Mouchette, de Robert Bresson
154 pages
Français

Mouchette, de Robert Bresson , livre ebook

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154 pages
Français

Description

Mouchette conte le calvaire en milieu rural d'une adolescente misérable qui, ayant perdu sa mère après avoir été violée par un braconnier, se suicide. Il ne s'agit pas, comme dans le roman de Bernanos qui l'inspira, de complainte apitoyée. Ce n'est pas davantage un plaidoyer contre le viol, ni même une enquête psychosociologique qui ferait sa part à la complexité mais un poème dédié à la grandeur de l'âme humaine.

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Date de parution 01 septembre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782296501966
Langue Français

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Extrait

Mouchette, de Robert Bresson ou le cinématographe comme écriture
Champs visuels Collection dirigée par Pierre-Jean Benghozi, Raphaëlle Moine, Bruno Péquignot et Guillaume Soulez  Une collection d'ouvrages qui traitent de façon interdisciplinaire des images, peinture, photographie, B.D., télévision, cinéma (acteurs, auteurs, marché, metteurs en scène, thèmes, techniques, publics etc.). Cette collection est ouverte à toutes les démarches théoriques et méthodologiques appliquées aux questions spécifiques des usages esthétiques et sociaux des techniques de l'image fixe ou animée, sans craindre la confrontation des idées, mais aussi sans dogmatisme. Dernières parutions Claude HODIN,Murnau ou les aventures de la pureté, 2012. François Amy DE LA BRETEQUE, Emmanuelle ANDRE, François JOST, Raphaëlle MOINE, Guillaume SOULEZ, Jean-Philippe TRIAS (dir.), Cinéma et audiovisuel se réfléchissent. Réflexivité, migrations, intermédialité, 2012. Catherine BRUNET,Le monde d’Ettore Scola. La famille, la politique, l’histoire, 2012. Angela BIANCAFIORE,Pasolini : devenir d’une création, 2012. Vincent HERISTCHI,La vidéo contre le cinéma. Neige électronique. Tome 1,2012. Vincent HERISTCHI,Entre vidéo et cinéma. Neige électronique. Tome 2,2012. Florent BARRÈRE,Une espèce animale à l’épreuve de l’image. Essai sur le calmar géant, 2012. Marguerite CHABROL et Pierre-Olivier TOULZA (sous la direction de), Lola Montès, Lectures croisées, 2011. Élodie PERREAU,Le cycle destelenovelasBrésil. Production et au participation du public,2011. Isabelle Roblin,Harold Pinter adaptateur : la liberté artistique et ses limites,2011. Florence BERNARD DE COURVILLE,Le double cinématographique. Mimèsis et cinéma, 2011. Vilasnee TAMPOE-HAUTIN,Cinéma et conflits ethniques au Sri Lanka : vers un cinéma cinghalais « indigène » (1928 à nos jours), 2011. Vilasnee TAMPOE-HAUTIN,: la génèse duCinéma et colonialisme septième art au Sri Lanka (1869-1928), 2011. Joseph BELLETANTE,Séries et politique. Quand la fiction contribue à l’opinion, 2011.
Daniel Weyl Mouchette, de Robert Bresson ou le cinématographe comme écritureL’HARMATTAN
Du même auteur - Septième art. Du sens pour l’esprit, essai critique, L’Harmattan, 2006. - Souffle et matière. La pellicule ensorcelée, L’Harmattan, coll. Champs visuels, 2010. © L'HARMATTAN, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96276-7 EAN : 9782296962767
INTRODUCTION «Le champ du cinématographe est incommensurable. Il te donne une puissance illimitée de créer» Robert BressonMouchette de Robert Bresson, se destine à l’esprit du spectateur, dont la personne est surtout le masque social. On peut entendre par esprit un dispositif tel que les clivages usuels entre raison et passion, intellection et sensation, éthique et esthétique, inférence et intuition, conscient et inconscient n’ont plus cours. De sorte que la raison n’a nul privilège autre que d’entretenir illusoirement la toute-puissance du moi conscient, auquel s’identifie la personne. Admettons que ce que l’on a coutume d’appeler récit filmique en revanche soit dédié au moi empirique du spectateur. Du coup, le récit deMouchettecomme réalité immédiatement intelligible médiatise le tout du film, dont il n’est pourtant que le principe d’émergence. Cela donnant la mesure de ce que Bresson appelle cinématographe, opposé à cinéma, conçu alors pour un public de « personnes ». Cinéma qui selon lui se borne à imiter un langage autre: ceux qui. « Deux sortes de films emploient les moyens du théâtre (acteurs, mise en scène, etc.) et se servent de la caméra afin de reproduire ;ceux
