Le blues dans le jazz instrumental des années 1950 et 1960
198 pages
Français

Le blues dans le jazz instrumental des années 1950 et 1960 , livre ebook

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198 pages
Français

Description

Cet ouvrage propose un regard historique, sociologique et musicologique sur l'esthétique du jazz des années 1950-1960. La clef d'entrée en est le blues. Voici brossé un tableau de la diversité des sensibilités et des tensions qui ont nourri cette musique : depuis les fondateurs d'un hard bop funk comme Art Blakey ou Horace Silver jusqu'aux représentants d'une avant-garde comme John Coltrane, Archie Shepp ou Andrew Hill.

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Date de parution 01 mai 2013
Nombre de lectures 24
EAN13 9782296536470
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Roland Guillon
Le bluesdans le jazz instrumental des années 1950 et 1960
Univers musical
LE BLUES DANS LE JAZZ INSTRUMENTAL DES ANNÉES 1950 ET 1960
Univers Musical Collection dirigée par Anne-Marie Green  La collectionUnivers Musicalest créée pour donner la parole à tous ceux qui produisent des études tant d’analyse que de synthèse concernant le domaine musical. Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en éveil la réflexion sur l’ensemble des faits musicaux contemporains ou historiquement marqués. Déjà parus Dominique ARBEY,Francis Poulenc et la musique populaire, 2012 Leiling CHANG,Dialogues, temps musical, temps social,2012. Françoise ROY-GERBOUD,Le piano des Lumières, Le Grand Œuvre de Louis-Bertrand Castel, 2012. Jarosław KAPUŚCIŃSKI, François ROSE,Le temps et le timbre dans la musique de Gagaku, 2012. Christophe BAILLAT,Vera Moore, pianiste, de Dunedin à Jouy-en-Josas, 2012. Ladan Taghian EFTEKHARI,Bomtempo (1775-1842). Un compositeur au sein de la mouvance romantique, 2012. Joachim E. GOMA-THETHET, François Roger BYHAMOT, Jean Serge Essous. Clarinettiste, saxophoniste et chanteur congolais (1935-2009), 2012. Anouck GENTHON,Musique touarègue,Du symbolisme politique à une singularisation esthétique, 2012.Bernard BANOUN, Lenka STRÁNSKÁ, Jean-Jacques VELLY,Leoš JANÁČEK : Création et culture européenne, 2011. Pierre GUINGAMP,Michel Warlop 1911-1947, 2011. Luc RUDOLPH,La valse dans tous ses états. Petite histoire de la valse et de ses compositeurs dans le monde, 2011. Alexandre TYLSKI (sous la dir. de),John Williams. Un alchimiste musical à Hollywood, 2011. Irina AKIMOVA,Pierre Souvtchinsky. Parcours d’un Russe hors frontière, 2011. Philippe GODEFROID,Richard Wagner 1813-2013, Quelle Allemagne désirons-nous ?, 2011.
ROLAND GUILLONLE BLUES DANS LE JAZZ INSTRUMENTAL DES ANNÉES 1950 ET 1960
© L'HARM ATTAN, 2013 5-7, rue de l'École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-00787-8 EAN : 9782343007878
INTRODUCTION Permanence et variabilité du blues Rappelons, avant toute chose, que le blues constitue le cœur même de l’expressivité harmonique du jazz, au même titre que la syncope sur le plan rythmique. Définie techniquement par les inflexions d’un demi-ton aux troisième et septième degrés de la gamme diatonique, – et encore plus singulièrement au cinquième degré –, la note bleue inspire chez le musicien ou l’auditeur une émotion. Celle-ci est une sorte de vague à l’âme, lié à la sensation d’un changement de tonalité entre les modes majeur et mineur, ainsi qu’une réaction à la rupture de l’accord d’une octave, ressentie comme celle de l’accord parfait. Cette sensation est accrue par les cassures de rythme que savent distiller les musiciens de blues et de jazz, lorsqu’ils accentuent les temps faibles pour marquer le contretemps (after-beat). L’histoire de cette forme musicale qu’est le blues a fait l’objet de nombreux ouvrages (Herzhaft, 2008 ; Béthune, 2008 ; Langel, 2001 ; Carles, Comolli, 2000 ; Lomax, 1993 ; Gumplowicz, 1991 ; Oakley, 1985 ; LeRoi Jones, 1968). Les e auteurs la font émerger – sur le plan vocal –, dès les XVII et e XVIII siècles. Ils en fixent l’origine dans les chants de travail et la vie religieuse, pour en situer les canons actuels au lendemain de la Guerre de Sécession (1861-1865). Cette guerre marque les prémices d’une émancipation des Noirs états-uniens qui s’étendra sur une très longue période. Ainsi le démontre l’histoire et son lot de ségrégations, de discriminations et d’exploitation. Dans l’ensemble les auteurs soulignent le caractère indéfectible des liens qui existent entre l’inspiration
