Le trou de Jacques Becker
85 pages
Français

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Le trou de Jacques Becker , livre ebook

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Description

A la fois traversée infernale et marche vers la lumière, Le trou, dernier film de Jacques Becker, est une œuvre qui semble contenir l'histoire des hommes et du monde. Marqué par cette dimension symbolique, l'auteur, parcourant ces galeries de doubles, s'engouffre lui aussi dans l'aventure pour en commenter la richesse. Il propose une lecture de ce film qui, cinquante ans après sa sortie, continue de nous émerveiller.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 463
EAN13 9782296709201
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Trou de Jacques Becker
Sang Maudit

Collection dirigée par Jérôme Martin
Déjà parus
Arnaud LABOMBARDA, Scarface, ou le fantasme du paradis , 2010.
Delphine LETORT, Du film noir au néo-noir : l’Amérique e n représentation (1941-2008) , 2010.
Michel CHLASTACZ, Trains du mystère . 150 ans de trains et d e polars , 2009.
Fabienne VIALA, Leonardo Padura. Le roman noir au paradi s perdu , 2007.
Laurent BOURDELAS, Le Paris de Nestor Burma. L’Occupation e t les « Trente glorieuses » de Léo Malet , 2007.
Fabienne VIALA, Le Roman noir à l’encre de l’histoire . M. Vásque z Montalbán et Didier Daeninckx ou Le polar en su tinta, 2007.
Natacha LALLEMAND, James Ellroy : la corruption du Roman noir , 2006.
Emmanuel Girard
Le Trou de Jacques Becker
L’Harmattan
© L’HARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13075-3
EAN : 9782296130753
REMERCIEMENTS
À René Belletto, pour son amitié fidèle, ses encouragements initiaux quand écrire sur ce film n’était encore qu’une idée. Pour ses commentaires et les suggestions qui ont ponctué la rédaction, de tout mon cœur, merci !
À Françoise de Kervenoaël, l’amie de la rue de Condé, pour sa lecture, ses remarques pertinentes et sa présence, toute ma gratitude.
Merci infiniment à Jérôme Martin pour son enthousiasme et sa confiance immédiate.
Et à ma merveilleuse Miho.
Lorsque Jacques Becker commence le tournage du Trou , les films tournés en studios et interprétés par les vedettes de l’époque constituent encore la majeure partie de la production française. Si, en Italie, le néo-réalisme a transformé le paysage cinématographique, de même qu’au Japon où, dès l’aprèsguerre, la reconstruction s’opère avec l’émergence d’une nouvelle génération de réalisateurs, le cinéma hexagonal tarde à renouveler son langage et à s’émanciper de sa facture classique.
Assistant de Jean Renoir sur plusieurs films, Becker passe à la réalisation pendant la guerre avec Dernier Atout (1942), film déjà prometteur dans lequel des aspirants policiers cherchent à démanteler un réseau de grand banditisme. Après Goupi mains rouges (1943), Falbalas , sorti en 1945, sera son troisième film tourné pendant l’Occupation. Il réalise ensuite plusieurs comédies de couple, notamment Antoine et Antoinette (1947), Rue de l’Estrapade (1953) qui innovent par rapport à la tradition narrative de l’époque en resserrant le propos sur les deux personnages. Deux divertissements de commande en couleurs feront connaître Becker du grand public : Ali Baba et les quarante voleurs (1954) et Arsène Lupin (1957) tandis que Casque d’Or (1952) puis Touchez pas au grisbi (1954), longs métrages avec pour thème commun la trahison, appartiennent au genre noir et sont désormais des classiques du cinéma français.
Aux Etats-Unis, la littérature dite hard boiled, apparue dans les années trente avec son lot d’anti-héros marginaux et de femmes fatales, va permettre l’éclosion du film noir, puis créer à Hollywood les conditions du développement de ce renouveau artistique. C’est en effet au sein de structures de productions moins coûteuses et donc plus flexibles que des scénaristes inventifs et de jeunes réalisateurs pourront donner libre cours à toutes sortes d’audaces formelles dans le cinéma d’aprèsguerre.
Après avoir acheté les droits du roman de José Giovanni Le Trou, histoire d’un fait divers qui l’avait étonné en son temps, Becker choisit d’en produire lui-même l’adaptation afin de tourner rapidement avec les acteurs de son choix ; il adopte ainsi une manière de travailler nouvelle pour l’époque en France. À la lumière de ce dernier film, on peut avoir le sentiment que tous les longs-métrages précédents du réalisateur le préfiguraient. Après une entrée directe dans l’univers du film noir avec Dernier atout, Becker s’était essayé à l’adaptation littéraire ( Goupi mains rouges, roman de Pierre Véry, Touchez pas au grisbi d’après Albert Simonin), et avait lancé de nouvelles figures à l’écran dans ses comédies naturalistes ( Antoine et Antoinette, Rendez-vous de juillet -1949). Ces éléments se trouvent intégrés dans Le Trou qui semble être la pièce maîtresse de l’œuvre, tant forme et fond concordent pour en faire un film que l’on peut estimer insurpassable.