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qui emploient les moyens du cinématographe et se servent 1 de la caméra afin decréer. » Voire, le mimétisme peut s’étendre à tout genre : «Ton public n'est ni le public des livres, ni celui des spectacles, ni celui des expositions, ni celui des concerts. Tu n'as à satisfaire ni le goût littéraire, ni le théâtral, ni le pictural, 2 ni le musical. » Le cinématographe n’est cependant pas davantage voué à reproduire la réalité empirique, qui du reste ne saurait se reproduire ; tout au plus en tirerait-on une empreinte superficielle. Disons représentation. Toute représentation est œuvre du discours d’où procède le récit. Représenter : idées ou réalités, inertes ou animées. C’est d’un langage original non réductible au discours cependant que relève le cinématographe en tant qu’il fragmente du réel préparé, enregistré et réordonné au cadre fixe ou mobile qui le contient tout en tenant stratégiquement en lisière le hors champ, et le redistribue ainsi que les éléments sonores dans un ensemble fictionnel. En tant que tel il fonctionne selon Bresson 3 commeécriture, où la relation entre les données filmiques visuelles et sonores remplace l’appréhension cognitive, fondée sur desa prioricatégoriels. Alors que le discours se soumet à cesa priori: identité, causalité, tiers exclu dans un cadre spatiotemporel unitaire et continu, justiciable d’Euclide et de Newton, l’écriture tient sa puissance de s’en émanciper.
1 Bresson R.,Notes sur le cinématographe, NRF/Gallimard, 1975, pp. 11-12. 2 Ibid., pp. 104-105. 3  «LE CINÉMATOGRAPHE EST UNE ÉCRITURE AVEC DES IMAGES EN MOUVEMENT ET DES SONS. »,Ibid.,p. 12. 8
Un tel pouvoir relationnel indépendant des contraintes cognitives comme en poésie impose un rapprochement avec la pensée de Derrida. Selon le grand déconstructeur, l’écriture ne dérive pas de la parole mais obéit à des lois propres, relevant de ladifférance, principe à la fois d’ajournement et de différenciation du sens sur la base du 4 signifiant, faisant du « texte », pur de tout sujet central, libéré de la désignation fixe et de la référence, un espace de jeu. L’écriture ne se constitue pas de l’enchaînement réglé d’entités sémantiques fixes créditées dans l’extériorité référentielle, lehors textedirait Derrida, mais procède d’un jeu de différences. Non pas représentation mais économie. Il ne s’agit pas d’asséner un point de vue mais de maintenir en disjonction l’ensemble des éléments dont la synthèse aurait structure de jugement. Par là, comme « déconstruction » du discours, l’écriture dépasse les dichotomies conceptuelles rigides, rejoignant ce que nous avancions de l’esprit. Bresson eut véritablement l’intuition d’une problématique qui n’était pas encore théorisée mais dont sa propre pratique artistique témoignait par la remise en question de la mise en scène, ordonnée à un centre, au profit de la « mise en ordre » dont l’extrême liberté relève de l’écriture. En admettant cependant que le discours est à l’écriture ce qu’est le récit au film de cinématographe, on doit ajouter : ce qu’est la conscience à l’esprit. Or ce dernier a affaire au vrai, si l’on entend par là ce qui touche à la force d’un libre questionnement et non à l’adéquation classique
4 Appliqué au cinématographe, le concept de texte permet de dépasser la notion de récit filmique soumis au sujet transcendantal censé distribuer les valeurs du film, en faveur du tissage autodynamique d’éléments libres. 9
5 entre un discours et une réalité , fallacieuse reproduction encore : on n’imagine guère le discours autrement que comme structure de mensonge. Ce qui entraîne, quitte à forcer quelque peu la main à Derrida, que la déconstruction de l’écriture suscite un questionnement éthique. L’écriture serait alors différance pour mieux porter à l’incandescence le questionnement, à savoir exclure que la réponse soit toujours déjà contenue dans la question, le film de cinématographe étant ce qui continue de travailler indéfiniment le spectateur au-delà de la projection. Mouchettede prime abord comme la scène s’offre cohérente d’un drame privé de portée implicitement religieuse dans un milieu social caractérisé, tableau assez familier. Mais la notion de filmicité, caractère de ce qui appartient en propre au cinéma, permet de dévoiler que ce n’est que la fragile apparence d’un libre jeu mobilisant les propriétés de la pellicule. L’espace de jeu du cinématographe est alors infiniment riche : film en apparence lisse, continu, lisible, naturaliste mais que voue 6 à la déconstruction les propriétés du cadre fixe ou mobile impliquant un hors champ, la variation des grosseurs de plan, le montage, les raccords et faux raccords immédiats ou distants, le montage-son, le mode de relation entre les deux montages, le mode de relation entre le montage-son et le récit. L’écriture étant donc ce qui fait fonctionner à 5  Par où l’on se réfère en quelque manière à la pensée de Heidegger. Cf.De l’essence de la vérité, Nauwelaerts et Vrin, Paris, Louvain, 1948 et le § 44 d’Être et Temps, Ed. hors-commerce Martineau, pp. 173-185. 6  Nous avons proposé de nommer « espace quadratique » celui que commande la géométrie plane du cadre, par opposition à l’espace optique de coordonnées tridimensionnelles. (inSouffle et matière. La pellicule ensorcelée, L’Harmattan, 2010, p. 74 et glossaire) 10
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