Kaïro de Kiyoshi Kurosawa
142 pages
Français

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Kaïro de Kiyoshi Kurosawa , livre ebook

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Description

Cet ouvrage propose une analyse de Kaïro de Kiyoshi Kurosawa (2001), oeuvre matrice qui ouvre le genre fantastique au 21e siècle. Son récit visionnaire expose le revers des nouvelles technologies. Internet prend une dimension allégorique de la nouvelle condition de l'Homme moderne dans son rapport au monde. La toile du réseau se révèle toile d'araignée qui s'étend dans le réel, tissant lentement mais sûrement le réseau des solitudes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 202
EAN13 9782296235472
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

KAÏRO
de Kiyoshi Kurosawa
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09815-2
EAN : 9782296098152

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Sébastien Jounel


KAÏRO

de Kiyoshi Kurosawa

Le réseau des solitudes


Préface d’Antoine Coppola


L’Harmattan
Préface
Le cinéma est une pensée philosophique en action. Sartre comme Deleuze, l’ont vu, Kiyoshi Kurosawa met en pratique cette puissance du cinéma. Le cinéma est ainsi une porte vers un univers qui nous échappe. L’autre monde, celui que les « effrayés » de la vie tentent sans cesse d’organiser en système religieux ou en idéologies mortifères, se révèle par le petit trou de la serrure : l’objectif de la caméra. Les images du cinéma émeuvent parce qu’elles évitent l’hypocrisie de ceux qui parlent ou écrivent sur l’autre monde, sur la philosophie de la vie tout en agissant autrement, en n’assumant en rien leurs idées et sentiments. L’image du cinéma est une et unique, elle associe l’autre monde et celui-là, le corps et l’esprit, la lumière et les ténèbres, indissociablement. Finalement, c’est d’un être supérieur que nous entretient l’image cinématographique, quelqu’un qui réussirait le pari d’être, pleinement, autant qu’il apparaît. Le cinéma de Kiyoshi Kurosawa semble particulièrement correspondre à cette pensée par l’image au-delà de la narration, de l’organisation factice du monde visible et invisible. Chacun de ses films offre une part de mystère qui n’est pas le mystère préfabriqué du suspens attendu, mais le mystère de l’existence, de la fine frontière entre l’ombre et la lumière, et de tous les degrés qui composent cette frontière. Voir un film de Kurosawa, c’est toucher du regard et de l’épiderme l’être qui est en nous et qui demande à émerger dans sa totalité dans un monde qui refuse l’image de la mort, l’image du mystère, l’image de la puissance du vivant, un monde qui préfère les artifices rassurants, confortables, mais vains. L’animalité du monde dit moderne surgit à chaque instant dans ces films d’outremonde, ce qui est nommé civilisation n’est que le déguisement des plus bas instincts, le véritable Instinct, celui de la volonté de vivre (à ne pas confondre avec la survie animale) apparaît comme le seul sujet des films de Kurosawa tant la disparition, l’évaporation de l’homme dans son irréalité climatisée, sa vie sentimentale programmée, sa vie intellectuelle falsifiée, semblent entourer tous les personnages, jusqu’aux lieux, si beaux et tragiques, que chaque image met en scène. Jamais autant, l’outremonde n’a permis de révéler la vraie vie à travers un écran fantomatique.


Antoine COPPOLA
« Etrange spectacle qui pense l’univers comme l’avenir des ruines, son mouvement comme l’écroulement des pierres, mais ses atomes comme des enfants perdus cherchant leur père, c’est-à-dire la cause qui les ferait disparaître et dont la fuite éperdue en tous sens est la nostalgie ; et ce retour accomplit la consommation du temps, la fin du monde. »

Jean-Louis SCHEFER, Du Monde et du mouvement des images , Paris, éditions de l’Etoile/Cahiers du Cinéma, coll.
« Essais », 1997, P.59


« Est-ce que l’homme, avec sa conscience infuse, son ambiguïté, son ordre symbolique, sa puissance d’illusion, n’a pas fini par altérer l’univers, l’affecter ou l’infecter de la même incertitude qui est la sienne ? Est-ce qu’il n’a pas fini par contaminer le monde (dont il fait pourtant intégralement partie) par son non-être, par sa façon de ne-pas-être-au-monde ? »

Jean BAUDRILLARD, L’Echange impossible ,
Paris, éditions Galilée, 1999, p. 37
Introduction
Tout comme le western est mort aux Etats-Unis pour mieux renaître en Italie (et, dans un cycle presque naturel, pour ressusciter dans son pays d’origine un peu plus tard), le fantastique est mort en Occident pour se voir insuffler une nouvelle vie en Asie, recomposé à partir des cendres du genre. En ce sens, Kiyoshi Kurosawa, tête de file de la « nouvelle nouvelle vague » japonaise, est au fantastique ce que Sergio Leone est au western {1} . Kaïro, réalisé en 2001, ouvre le genre au 21 ème siècle en s’imposant comme une œuvre matrice et maîtresse, bien qu’elle soit passée relativement inaperçue dans le circuit commercial {2} . Tous les thèmes, tous les dispositifs de mise en scène, l’esthétique que le réalisateur y développe ont leurs avatars, leurs copies, leurs variations ou leurs hommages dans l’ensemble des productions du même « mouvement ».

