Le Diable en ville
291 pages
Français

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Description

Ce livre raconte une histoire oubliée. Celle d’une étonnante modernité qui s’est propagée à Montréal au début du xxe siècle. Des spectacles amalgamant revues d’actualité, épisodes de films d’aventures américains, sketchs, chansons, parodies et monologues faisaient le bonheur du public venu se distraire, même le dimanche ! Sur scène et à côté de l’écran, c’est la langue de la rue et des manufactures qui se faisait entendre.
Auteurs, comédiens, chanteurs et bonimenteurs contribuaient, soir après soir, à construire une culture canadienne-française moderne et audacieuse, voire irrévérencieuse, fortement éloignée du nationalisme catholique associé au terroir. Sous le couvert de la comédie, on se permettait d’aborder des sujets comme l’adultère, la vie amoureuse et la transformation des modes de vie, on critiquait la censure et la prohibition, on riait de l’incompétence et de la corruption des élus.
Un homme en particulier est associé au développement de cette culture populaire urbaine et moderne, réprouvée par le clergé et l’élite conservatrice : Alexandre Silvio. Cet énergique personnage, qui s’est d’abord fait connaître comme bonimenteur de vues animées, est devenu l’un des principaux directeurs de théâtre à Montréal dans les années 1920. De nombreux dialogues et paroles de chansons de l’époque illustrent chacune des parties de ce livre.
Ces textes savoureux et ces personnages extravagants, oubliés pendant près d’un siècle et ayant miraculeusement survécu au passage du temps, retrouvent ici une nouvelle vie. Pour notre plus grand plaisir !
Germain Lacasse est historien et professeur de cinéma québécois à l’Université de Montréal. Ses recherches et ses publications s’intéressent aux rapports entre le cinéma, la tradition orale et la culture populaire. Johanne Massé a fait ses études de maîtrise sur l’apport des immigrants dans la littérature et le cinéma québécois. Bethsabée Poirier a fait ses études de maîtrise sur la réception du cinéma des premiers temps au Québec. Elles enseignent aujourd’hui le cinéma au niveau collégial.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760627529
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Germain Lacasse, Johanne Massé, Bethsabée Poirier
LE DIABLE EN VILLE
Alexandre Silvio et l’émergence de la modernité populaire au Québec





