L Art au féminin I
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L'Art au féminin I , livre ebook

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Description

En 1971, Linda Nochlin s’interrogeait sur la visibilité des femmes dans le monde de l’art. À travers ce travail de recherches effectué lors de mon doctorat, il est question de reprendre ce questionnement fondateur afin d’analyser les diverses étapes que la femme a dû traverser du xixe siècle jusqu’à nos jours. De par un discours centré essentiellement sur Camille Claudel et Louise Bourgeois, d’autres artistes femmes vont être sollicitées afin de comparer leurs parcours. Ceci pour comprendre la démarche artistique de ces femmes dont l’intimité surgit au travers de leurs œuvres. L’intime, sous diverses formes et médiums proposés, est le moteur de leurs créations. À cela, vient s’ajouter la possible interrogation sur l’existence d’un « art féminin » ou d’un art des femmes dont le noyau central serait l’éclosion de cet intime qu’elles font partager au public. L’analyse des œuvres et leur réception par le public seront des éléments clés de ce discours. La redécouverte et la reconnaissance dite tardive de Camille Claudel et Louise Bourgeois dans les années quatre-vingt est l’un des éléments importants étudiés dans ce travail. Ces deux artistes, sculptrices, sont liées par le temps – 1982 – et par la vie dont le passé est la source majeure de leurs œuvres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 novembre 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782304047738
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie Bagi
L’Art au féminin
Tome I
La reconnaissance des artistes femmes dans l’espace artistique
ISBN 9782304047738 © Octobre 2019 é ditions Le Manuscrit
Paris


