Le Rêve et la Fureur
338 pages
Français

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Le Rêve et la Fureur , livre ebook

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Description

S'il n'existe pas d'école romantique où chacun parlerait la langue de tous, une communauté européenne, dont le ciment ne serait plus de langue, a bien la religion de la musique : musique nocturne qui transporte recherches spirituelles, goût du fantastique ou effusions mystiques ; musique à l'écoute des Bruits du monde contemporain, inscrite dans la discussion d'idées sociales et de problèmes moraux ; musique du sublime instrumental, déliée de la parole, au-delà des significations convenues.

Tous ces gestes musicaux semblent relever d'une esthétique de la brisure : feront-ils naître un citoyen au-dessus des nations ? L'Italie reste folle d'opéra, à l'heure où l'Allemagne fait de la musique une métaphysique et entend, dans la symphonie ou le Stück pour piano, un art donnant l'essence sans aucun accessoire. Les écritures musicales du romantisme sont multiples ; en ce xixe siècle de grandes mutations idéologiques et politiques, elles contribuent peut-être à fonder le lien social.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2002
Nombre de lectures 104
EAN13 9782876234789
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0136€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE RÊVE ET LA FUREUR
Michelle Biget-Mainfroy
LE RÊVE ET LA FUREUR LES ÉCRITURES MUSICALES ROMANTIQUES
MICHEL DEMAULE
© ÉDITIONS TUM/MICHEL DEMAULE, 2002.
PEZZO IN MODO DI PROLOGO
En guise de commencement. Chacune des étapes du voyage qui va suivre est désignée d’un titre italien. Hommage à la terre qui passa longtemps pour le lieu béni de la musique : l’impression musicale fut d’abord vénitienne, l’opéra florentin, les violons de Crémone. e L’Italie duXVIIIsiècle offrait le plus riche marché de chan-teurs, d’instrumentistes et d’auteurs lyriques. Le séjour initia-tique ultramontain est une obligation pour un compositeur e et le demeure auXIXsiècle. Et pourtant : le romantisme, qui éveille identités nationales et consciences patriotiques, relati-vise l’importance de l’opéra italien, désormais école parmi d’autres, et cultive un domaine instrumental qui laisse, alors, l’Italie indifférente. Il n’est pas jusqu’à la terminologie musi-cale, de longue date italienne, qui ne soit bousculée par un Schumann, par un Mahler. L’Italie aurait-elle laissé passer l’heure romantique ? Abandonné ses préséances dans le concert européen ? Alors qu’un Jean-Jacques Rousseau esti-mait que la phonologie de sa langue était déjà de la musique ? Il n’importe ; nous sommes enclins à penser en italien tout ce qui concerne l’agogique, les variations d’intensité et les indications expressives. Cette coquetterie duconcerto da titolosera permise : au risque du déni de réalité.
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Coro d’introduzione, un chœur introductif, annonçant le propos, comme pour la scène liminaire d’un opéra : chœur, parce que le romantisme parle à voix nombreuses, déchiré qu’il se montre entre des sollicitations très diverses.Not-turno, un nocturne, soit la face ombreuse de la musique au e XIXsiècle : celle qui fait de Faust un errant, à la recherche du On-ne-sait-quoi (Una fantasia di Faust), celle qui aime les évasions fantastiques (Scherzo fantastico), celle qui goûte les émotions sublimes (Adagio religioso). Contraste en noir et blanc,Arte di rumori, les Bruits du monde : ceux de l’His-toire auxquels font écho les livrets d’opéra (Bel canto, mal canto?), ceux de la société contemporaine qui s’ébroue (La donna e mobile) ou certaines écritures de la puissance (Cres-cendi). Mais on assiste à terme au procès de dislocation du sens au profit du non-sens, aussi faut-il inverser le vieil adage qui prétendait les paroles premières et la musique seconde : E poi le parole, car la symphonie ou la page pour piano se dramatisent, car leLiedpeut être la solution de repli du musicien, face à l’impossible opéra. Et il faudra bien se rési-gner à abandonner le truchement de l’italien.Al fine : que le romantisme est allemand.
CORO DINTRODUZIONE
Notre regard sur la période romantique s’attarde volontiers sur une imagerie dont il lui est difficile de se défaire. Il caresse un Moyen Âge de légende, attaché à la foi chrétienne, orné de cathédrales gothiques ; rencontre un exotisme nor-dique et ossianique, qui envahit la peinture, la littérature ou le livret d’opéra ; se perd dans les vertiges de la valse, danse sentimentale par excellence ; s’éblouit de la virtuosité démo-niaque d’un Liszt, d’un Thalberg ou d’un Paganini ; admire l’opulence du grand concert symphonique, que l’on écoute la tête entre les mains ; cueille des pages plus intimes, Nocturnesde Chopin ouLieder ohne Wortede Mendelssohn, apanage des jeunes filles de bonne maison qui se doivent d’étudier le piano ; s’émeut à l’opéra des histoires d’amour impossible. Quelques dates retentissantes, Bataille d’Hernani ou première audition de laSymphonie fantastique, s’ajoutent à cette collection de vignettes. Le romantisme ne se définit pas, il vit de multiplicités et goûte les manifestations d’éloquence comme les confidences. Dans toutes ses formes d’expression artistique, il aspire à la pénétration subtile de notre être le plus profond : une musi-que imaginée, une musique-sortilège vaudra par les échos inté-rieurs qu’elle suscite, autant qu’une œuvre réellement entendue. C’est ainsi que les personnages de Jean-Paul Richter rêvent
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presque tous de sons lointains et que le Kreisler d’Hoffmann discerne des tonalités parmi les bruits de la nature : car tout est voix dans le silence romantique, et musique. Romantisme rime souvent avec originalité. Il est exact qu’on ne saurait parler d’« école » romantique et que le plein e XIXsiècle est fait d’une pluralité d’idiosyncrasies ; mais une certaine vision du monde, uneWeltanschauung, dépasse les individus. Un idéal esthétique en rébellion avec l’âge clas-sique délègue aux particularismes une force universelle – à condition d’admettre qu’originalité ne signifie pas repli sur l’ethnie ou le lieu géographique, ni absence de métier. L’ori-ginalité est ce qui permet à un artiste-individu d’accéder à cettedémesure(qu’on la nommedas Erhabeneou encoredas Überschwengliche, chez Kant ou chez Schiller) qui consiste à prendre en compte – à faire entendre, pour les musiciens – toutl’humain. La promotion des valeurs d’indépendance et d’originalité, la valorisation des différences, l’apprentissage des marginalités, la découverte de l’Autre font de l’Art un défi lancé à la logique, de la Beauté une décision subjective, irrationnelle et ineffable. Bientôt, un Nietzsche fera de l’in-novation le critère du jugement esthétique. Il n’existe pas de recette d’originalité. Il est aisé de vérifier que les œuvres musicales aiment la dissonance, la disconti-nuité, les effets de surprise, les contrastes agogiques et les typologies thématiques de l’affrontement. On ne postule plus la prévisibilité, on préfère subvertir les genres, bientôt les codes. Je citerai ce texte très lucide de Schumann, consa-crant dans laNeue Zeitschrift für Musikun long article analy-1 tique à laSymphonie fantastiquede Berlioz :
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1. En 1835.
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