Le corps de cinéma
220 pages
Français

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Le corps de cinéma , livre ebook

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Description

Il en est du héros de cinéma comme de tout héros, il est d'une nature sans commune mesure avec nous autres, pauvres mortels, faibles et faillibles. Le super-héros de cinéma américain parle peu, il ne trouve à s'exprimer que par le corps en action. Corps visible qui envahit l'espace de l'écran pour s'imposer sans partage dans l'univers du film et dans l'imaginaire du spectateur. Le corps du super-héros se montre, s'exhibe de façon ostentatoire parce qu'il est le seul porteur du discours tenu par le film.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 249
EAN13 9782296711143
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE CORPS DE CINÉMA

Le super-héros américain
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13292-4
EAN : 9782296132924

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Jean UNGARO


LE CORPS DE CINÉMA

Le super-héros américain


L’Harmattan
Du même auteur

Une éducation artistique pour tous ? ,
(avec Philippe Pujas), Érés, 1999.

André Bazin : généalogies d’une théorie, Paris,
L’Harmattan, coll. Audiovisuel et Communication, 2000.

Américains, héros de cinéma, Paris, L’Harmattan,
coll. De Visu, 2005.
Si la sémiologie est la science des signes, la sémiologie du corps se définira comme la région de cette science dont l’objet est le corps comme signe. Comment le corps humain peut-il être signe ou ensemble de signes ? Comment peut-il signifier ? Quel peut être son type propre de signifiance ? Quelles lois la régissent ?
La moindre attention à notre corps, à ses comportements dans la vie sociale et dans les rapports de production et d’échange montre que le corps est le lieu et l’instrument d’utilisation de plusieurs systèmes de signes : signes du langage avec la voix et ses intonations expressives et signifiantes ; signes gestuels et comportementaux ; attitudes corporelles ; signes cosmétiques ; signes vestimentaires ; signes extérieurs indiquant les conditions sociales, signifiant des règles institutionnelles ; signes de politesse, de rituels d’attitudes, d’étiquettes expressives de sentiments liés aux rôles et aux positions sociales ; signes de l’art, dont le corps peut être la surface d’inscription, le véhicule et l’instrument. Il est clair que le corps est pris dans des réseaux de signes qui le conditionnent, le façonnent, le donnent à voir, à entendre, à sentir… Dans cet immense domaine, où les signes paraissent s’engendrer et se multiplier à l’infini, est-il possible d’introduire un principe d’ordre et de délimitation des divers ensembles de signes corporels ?