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du blues et le vécu de ceux qui le créent ou le reprennent – que ce vécu soit réel ou imaginaire. C’est dans ce sens qu’ils mettent en avant la prégnance des espoirs que les Noirs ont placés dans la foi religieuse, leur célébration d’un passé africain que les Blancs leur ont refusé, ainsi que toutes sortes de mobilisations collectives – communautaires ou civiques –, dont 1 le pic devait être atteint au cours des années 1950 et 1960 . Tous ces auteurs insistent donc sur la place qu’occupe le blues dans l’histoire de la musique de jazz, sans toutefois toujours chercher à en différencier la prégnance, selon les époques ou les lieux. C’est donc à partir de ces questions que nous poursuivrons ici notre recherche sur le jazz instrumental des années 1950-1960, auquel nous avons déjà consacré plusieurs ouvrages (Guillon, 2011, 2009, 2008, 2006, 2005). Notre approche de cette période du jazz a pour projet constant de vouloir en souligner la densité et l’éclat sur le plan harmonique ou rythmique, tout en nous efforçant d’en restituer les dimensions historiques et sociologiques. Et, parmi les éléments qui fondent cette densité et cet éclat, nous avons déjà rappelé, à plusieurs reprises, la place que tient le blues. Mais nous avons pu aussi entrevoir une grande variabilité des motifs ou des figures sur laquelle nous allons revenir, tout au long de cet ouvrage. Cette variabilité a, par hypothèse, plusieurs sources
1  Nous rappellerons ici plusieurs événements marquants comme la révolte noire de Montgomery en 1955 (déclenchée par l’arrestation de Mrs Parks, couturière de son métier, qui avait refusé dans un autobus de quitter sa place assise, dans l’espace réservé aux Blancs), le vote d’une loi sur les Droits civiques en 1957, et bien d’autres événements encore, liés au combat des Droits civiques ou aux luttes contre les discriminations, qui ont touché les Etats-Unis des années 1960 : l’épisode desFreedom Riders(Marcheurs de la liberté) pour la déségrégation des transports, les mobilisations autour de Martin Luther King (marquées par la Marche et le discours de Washington en 1963), une nouvelle loi sur les Droits civiques en 1964, complétée par une autre loi sur le droit de vote, un an plus tard, les émeutes des ghettos noirs de 1964 et 1965, le Mouvement duBlack Poweret la création en 1966 desBlack Panthers, sans oublier l’assassinat de Martin Luther King, en 1968 (Fohlen, 1999).
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d’inspiration que sont les styles de jazz, mais aussi les viviers urbains ou les réseaux de musiciens. C’est ainsi qu’en ce qui concerne plusieurs styles ou courants – le be bop, le hard bop ou le free jazz, ainsi que cette forme intermédiaire entre le hard bop et le free jazz qu’est la New Wave (Guillon, 2006) –, chacun d’eux est le cadre de nombreux échanges ou croisements entre les musiciens issus de plusieurs viviers que nous avons déjà évoqués : Chicago, Detroit, Pittsburgh, Philadelphie ou New York (Guillon, 2008). Nous y ajoutons ici d’autres viviers comme Memphis et Indianapolis. Tout en nous intéressant à la créativité spécifique de chaque ville, en ce qui concerne les liens du jazz avec le blues, nous constaterons qu’il n’y a pas de correspondance strictement locale, mais bien les résultantes de nombreux échanges au sein des réseaux new-yorkais. Nous tiendrons compte alors du rôle que jouent les chefs de file de chaque forme de jazz, tant sur le plan de leur créativité que sur celui d’un renouvellement des approches du blues. Et, pour toutes ces raisons, nous nous efforcerons de repérer les collectifs de musiciens – qu’ils soient labellisés ou non –, afin d’en mieux saisir l’apport et la dynamique. Nous nous focaliserons sur les sensibilités et les intentionnalités pour mieux rendre compte de leur adhésion à un genre ou à un style de jazz, sans pour