Est-ce en raison de la santé déficiente du cinéaste pendant le tournage que le combat pour boucler le film a repoussé les limites du possible ? Est-ce qu’au soir de sa vie, Becker a pu trouver toutes les conditions qui ont contribué à son miracle ? La fulgurance de ce récit de prison avec son postulat de lieu unique confère au film une place particulière dans l’œuvre de son auteur, dans le paysage du cinéma français (où il se situe au carrefour de deux époques : la fin d’un certain cinéma de pure qualité française et l’apparition d’une vague naissante à laquelle Becker et Jean-Pierre Melville notamment ont montré une voie possible), enfin dans l’histoire du septième art, puisque c’est au terme des années cinquante, dernière glorieuse décennie du cinéma en noir et blanc, que Le Trou vient trouver une place de choix en 1960.
Ouverture
Pour qui découvre le roman ou le film, le titre intrigue d’emblée. Est-ce, comme sur l’affiche de cinéma, le trou de l’entrée d’un tunnel, ou celui qui désigne communément un cachot ? Est-ce que d’autres déclinaisons du “trou” seraient déjà dissimulées ? La connotation sexuelle paraît évidente, elle peut d’ailleurs attirer ou surprendre le lecteur comme le spectateur potentiel.
Le film commence par un panoramique allant de la gauche vers la droite et qui nous mène d’un chantier interdit au public à un homme, Roland Dardant, affairé à la réparation d’une voiture. De dos, semblant alerté par notre arrivée, il s’interrompt, se redresse puis s’avance face à la caméra pour annoncer que son ami Jacques Becker a retracé l’histoire que lui-même, Roland Dardant, a vécue en 1947 à la prison de la Santé. Dès la première image, nos interrogations trouvent quelques éléments de réponse à la symbolique sexuelle portée par le titre : des cheminées au second plan, symboles phalliques manifestes, à l’avant scène, le premier personnage de dos, nous montrant de fait son postérieur, est penché dans le capot d’une voiture, sorte de ventre mécanique, de trou dans lequel il s’active.
Au son des cloches, nous passons à une vue du ciel, puis après une légère plongée, nous découvrons une bâtisse imposante. La caméra, opérant cette fois un mouvement de la droite vers la gauche, en parcourt la façade avec ses fenêtres à barreaux montrés en plan plus serré. Sans transition, nous sommes dans un couloir de prison où un gardien fait entrer au prétoire des prévenus qui attendent leur tour en file indienne. Dans le même temps arrivent deux hommes. L’un, baluchon à l’épaule, est accompagné par un gardien qui dit à son collègue en faction être pressé et l’avise de faire passer le prévenu avant les autres.
Dès la première vision, nous sommes saisis par ces trois brèves séquences initiales. Les coups répétés de la cloche accompagnant les changements de lieux ouvrent déjà une perspective biblique qui nous mène de la terre, où œuvre Roland, vers le ciel d’où nous redescendons pour nous rendre dans la seule demeure terrestre du film : une prison.
L’entrée de Roland Darbant dans le champ est pour le moins inhabituelle. L’endroit semble retiré du monde, ou le monde -extérieur à la prison – que nous ne ferons qu’entrevoir, désert, un matin sur la rue, est ce lieu, sorte de terrain vague désaffecté où une pancarte stipule que toute présence étrangère est inopportune. Sous le sceau du secret, la caméra nous invite à découvrir l’annonce d’une histoire dans laquelle nous allons plonger dès la séquence suivante. Tout ce qui va suivre cette exposition peut être vu comme le flash-back de ce prélude. Il est cependant encore difficile de déterminer si c’est la réalité ou une scène de fiction à laquelle nous avons assisté dans ce lieu de désolation. Dans quel temps pouvons-nous situer ce personnage qui vient nous parler de son ami Jacques Becker ? Cette entame, comme le film qui mêlera documentaire et récit, foisonne déjà d’ambiguïté et de mystère.
L’entrée de Claude Gaspard sur l’écran s’inscrit, elle, dans le cadre de la prison. C’est d’ailleurs l’annonce du plan final : on peut apercevoir la ronde des gardiens à l’arrière, va-et-vient qui bouclera le récit. Une première impression se vé

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