Louis Marin
« Corps et langage »
in Encyclopaedia Universalis
La forme du héros
Le héros n’existe qu’à l’intérieur d’un récit qui en rapporte les exploits et en forme l’empreinte. Récit traditionnellement défini comme une suite d’actions obéissant à un schéma narratif dans lequel, à partir d’une situation de départ et de sa perturbation (ou de son déplacement), une série d’actes ou de péripéties conduit le héros à la résolution puis au dénouement. Comme dans les plus anciennes formes théâtrales, tout ce que fait ou ce que le héros s’abstient (ou refuse) de faire est signifiant. Son vêtement, sa coiffure, ses ornements, tout est codé comme dans ces formes populaires de représentation où chaque geste, chaque parole appartient à un code bien établi, compris immédiatement, sans réflexion. Il en est ainsi dans le théâtre de Nô au Japon, dans l’opéra traditionnel chinois, dans la danse de l’Inde ou de Bali comme, en Europe, dans l’épopée, la farce ou le guignol. Chaque personnage occupe une place définie et toujours identique quelles que soient les aventures dans lesquelles le récit l’engage. La place qu’il occupe dans le récit, la construction de sa représentation ne renvoie à aucun réel, les signifiants ne renvoient à aucun signifié, les représentations ne renvoient qu’à d’autres représentations.
Le conte comme la fable relèvent d’une rhétorique identique. L’un et l’autre se situent dans le débordement, dans l’abolition des normes, dans la disparition des limites, dans la transgression et surtout dans l’effacement du banal, du quotidien, de l’ordinaire et donc dans la transfiguration et le ré-enchantement du monde, c’est-à-dire sa disparition. L’excès est donc bien le moteur de ce type de récits, qu’ils soient littéraires, théâtraux ou cinématographiques. Le héros excède la nature, il en outrepasse les normes et, ce faisant, il les nie, les efface, les réduit à néant, leur confère le statut de règles tout juste bonnes à régenter les pauvres humains que nous sommes. Spectre ou fantôme, il n’est ni dieu, ni homme, il n’est rien ; il se présente à nous sur l’écran comme ce rien qu’il ne peut cesser d’être, comme ce corps qui nous tient un discours sur le vide. Il ne s’agit donc pas, dans ces films ( Batman, Terminator, Rambo ), de trouver la plénitude de l’autre et sa vérité, mais plutôt de l’abolir, de contraindre l’humain dans l’homme, de le réduire et de l’amoindrir.
Dans Morphologie du conte, Propp montre que, dans la fable, la succession des fonctions est toujours identique ; de même, dans Batman, Superman, Spiderman, Terminator ou Rambo , le récit prend la forme du conte puisque, quel que soit le personnage, quel que soit son nom ou la manière dont il est représenté dans l’image, il accomplit toujours le même type d’actions. Non seulement le type de personnage est identique d’un film à l’autre, mais l’ordre des séquences, ce qui s’y déroule comme leur temporalité propre, suivent un modèle immuable. En outre, du fait qu’il adopte, sur le plan de l’énonciation, la forme performative, le conte (le film) signe son appartenance au mythe ou à la religion au sens où il contient une injonction et des pratiques conjuratoires réclamant de la part du spectateur une sorte de dévotion. Suivant l’exemple des contes anciens, la maîtrise ou l’échec des gestes, l’économie ou le surcroît de paroles s’articulent sur deux types d’énoncés : les figures du mal sont représentées par des énoncés de type descriptif ou constatif, alors que le héros est représenté par des énoncés de type performatif. Si Batman ne parle pas, le Joker, au contraire, est très bavard comme Nygma qui recouvre d’un excès de paroles le mutisme et l’excès d’action de Batman. Le laconisme du héros signifie que celui-ci est tout action, qu’il ne perd pas son temps en bavardages inutiles. Le silence du héros ne laisse la place qu’à la violence. Laconique, le héros l’est avec excès, comme ses adversaires sont démesurément bavards. Opposition et complémentarité qui, comme dans tout conte, se retrouvent dans ce type de films pour en constituer le modèle canonique.
Que ces films fassent systématiquement usage d’une rhétorique de l’excès conforte l’hypothèse que la posture fictionnelle adoptée assume l’évacuation de tout référent. Poser en exergue l’idée que certains films relèvent d’une telle rhétorique c’est affirmer qu’ils n’ont pas seulement le désir naïf de distraire le spectateur par une fable, mais bien la volonté de manifester, par le moyen d’une représentation forte, la puissance de la fiction capable de mettre en œuvre de tels excès et la domination sans partage, sur ce type de fiction, de la seule industrie en mesure de les produire. À cette fin, le film adopte les figures rhétoriques de l’injonction à l’adresse du spectateur.
L’injonction ne peut produire son effet que s’il y a au préalable un sentiment de déférence à l’endroit de celui qui la prononce. Obéir à une injonction ou à un ordre, c’est se soumettre soit à l’autorité morale soit à la contrainte par force. « On appelle injonction toute attitude énonciative destinée à obtenir de l’interlocuteur qu’il se comporte selon le désir du locuteur, qu’il s’agisse d’un ordre ou d’une défense. Dans la langue, le mode de l’injonction est, par excellence, l’impératif, qui ne connaît, de façon toute naturelle, que la deuxième personne, celle du destinataire du discours {1} . »
L’injonction c’est l’action d’enjoindre. Enjoindre c’est ordonner expressément, imposer, prescrire ou proscrire en vertu de l’honneur, de la probité, de la morale, du devoir… Dans le domaine juridique l’injonction est un ordre adressé à une personne contrainte de faire ou de ne pas faire quelque chose. Qu’ils s’agisse du désir que le locuteur adresse au destinataire ou du juge qui ordonne, l’injonction formule une obligation que le sujet s’impose ou qui est imposée à l’autre. Mais si s’obliger soi-même c’est se c

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