Du film noir au néo-noir
330 pages
Français

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Du film noir au néo-noir , livre ebook

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Description

Cet ouvrage retrace la filiation esthétique et thématique entre le film noir et ses avatars (polar, néo-noir). Fiction urbaine et criminelle, oeuvre de propagande ou acte subversif, le film noir explore la face sombre de l'Amérique à travers le récit de personnages marginaux dont l'indépendance d'esprit est tantôt glorifiée (détective privé), tantôt condamnée (femme fatale). Il a créé sa propre mythologie autour de stéréotypes mettant l'accent sur l'artificialité de la construction des représentations sociales et filmiques. La fiction noire accompagne les crises du vingtième siècle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 250
EAN13 9782336276021
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sang Maudit
Collection dirigée par Jérôme Martin
Déjà parus
Michel CHLASTACZ, Trains du mystère. 150 ans de trains et de polars, 2009.
Fabienne VIALA, Leonardo Padura. Le roman noir au paradis perdu , 2007.
Laurent BOURDELAS, Le Paris de Nestor Burma. L’Occupation et les « Trente glorieuses » de Léo Malet, 2007.
Fabienne VIALA, Le Roman noir à l’encre de l’histoire. M. Vásquez Montalbán et Didier Daeninckx ou Le polar en su tinta, 2007. Natacha LALLEMAND, James Ellroy : la corruption du Roman noir, 2006.
Du film noir au néo-noir
Mythes et stéréotypes de l'Amérique (1941-2008)