Préface : L’art libéré du genre
Quand la thématique de ce livre a été pensée et développée, autour notamment d’une thèse, le contexte était très éloigné de celui de sa publication, aujourd’hui. Comme si les représentations générales avaient, en quelques mois, subi une accélération si définitive que se dessinait une séparation renvoyant à l’ancien monde bien des approches dans le domaine travaillé. Celui-ci qui allie femme et art, sous l’angle général de la femme artiste, s’en trouvait bouleversé. Nous entrions dans le moment d’une renaissance du féminisme qui, entre, par exemple, la généralisation de l’écriture inclusive, la féminisation des mots, le regain des gender studies, les bouleversements sociétaux, mais aussi par la mise au jour de faits de maltraitance touchant la sphère du spectacle, entraînant de grandes campagnes de dénonciations, devait conduire à une phase, actuellement en cours, redynamisant le combat féministe. C’est comme délibérément qu’ici le propos se tient, comme à distance, et parcourt une voie, singulière, néanmoins déjà repérée, de la problématique liant la femme et l’art. On trouve notamment sous la plume de Fabienne Dumont, auteur d’une anthologie remarquable, la Rébellion du Deuxième Sexe, cette remarque soulignant : « le dédain réciproque entre le mouvement féministe et le champ des arts plastiques. » 1 Or le travail de Marie Bagi part de ce vide, il en trace une généalogie visant à décrypter, non pas ce dédain, mais la nature du rapport entre les arts plastiques et la femme, sous ce qui serait l’émergence de la femme artiste.
Ici le moment crucial serait au cœur des années quatre-vingt, l’année 1982, que l’on pourrait nommer le moment de la rencontre de Camille Claudel et Louise Bourgeois. C’est l’année où est publié le livre Une femme, de Anne Delbée (1984) qui positionne Camille Claudel comme artiste femme, jusqu’au film de Bruno Nuyten (1988) qui la promeut artiste iconique. Dans cette même période Louise Bourgeois atteint à la reconnaissance, officielle, à Paris, Officier des arts et lettres (1983) et, la même année, une rétrospective à New York, au Museum of Modern Art, qui sera suivie, en 1989 par celle que lui consacrera la Kunstverein de Francfort. Ce qui caractérise ces deux artistes, outre leur qualité indéniable, c’est la liaison qui est faite entre leur expression artistique et les traumatismes qui les hantent. Marie Bagi en faisant le lien dégage une thématique de cette émergence de la femme comme artiste autour d’une intériorité blessée, à l’œuvre chez ces deux icones de l’art féminin ; se dégage alors une problématique où l’art féminin serait lié à un traumatisme dont il serait l’exorcisme ou la sublimation. On y verrait alors la féminité comme une intériorité blessée, et l’œuvre comme sublimation de cette blessure ; comme si la femme apparaissait dans l’art comme celle qui exprime sa blessure. C’est sur cet axe que se dénoue la trame tissée par Marie Bagi qui joue de l’intime, du corps et de l’œuvre. En effet si le corps est une des formes offertes à l’intériorité, l’œuvre en est la forme sublimée. C’est la question de la permanence du soi, de la blessure, au corps stigmatisé et finalement à l’œuvre. Or cette question renvoie, par-delà la question du statut de la féminité, à celle de la structure même de la personnalité artiste ; ce que les anciens nommaient le génie et qui posait le créateur dans une sphère autre que celle du commun. Le lier à une expression d’un traumatisme, c’est reformuler une autre notion centrale des anciens, celle de catharsis, mais comme inversée. Elle n’est plus exclusivement tournée vers le public, le spectateur, mais vers l’artiste lui-même. Certes on peut y voir, finalement dans la suite de la lecture freudienne de Léonard de Vinci, une explicitation de la puissance de l’œuvre, mais alors n’est-elle à renvoyer qu’à la féminité ?
Un des éléments qui ressort, dessine la trame d’un mythe fondateur qui serait celui de l’intimité blessée. Est-ce à dire que la femme n’accéderait à la dimension artistique que dans et par ses blessures ? Certes, il n’est pas aisé de cerner ce que l’on nomme l’intime. Subsiste cette question de l’intimité blessée qui pourrait être sur le versant féminin à ce qu’était le maudit sur le versant masculin. Nathalie Heinich y avait fait un sort, faudra-t-il une déconstruction de ce type pour ce qui se profile ? 2 En tout cas, l’idée d’une blessure fondatrice mérite qu’on s’y accroche. Certes, les cas sollicités, de Claudel à Bourgeois, en passant par Kahlo, Abramovitch, Saint Phalle…, s’inscrivent dans cette catégorie. Mais peut-on conclure à la nécessité de la blessure ? Doit-on pour devenir « écrivaine » passer par l’inceste ? Et si l’on prolonge la comparaison avec la littérature, l’art féminin se ramène-t-il à une auto-fiction ? Or celle-ci fait apparaître un autre mécanisme qui est celui de la reconnaissance. Le réel au cinéma n’est pas le réel, la mort, le sexe et la violence au cinéma ne sont pas la mort, le sexe ni la violence, le seraient-ils en littérature et par extension le seraient-ils dans les autres formes de l’art, notamment dans les arts plastiques ? L’art s’exprime dans la distance qu’il établit avec le réel, c’est-à-dire avec l’irreprésentable. C’est en ce sens qu’il est protecteur. Or les mécanismes de reconnaissance jouent sur la ténuité de la distance établie dans et par l’acte artistique, pour en conclure à une proximité, voire une contamination. En ce sens l’art serait contaminé par le réel. Cela le serait-il ? Ce ne serait plus de l’art. Mais autre chose relevant de la transgression, c’est-à-dire du passage de l’autre côté du miroir de la représentation. Les artistes sollicitées, sont précisément dans ce moment de mise en place de la distance. Tandis que les mécanismes de la reconnaissance insistent sur la proximité. C’est là encore que se noue la différence essentielle entre la publicité et l’art, entre l’authenticité et la falsification. L’authentique se tient dans la distance et dans l’expérience de la ténuité. En ce sens si la reconnaissance passe par une falsification celle-ci ne contamine pas l’œuvre. C’est le cas du statut de maudit enclenché par les logiques de la reconnaissance, mais pas forcément actifs dans le processus créatif. Une artiste pouvait ici être examinée, Suzanne Valadon qui possède beaucoup des caractéristiques de la blessure et qui par deux fois réanime l’institution artistique, de muse elle devient artiste, et d’artiste elle devient mère d’artiste. Tout cela dans un environnement propre à émoustiller les travailleurs sociaux. Et sur un autre versant que dire des artistes conceptuels qui comptent dans leur rang des femmes qui, me semble-t-il ont le même statut que leurs collègues masculins. Aurélie Nemours, Agnès Martin, voire Pierrette Bloch, voient, semble-t-il, leur art accéder à la reconnaissance sans que leur féminité ne soit problématique.
Ce qui entraîne une dernière salve de questions, qu’appelle-t-on reconnaissance ? Est-ce la gloire ? La valeur marchande ? l’impact historique ? La « pipolisation » ? Tout cela est bien aléatoire et relève de mécanismes de sélection et de gestion très complexes, en tout cas bien relatifs. Que la gloire se génère dans quelque chose qui relève de la gestion des émotions, la valeur sur la logique du Capital et l’historicité sur celle des réécritures incessantes au gré des glissements idéologiques, vient relativiser la notion même de reconnaissance. Peut-être, en tout cas c’est ma position, peut-on simplement la ramener à la possibilité laissée de pouvoir vivre de son art en se moquent éventuellement de la gloire, de la fortune et du pouvoir. Une voie a été ouverte avec notamment l’art brut qui précisément se tient là, au plus près de l’art comme mode créatif et au plus loin de l’art comme moment de la réception. C’est le conflit du singulier avec lui-même, loin du combat avec le groupe. C’est la captation de l’expression sans regard sur son éventuelle réception. Aloïse déroule ses séquences dans sa langue propre, son vocabulaire propre, comme si elle était dans une forclusion, où l’autre, non-intégré à elle, n’avait aucune existence ; seul l’autre-intégré, devenu part d’elle-même trouve expression, de ce qu’il est part d’elle-même, de cette part d’elle-même qu’il est devenu.
Alors quand Marie Bagi traque la féminité, que cherche-t-elle ? Dans un récent entretien au New York Times, Richard Serra répond à cette étrange question de savoir si ses sculptures sont masculines, on le sent étonné, il répond : « Ce n’est pas féminin. » Quand son interlocutrice prolonge l’investigation en demandant s’il pensait qu’il y avait quelque chose qui relève de la tendresse dans son travail, elle note qu’il paraît surpris de la question avant qu’il ne réponde : « Je ne pense pas en ces termes, » et de dire que ce vocabulaire est celui qu’on utilise pour la viande 3 . Richard Serra ne voit en aucun cas son art comme une expression de la vie intérieure 4 . Est-ce alors le même métier que font Louise Bourgeois, Camille Claudel et Richard Serra ? Pour résoudre l’apparente antinomie, qui n’a cependant pas empêché que la question puisse être posée par la journaliste, devant ces immenses plaques d’acier, le propos de Marie Bagi offre un tour intéressant. Ce qu’elle pose c’est un moment fondateur, ou plutôt une séquence fondatrice, de l’émergence de l’art féminin. Nous retrouvons ici la mise en œuvre de ces psychanalyses de l’art qu’ont développées Freud, Bachelard et plus tard Sollers 5 , qui posent que l’art ne trouve son expression libérée qu’après la mise au jour de ce qui l’ancrait dans le profond de l’intériorité. L’art apparaît quand le traumatisme est levé. C’est cette levée qu’opère, par exemple, Louise Bourgeois qui accompagne sa produ

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