’imaginaire, créant de toutes pièces une compagnie fabuleuse. Le regroupement permet aux hommes la liberté associative sur des bases libertaires : en marge d’une société progressivement constituée d’individus isolés, ils inventent leurs règles, mystérieuses pour les non-initiés. Les portraits de groupe racontent ces macrocosmes parallèles aux limites incertaines, endroits d’un monde différent, quelquefois éloignés de l’universalité du « Vrai », du « Beau », de l’« Idéal »…
Pour Georges Bataille, le sacré serait ce « … moment privilégié d’unité communielle, moment de communication convulsive de ce qui ordinairement est étouffé » 2 . Les images qui suivent rendent compte d’un transfert dans le groupe, déshumanisé par sacralisation. C’est le départ de mon questionnement.

Avant de se propulser dans ces mondes, il est parfois nécessaire

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents