MÉLANCOLIE LIBANAISE
280 pages
Français

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MÉLANCOLIE LIBANAISE , livre ebook

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280 pages
Français

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Description

Depuis la fin de la guerre civile libanaise en 1991, le cinéma libanais, décline sous toutes ses formes la mélancolie d'une génération dont les personnages étrangers au monde comme à eux-mêmes, font face à la répétition des violences, le deuil ou l'exil.
Ils traînent leur mal-être dans une ville en éternel chantier. Entre un monde qui s'effondre et un passé qui s'efface, la mélancolie habite ces films dont les récits fragmentés et éclatés ne s'achèvent jamais.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 avril 2016
Nombre de lectures 20
EAN13 9782140007026
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Dima EL-HORR





Mélancolie libanaise

Le cinéma après la guerre civile




Préface d’Alain Bergala
Remerciements et Copyright
Je voudrais ici remercier Giusy Pisano pour son chaleureux soutien, pour ses conseils stimulants et dont les observations avisées m’ont accompagné tout au long de l’élaboration de ce travail.
Je voudrais dire aussi tout ce que je dois dire aux réalisatrices et réalisateurs qui m’ont accordé leur temps et particulièrement Mohammad Soueid dont les archives m’ont été précieuses.
Je n’oublie pas non plus le soutien constant de ma famille, en particulier celui affectueux de ma sœur Dania et l’attention quotidienne de Amanda Chaccour à mes doutes et à mes interrogations.
Je remercie aussi Zafer Henri Azar de m’avoir ouvert la porte des archives, Christiane Ulrich pour ses conseils syntaxiques.
Et enfin, mes pensées vont à Jacques Comets qui, du premier au dernier mot de ce texte, m’a entouré de sa générosité, sa patience, sa disponibilité, son exigence et dont la confiance m’a été si précieuse.

Cet ouvrage reprend, en le condensant, le texte de ma thèse de doctorat dirigée par Giusy Pisano, soutenue le 19 novembre 2014 à l’Université Paris-Est.

© L’Harmattan, 2016
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-75938-8
Dédicace

À Najwa et Adib, loins, mais toujours aussi proches
PRÉFACE
La première fois que j’ai eu ce texte en main, comme membre du jury de la thèse qui l’a précédé, j’ai eu le sentiment qu’il s’agissait déjà d’un « vrai » livre plus que d’un écrit académique, ne serait-ce que par son style personnel et engagé avec chaleur dans son sujet. Il contrevenait sereinement et sans ostentation à quelques normes implicites dans l’université française. Il était écrit par une cinéaste pour qui le sujet même de la recherche (l’après-guerre civile au Liban) relevait de sa propre biographie et de l’expérience la plus directe. Il subvertissait en douceur l’absurde division : créateur/analyste, qui relève d’un pur conservatisme sans fondement. Et son auteure s’autorisait, avec la plus grande discrétion et objectivité, à inclure l’un de ses propres films dans le corpus des œuvres analysées. Toutes ces transgressions, parfaitement autocontrôlées, ouvrent quelques réjouissantes perspectives d’avenir dans la recherche universitaire.
Les guerres, en général, se terminent avec un vainqueur et un vaincu, avec de nouvelles régulations et délimitations bien établies entre les belligérants. Quelque chose en tout cas est tranché, même dans la douleur ou l’injustice. Cela n’a pas été le cas au Liban (ni à Sarajevo, pour les mêmes raisons) : ces guerres entremêlaient trop d’enjeux différents, trop de paramètres de nature inconciliable, trop de contradictions insolubles, pour qu’une résolution puisse en trancher d’un seul coup et durablement le faisceau. Le cinéma libanais a été inévitablement déterminé et tiraillé par ces tensions multiples et indémêlables. En faire l’analyse devenait de ce fait un défi. Ce livre ne cède jamais à la tentation de simplifier ou de réduire les multiples niveaux d’analyse, souvent hétérogènes, qu’il fallait prendre en compte pour décrypter cette complexité : l’histoire chaotique de la production des films dans ce pays sans régulation de production, les rapports poreux permanents entre le national et l’étranger, la question centrale de la langue parlée dans les films, la diversité des parcours personnels des cinéastes, l’implantation et l’exploitation des salles de cinéma, la question du public plus enclin à aller au cinéma pour oublier la guerre que pour y retrouver ses angoisses, et bien sûr et avant tout, l’histoire du Liban, inextricablement imbriquée elle-même dans celle du Moyen-Orient. Il fallait inventer une structure inédite pour rendre compte du vertige de ce mælstrom, celle de la spirale s’est révélée la plus dynamique et la plus juste.
L’originalité de cette étude tient aussi dans sa genèse, dans le travail d’enquête de Dima El-Horr auprès des cinéastes libanais dont elle analyse les œuvres, et dans la recherche obstinée de films éparpillés, difficiles à localiser et à visionner en l’absence de véritable cinémathèque nationale. Cette recherche s’est donc doublée d’un précieux travail de rassemblement, et, du même coup, de conservation numérique, des films fragiles qui constituent cette histoire récente.
Toutes ces qualités font d’ores et déjà de ce livre l’ouvrage de référence sur un cinéma libanais, mal connu en France et ailleurs, qu’il ne se contente pas d’analyser mais dont il est partie prenante.