autant considérer celle-ci comme exclusive ou définitive. Sensibilités et intentionnalités dont les ressorts ne sont pas seulement musicaux, mais aussi le fruit d’une sensibilité plus large. Car les unes comme les autres sont inscrites dans un univers social concret et imaginaire dont les frontières sont plus ou moins étendues. Enfin, dans le droit fil de nos travaux antérieurs, nous nous intéresserons aux tensions que porte ce genre musical syncrétique qu’est le jazz. Les unes étant liées à une quête spécifique de concision et de densification harmoniques ou rythmiques que les musiciens de jazz partagent avec d’autres artistes du monde contemporain. D’autres tensions étant davantage liées à des ouvertures vers d’autres univers harmoniques ou rythmiques que ceux du jazz ou de la musique occidentale – considérée dans sa totalité. Soit autant d’éléments ou de composants dont les développements et les recoupements
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harmoniques (modalité) ou rythmiques (polyrythmie) ont fait avancer le jazz (Guillon, 2009). C’est donc à partir de cette permanence et de cette variabilité des liens du jazz avec le blues que nous retrouverons l’un de nos autres projets récurrents : insister sur le caractère formel et ontologique de l’inscription du jazz dans l’histoire de l’Art contemporain. Cette histoire est à la fois celle de tous les artistes (plasticiens, musiciens, architectes ou écrivains), celle de leurs œuvres (représentations imagées qui ont chacune un propos harmonique et rythmique), mais aussi l’histoire de la formation d’une pensée contemporaine. Et chacune de ces histoires participe à une dynamique d’histoire globale, sans pour autant qu’on puisse écarter la part d’autonomie ou de singularité que tient l’intentionnalité de tel ou tel artiste (Guillon, 2010). La preuve en est, que pour ce qui est du jazz des années que nous avons retenues, plusieurs contributions ont été reconnues comme autant d’œuvres majeures – bien au-delà du seul cénacle des amateurs de jazz -, et qu’elles révèlent certaines constantes que partagent les agents d’autres formes de création contemporaines. Nous nous efforcerons ainsi de mettre en perspective les avancées et les intentionnalités créatrices des musiciens de jazz avec leur sensibilité sociale. Cette sensibilité étant forgée de plusieurs éléments mobilisant la personnalité et le vécu de chaque musicien, dont nous retrouverons les traces. Nous relèverons ainsi, à plusieurs reprises, les indices d’une réactivité aux rapports sociaux états-uniens de la part de ces musiciens : à travers leur intérêt renouvelé pour certaines musiques noires de leur enfance ou de leur jeunesse (gospel, spiritual ou rhythm and blues), ou encore les marques d’une curiosité pour les canons ou les croyances d’autres cultures – latines, asiatiques, africaines – en rapport notamment avec certains événements comme les luttes de libération. Mais nous ne pourrons jamais – pour autant – réduire la dynamique qui mobilise ces musiciens dans leur recherche sur les tonalités, les modes, les timbres ou les rythmes, à une simple réactivité sociale. C’est donc spécifiquement sur les bases de ce type de projet que nous rechercherons à identifier le renouvellement des figures du
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blues, tout en nous intéressant aussi à certaines figures qui s’en distancient. Nous développerons donc les relations du jazz au blues en deux parties. Dans la première nous partirons du noyau dur harmonique et rythmique de cette période – le funk –pour en saisir toutes les variations et les modulations. Nous nous intéresserons, dans notre seconde partie, à toutes leurs tensions. Car ce sont bien ces tensions qui nous feront le mieux sentir la pluridimensionnalité des interactions qui animent toute créativité. Nous souhaitons ainsi mieux sensibiliser le lecteur, au fil de l’exposé, à la conjonction de deux réalités : la contemporanéité des qualités harmoniques et rythmiques du jazz, en même temps que leur profond enracinement dans le destin d’une communauté humaine largement ouverte.
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