Les Presses de l'Université de Montréal
REMERCIEMENTS
Les auteurs tiennent à remercier le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), qui a financé depuis 2005 le projet de recherche « Cinéma et oralité », dont ce livre est un des aboutissements ; le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC) qui a subventionné le projet « Cinéma québécois et oralité » (20052008); le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoise (CRILCQ) qui nous a fourni beaucoup d’information et de soutien; Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) dont les collections ont été précieuses; le Groupe de recherche sur l’avènement et la formation des institutions cinématographique et scénique (Grafics); les Presses de l’Université de Montréal, qui ont accepté de publier ce livre.
Les auteurs remercient également Anne Beaulieu, Vincent Bouchard, Élise Lecompte, Gwenn Scheppler, membres de l’équipe de recherche « Cinéma et oralité » ; Sébastien Mathieu, réviseur d’une version antérieure du manuscrit; Léonore Pion, réviseure; et Antoine Del Busso, directeur des PUM.
Une mention particulière à Lucie Robert, professeure à l’UQAM, qui nous a généreusement et patiemment permis de bénéficier de son expertise en histoire du théâtre québécois.
Enfin, merci à toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à notre recherche et à sa publication.
PROLOGUE
Le sujet de ce livre est issu de découvertes venues à la fois de l’histoire et du hasard (qui sont parfois la même chose). Pour préparer le centenaire du cinéma, les historiens de cet art, moi y compris, ont commencé il y a une vingtaine d’années à en réétudier les origines et ont remis à jour beaucoup de pratiques presque oubliées. Une de nos trouvailles a été le bonimenteur de vues animées, un acteur qui avait pour fonction de lire ou de traduire les intertitres et d’expliquer verbalement l’intrigue des premiers films muets. Des recherches ont montré que sa présence avait été beaucoup plus fréquente et beaucoup plus durable dans certains pays, en particulier dans les communautés minoritaires, dont le Québec où on l’appelait « conférencier ». Mes propres recherches ont mis en évidence l’importance d’un bonimenteur nommé Alex Silvio, qui non seulement a exercé cet art pendant une trentaine d’années, mais qui a aussi misé sur sa popularité pour devenir un des principaux directeurs de théâtre pendant les années 1920 à Montréal, où il a dirigé jusqu’à trois théâtres simultanément. J’ai écrit un premier résumé de sa carrière dans un livre publié en 2000, croyant tout savoir ou presque à son sujet 1 .
Quelques années plus tard, en 2003, je suis devenu professeur à l’Université de Montréal et j’ai lancé un projet de recherche, intitulé « Cinéma et oralité », destiné à mieux connaître et analyser l’activité des bonimenteurs de films et des rapports du cinéma avec la langue, au Québec et ailleurs. Deux étudiantes que j’acceptai de diriger dans leurs études de maîtrise, Bethsabée Poirier et Johanne Massé, se joignirent à moi comme adjointes de recherche et se mirent à l’affût de nouvelles informations sur Silvio, son activité et le monde du spectacle à Montréal au début du xxe siècle. Nous avons d’abord projeté d’écrire ensemble un article pour une revue académique; l’abondance du matériel nous poussa rapidement à vouloir faire deux articles, puis aussi rapidement nous avons constaté qu’en fait il y avait là matière pour un petit, puis un moyen, puis un gros, puis un bien plus gros livre... Les étudiantes devinrent professeures à leur tour, mais acceptèrent de poursuivre avec moi les fouilles.
En cours de route apparurent des trouvailles qui nous passionnèrent, principalement les «revues d’actualité», c’est-à-dire des spectacles comiques composés de sketchs, saynètes, monologues et chansons parodiant la vie sociale et politique de l’époque. Bethsabée et Johanne constatèrent que Silvio avait écrit plusieurs de ces revues pour les présenter dans ses théâtres, mais elles découvrirent aussi qu’il en avait commandées et produites continuellement pendant toute sa carrière et que ce genre était devenu la principale attraction théâtrale des scènes montréalaises à cette époque.
Là n’était pas la plus importante découverte. Elle était plutôt dans le contenu et la forme de ces revues. Les revues d’actualité qu’on jouait sur les scènes des théâtres montréalais faisaient entendre une langue populaire et urbaine, la langue de la rue et des manufactures. Et ce, dans les années 1910 et 1920! Ainsi, à côté de l’exemple bien connu des Belles-Sœurs de Michel Tremblay (1968), il faut replacer les revues d’actualité comme lieu d’expression du langage populaire québécois. De plus, à travers ces textes en apparence anodins se dessine une prise de parole étonnante, souvent critique et audacieuse, en prise directe avec le quotidien et les préoccupations des citoyens ordinaires. Cette parole populaire est à la fois résistante, quand elle se heurte à la morale et au conservatisme, et moderne, exutoire, par la façon dont elle absorbe et s’approprie le progrès et le choc de la nouveauté. Les textes de revues d’actualité nous permettent de mieux connaître une facette du discours social de l’époque et de décrire davantage l’expérience de la modernité telle que vécue à Montréal par les milieux populaires dans le premier tiers du XX e siècle. C’est peut-être là que réside l’intérêt principal des textes de revues: ils constituent un échantillon d’un discours collectif sur l’époque, discours qui se développe, jusqu’à un certain point, en marge des institutions régissant l’écrit (livres, journaux, enseignement). Pour mieux comprendre ce qui nous semblait alors plutôt inattendu et même insolite, nous avons ensuite examiné nos connaissances sur Silvio et son monde en les comparant avec les études sur l’histoire de la culture. Nous n’avons certes pas révolutionné celle-ci, mais nous pensons l’avoir enrichie et raffinée en constatant que la culture populaire contribue de façon importante mais négligée à la culture institutionnelle et qu’au Québec, la culture populaire du début du XX e siècle a été un terreau fertile de la modernité que l’élite intellectuelle conservatrice combattait fermement sur tous les terrains. Autrement dit : les racines de la Révolution tranquille sont à chercher aussi loin que dans les spectacles populaires du début du siècle dernier !
Cet énoncé nous semblant aussi étonnant que contestable, nous avons décidé de documenter toute l’activité de Silvio et tous les aspects des formes de spectacle qu’il orchestrait. Nous pensons avoir accumulé suffisamment de matériel pour confirmer notre constatation et pour décrire l’activité de Silvio et de ses collaborateurs comme celle de médiateurs culturels entre, d’une part, le contexte d’une société évoluant selon les idéaux traditionalistes solidement entretenus par une élite cléricale et, d’autre part, les créations audacieuses d’artistes qui exploitaient sur scène en jargon populaire les sujets les plus contemporains liés à la modernité qui pénétrait malgré tout la société canadienne-française. Bien sûr, la vie et l’activité de Silvio ne résument pas toute l’histoire du spectacle à l’époque. Cependant la diversité des pratiques qu’il anima nous semble révélatrice d’un aspect de la culture qui a été peu étudié et dont la connaissance permet à la fois de mieux comprendre l’histoire culturelle du Québec et la relation d’une culture populaire avec une culture institutionnelle. Il ne s’agit pas d’en discréditer une au détriment de l’autre, mais de comprendre leurs rapports et, admettons-le, d’en rétablir une qui est la plupart du temps dévaluée et oubliée. Au moins sera-t-elle un peu remémorée. Je me souviens...
Pour bien comprendre les aspects de cette activité, nous vous proposons quatre chapitres (ou quatre actes) exposant les facettes de la question. Le premier chapitre explique le contexte et les conditions d’apparition de la culture populaire moderne, dans le monde et au Québec, et rappelle comment les historiens théorisent en général cette question, et comment nous pensons élargir cette théorie en considérant la langue et la culture populaire comme des lieux négligés d’expérimentation de la culture générale. Expérimentation ne veut pas dire ici avant-garde, mais plutôt création alternative, souvent spontanée, peu normée, non académique, mais certes inventive. Cette première partie se termine sur une explication des sources utilisées pour notre étude.
Le deuxième chapitre traite de l’émergence de la culture et du divertissement populaires modernes au Québec ; nous y rappelons et expliquons l’apparition du cinéma, le développement du théâtre, leurs rapports compliqués et conflictuels avec l’autorité cléricale, et nous insistons beaucoup sur la revue d’actualité, forme de spectacle théâtral la plus populaire à l’époque mais presque totalement ignorée dans l’histoire de la culture. Nous y expliquons quel est exactement ce type de spectacle et comment il se distingue du burlesque québécois, et nous levons le voile sur les débuts de ce genre au Québec. Nous y découvrons un personnage haut en couleur, un incontournable du genre : l’habitant en visite en ville. Puis nous y observons comment les revues proposent un discours en phase avec l’opinion publique, en prenant l’exemple des chansons traitant de la guerre. Sur tout ce chemin, nous exposons des textes oubliés, une langue vernaculaire surprenante, des intrigues et des personnages extravagants.
Dans le troisième chapitre, nous décrivons et étudions plus en détail les sujets abordés dans les revues, qui traitent de la modernité avec une pertinence parfois renversante. Nous avons séparé ce chapitre en deux parties : d’une part, les textes et chansons de revues traitant des progrès liés à la

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