Alain Bergala
Citation

« Le monde post-guerre n’est pas séparé du monde de la guerre, mais il ne continue pas la guerre. Dans ce monde, la guerre se transforme en un échec ontologique, réellement (…) elle devient quelque chose qu’on ne peut plus enlever ; ce n’est plus un événement, une histoire seulement, la guerre est présente dans notre tête, dans notre être, elle est dans notre présence même, c’est exactement comme le moment du crépuscule, où rien n’est constitué (…) où ce qui est entrain de se former et de s’instaurer n’est pas clair, c’est un moment charnière entre deux monde, un temps de passage qui est donc plein de fantômes (…) 1 ».

Abbas Beydoun
1 Abbas Beydoun (préface), in : Corps de guerre ; poétique de la rupture de Leyla Mansour. Paris : L’Harmattan, coll. « Ouverture philosophique / Arts vivants », 2012.
INTRODUCTION
« Le mélancolique est « celui qui ne digère pas », et la bile noire, cette humeur qui le conditionne est successivement froide ou chaude, instable par essence, mélangée par nature, « faite de vent », un résidu, un sédiment, « ce qui n’est pas cuit » puisque c’est comme une cuisson que l’on envisage la digestion (…) Le cinéaste européen est cet homme au corps mélancolique, obligeant à penser le lien entre ce résidu d’une mémoire non digérée, cette humeur d’enfance non cuite, ce goût amer qui fuit le bon rendu et la créativité du génie, la rêverie du mélange des temps, des cultures, des apparences. Car si la forme du cinéma européen est, par essence, une forme maladive, instable, il existe une « bonne santé » du mélancolique, une santé fondamentalement fragile, une certitude faite de précarité. Et c’est cette créativité de « bile noire » qu’un Moretti, un Monteiro ou un Garrel ont toujours eu désir d’incarner. 2 »

Antoine de Baecque a attribué cet état mélancolique au cinéma européen. Pourtant la forme maladive, instable, fragile, comme conséquence d’une mémoire non digérée, s’applique parfaitement au cinéma libanais. L’association entre cinéma et mélancolie s’est faite pour moi en 2006, plus précisément au mois de juillet, durant l’écriture du scénario de mon premier long métrage, un road-movie humoristique, intitulé Chaque jour est une fête 3 . La menace permanente d’une nouvelle guerre, les explosions et les attentats à la voiture piégée nous rappelaient alors constamment à l’instabilité et l’imprévisibilité de notre situation : un présent « hystérique » pour masquer le désespoir d’un impossible avenir. Tout concourrait à la déclinaison de toutes les formes d’aveuglement, d’illusion, de mensonge, de fuite et d’exil. Cependant l’humour faisant partie intégrante de la vie à Beyrouth, il permettait d’évacuer les frustrations, de désamorcer les tensions, mais également de prendre du recul et ainsi de rire de soi, à l’image des personnages du film.
Durant ce mois, le pays fût la cible de l’armée israélienne laquelle pendant 33 jours bombarda sans interruption villes, villages et infrastructures, axes routiers majeurs, ponts, centrales électriques et réseaux téléphoniques. On comptait les victimes par milliers. J’étais, comme tout le monde, ébahie par l’ampleur des bombardements, envahie d’un goût amer, révoltée devant l’injustice dont nous étions victimes. Cette guerre nous confrontait une fois de plus à notre fragilité en tant que peuple, face à la précarité de nos situations, tant individuelles que collectives.
De nombreuses interrogations ont commencé à émerger : Comment continuer à écrire une comédie avec le drame qui nous entourait ? Avions-nous le droit de tourner la catastrophe en dérision quand nous y étions encore immergés ? Comment parvient-on à écrire en créant une distance avec le réel, avec le présent, quand le présent est d’une telle intensité ? Comment pouvions-nous « accepter » cette intrusion étrangère sur notre sol ? Était-il possible, par un geste anodin, de mettre cette guerre entre parenthèses et de continuer à vivre ? Et puis, comme se demandait Rabih Mroué, : « Quel rôle pouvons-nous jouer dans un pays où le citoyen et l’individu ne jouent aucun rôle ? 4 » Il n’y avait pas de réponses concrètes à mes tourments et à mes interrogations, mais mon travail et celui de mes collègues constituaient eux-mêmes des réponses.
Durant la guerre israélienne et surtout durant la période qui s’ensuivit, la scène artistique libanaise s’est opiniâtrement activée. Il s’agissait de transformer les blessures que cette guerre nous infligeait en une énergie artistique. Des films, des vidéos, des performances, des photographies, ont été réalisées en réponse à l’absurdité de cette guerre. Pour ma part, j’ai continué à écrire le scénario. Pourtant, progressivement, j’ai réalisé que le ton humoristique m’échappait et que le scénario prenait un ton nouveau, grave, en se peuplant de personnages abattus et en perdition, avançant dans un no man’s land, vers la mort et le néant. Cette expérience m’a incitée à réfléchir, au delà du scénario de Chaque Jour est une fête et du film qu’il est devenu, au cinéma libanais en général. Comment les guerres qui ont eu lieu sur son territoire l’ont-il influencé ? Comment notre vécu au Liban l’a t-il coloré ? De quelle manière ce désenchantement, qu’on peut aujourd’hui attribuer à la mélancolie, a habité sa pellicule ? Comment « le soleil noir

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