Kiyoshi Kurosawa fait pourtant primer l’atmosphère aux effets spéciaux explosifs, la composition du cadre aux mouvements de caméra sophistiqués, l’étirement de la durée au montage syncopé, la clarté et la simplicité à l’ostentatoire. Sa contribution la plus notable est vraisemblablement son utilisation des outils de communication comme élément scénaristique fondamental, comme base de réflexion à la fois sociologique et esthétique, comme instruments d’une propagation endémique de l’isolement, de la solitude et de la mort {3} . Le développement du thème ouvre une perspective nouvelle au fantastique, et plus particulièrement au kaidan eiga (film de fantômes), « spécialité » japonaise depuis les années 50-60, mais surtout, il l’ancre terriblement dans notre époque. Kiyoshi Kurosawa saisit avec une pertinence rare le mal-être des jeunes issus de la société postindustrielle. Il se propose de faire une sorte d’autopsie de l’individualité dans un système qui la nie. La mécanique du monde contemporain est transposée dans le microcosme tokyoïte pour une expérience visant à étudier la propagation du chaos, l’extension d’une forme de vide ou de néant postmoderne. Kaïro illustre un mouvement global instauré par l’Homme, mais qui désormais le dépasse. Le titre original se traduit littéralement par « circuit » ; c’est donc bien un dispositif dont le fonctionnement ne nécessite pas ou plus l’intervention de l’humain qui forme la trame principale. Le film expose le revers et l’envers des nouvelles technologies, leurs effets sur les êtres, sur leur perception de l’Autre, d’eux-mêmes et du monde environnant. Internet prend dès lors une dimension allégorique en signifiant les évolutions – ou les involutions – de l’être-au-monde, la nouvelle condition de l’Homme postmoderne. Pour ces raisons, entre autres, Kaïro est certainement le film de genre le plus en phase avec son époque depuis Nosferatu de W. F. Murnau (1922), Invasion of a Body Snatchers de Don Siegel (1956), Zombie de Georges A. Romero (1978) ou Videodrome de David Cronenberg (1983) desquels il s’inspire, et plus, en constitue le prolongement. Œuvre d’anticipation au scénario visionnaire, elle explicite à travers les codes du fantastique (et ceux instaurés par Kiyoshi Kurosawa lui-même) une crise latente, intrinsèque à la société contemporaine. Il pousse la logique du système jusqu’au point de non-retour, jusqu’à la rupture en établissant les règles d’un commerce à la fois atone et autoritaire entre le monde des morts et celui des vivants. Il en ressort une forme de violence étrange, visuellement dérangeante, une catastrophe tranquille qui œuvre en silence, lentement mais sûrement. Kaïro dépeint finalement un corps social malade, autiste et en saisit les derniers soubresauts. Il décrit un système métastasé où la consumation répond à la consommation, la crise identitaire au narcissisme, la solitude à l’individualisme, le suicide à l’affirmation de soi, la contamination à la communication.
I. La (dé)Structure du monde
« On peut considérer que le fantastique est une expression de ce monde, qu’il est le Réel par excellence. »

Jean-Louis LEUTRAT, Vies des Fantômes.
Le fantastique au cinéma , Paris, éditions de l’Etoile/Cahiers du Cinéma, 1995, p. 43
La Ville-fiction
« J’ai l’impression de montrer un univers tout à fait réel. Pour moi, ce sont les gens qui habitent les grandes villes qui vivent dans un monde fictif. »

Kiyoshi KUROSAWA,
propos recueillis par Philippe PIAZZO in Le Monde, 23 Mai 2001.


Kaïro se déroule entièrement à Tokyo, la capitale du Japon, comme la grande majorité des films qui composent la prolifique filmographie de Kiyoshi Kurosawa. Ce choix presque obstiné ancre ses récits dans une réalité sociale : la vie urbaine dans le Japon contemporain. Il fait de la mégapole un épicentre, à la fois symbole et symptôme d’un pays, le Japon, et d’une époque, la fin du vingtième siècle, le postindustr

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