Delphine Letort
© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296110557
EAN : 9782296110557
Sommaire
Sang Maudit Page de titre Page de Copyright INTRODUCTION PREMIERE PARTIE - HISTOIRES DE FILMS NOIRS (1941-1958)
Aux sources du film noir Le film noir : une écriture de l’Histoire nationale La série noire en sursis
DEUXIEME PARTIE - LES AVATARS DU FILM NOIR (1960-1990)
Comment définir le polar ? Polar et représentation Cinéma et société à l’aube du XXI e siècle
TROISIEME PARTIE - LE FILM NEO-NOIR (1980-2008)
Le néo-noir : une esthétique postmoderniste Un cinéma de la cruauté, pourquoi ? Représentations en crise Le film néo-noir : quête et enquête de « genre ».
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE FILMS ETUDIES : FICHES SIGNALETIQUES INDEX DES FILMS CITES
INTRODUCTION
Impossible à définir comme un genre dont les conventions seraient fixes, immuables, correspondant à un mouvement qui se répète de film en film, le film noir soulève un problème de définition qui semble presque impossible à résoudre. Les critiques n’ont cessé de chercher à en délimiter les codes précis, retenant chacun à leur tour des spécificités qui suggèrent d’abord leur propre point de vue sur des films qui se dérobent à toute entreprise de généralisation. Thriller 1 ( Assurance sur la mort , Double Indemnity, Billy Wilder, 1944), mélodrame psychologique ( La Femme au portrait , The Woman in the Window , Fritz Lang, 1944), film policier ( La Cité sans voiles, Naked City , Jules Dassin, 1948), film de tueurs ( Les Tueurs, The Killers, Robert Siodmak, 1946), film de gangsters/cambrioleurs ( Quand la ville dort , The Asphalt Jungle, John Huston, 1950) sont les appellations originales utilisées par les cinéastes d’outre-Atlantique avant que ne se vulgarise l’emploi du terme « film noir » à la fin des années soixante.
Forgé par les critiques français qui, à l’instar de Nino Frank, ne tardent pas à distinguer le film noir du film policier parce qu’il entre dans l’étude de la « psychologie criminelle » 2 , ce terme générique capte d’abord la « noirceur morale, existentielle » 3 qui s’affiche dans les éclairages contrastés et dans les récits enchevêtrés de la série noire. Jean-Pierre Chartier utilise l’expression « film noir » dans La Revue du cinéma (novembre 1946) pour souligner le lien entre le réalisme poétique des films français qui datent d’avant-guerre comme Quai des brumes (Marcel Carné, 1938) ou Le Jour se lève (Marcel Carné, 1939) et ces productions américaines adaptées des romans de la Série Noire, collection littéraire créée dans les années trente par Marcel Duhamel qui regroupa sous ce titre tous les livres de fiction criminelle pour le compte des Editions Gallimard. 4
Les définitions du film noir abondent, comme le souligne David Bordwell, en mettant l’accent sur la diversité des œuvres considérées et des réactions qu’elles suscitent parmi les critiques : est-ce un genre, un courant esthétique, un style ? Personne « n’a cherché à faire ou à voir des films noirs comme on a délibérément choisi de faire des westerns, des comédies ou des comédies musicales ». 5 Raymond Borde et Etienne Chaumeton parviennent néanmoins à constituer le corpus cohérent d’une « série noire » 6 dès 1955 dans leur Panorama du film noir américain 1941-1953 . Leur travail représente une tentative de classification des films qui partagent suffisamment de points communs pour entrer dans la série noire. Le panorama proposé suggère la difficulté de la tâche puisque chaque film semble se démarquer d’une définition trop générale de ce soi-disant genre pour mieux le diviser en sous-genres. De fait, ils adoptent une approche chronologique qui leur permet de distinguer différents courants, de faire ressortir les particularités de certains films, de révéler une évolution cinématographique. Ils envisagent le film noir comme un produit culturel, faisant non seulement écho au roman noir, tendance littéraire amorcée par Dashiell Hammett dans les années vingt, mais encore à un contexte sociohistorique et à une histoire cinématographique.
Les nombreux films noirs produits au cours des années quarante et cinquante ne peuvent être interprétés comme des adaptations strictes des romans dont les auteurs (Raymond Chandler, James M. Cain) travaillent pourtant à l’écriture des scénarios. La vision noire stigmatise un sentiment d’angoisse qui n’est peut-être pas étranger à l’expérience des réalisateurs et chefs opérateurs en exil – Otto Preminger, Billy Wilder, Robert Siodmak, Fritz Lang, Max Ophuls, William Dieterle – ayant fui le nazisme et trouvé refuge à Hollywood. Tous maîtrisent ces techniques expressionnistes qui permettent de recréer l’atmosphère inquiétante et insolite du roman noir à l’écran. Le film noir symboliserait l’effort d’appropriation ou d’intégration des réalisateurs qui, s’appuyant sur un savoir-faire développé grâce aux recherches esthétiques propres à l’expressionnisme allemand, exaltent ce regard dont la noirceur témoigne de la terreur, inspirée par l’inconnu et explorée par la plume d’écrivains américains. L’expérience de l’exil alimente peut-être ce sentiment d’étrangèreté 7 , relayé à l’écran par des personnages marginaux qui attirent la suspicion, évoqué par l’absence d’une structure familiale rassurante et protectrice, exprimé par la confusion des repères visuels dans une ville anonyme noyée dans la pénombre. 8
Le film noir semble bien être le fruit d’une rencontre entre deux arts et deux approches esthétiques : le roman noir s’adapte au cinéma tandis que l’écriture d’écrivains populaires croise un style photographique qui lui ressemble. Les jeux d’une lumière expressionniste traduisent sans la trahir la complexité du genre littéraire : la photographie est non seulement en parfaite adéquation avec la psychologie parfois trouble et complexe des personnages, mais elle intensifie encore les tensions d’un récit qui s’intéresse aux ressorts de la criminalité. Dans un ouvrage intitulé Film Noir : An Encyclopedic Reference to American Style , lequel témoigne d’un regain d’intérêt de la part des chercheurs américains pour le genre au cours des années soixante-dix 9 , Alain Silver et Elisabeth Ward soulignent le rôle essentiel joué par les contrastes dans la composition visuelle du film noir, esthétique du mystère qui exerce un réel pouvoir de fascination sur le spectateur, entraîné comme malgré lui dans un univers d’angoisse.
Le film noir évoque la persistance d’un style commun dans des œuvres qui explorent le crime sans jamais tomber dans une vision manichéenne. Il se caractérise par l’ambiguïté que magnifie l’attitude équivoque des personnages du privé et de la femme fatale : le premier occupe une position intermédiaire, en marge des institutions policières et sociales, tandis que le second inspire des sentiments contraires, qui oscillent entre méfiance et attirance. Les portraits des criminels sont eux-mêmes teintés de nuances : les gangsters sont incarnés par des êtres parfois sensibles qu’il est difficile de condamner sans ressentir une pointe de compassion. Le film noir interdit une lecture moralisatrice de la part du public comme il ébranle les habitudes spectatorielles 10  : son récit énigmatique malmène les protagonistes dont les enquêtes dévoilent maladroitement les ressorts d’un monde gangrené par la corruption. Privé de repères sécurisants à l’écran, le spectateur se trouve brusquement plongé dans un univers où moralité et justice ne sont guère plus des valeurs sûres. 11 Il
Le film noir a été l’objet de nombreuses études, la source de multiples interprétations depuis le début des années soixante-dix : les Américains adoptent d’ailleurs à cette époque l’expression « film noir » sans même chercher à la tra

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