Profession musicologue
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Description

La musique, c’est bien connu, est avant tout source d’émotion et de plaisir. Elle accompagne notre vie quotidienne, dont elle constitue le paysage sonore sans même que nous nous en rendions compte. Alors, pourquoi y a-t-il des musicologues, c’est-à-dire des chercheurs qui prétendent aborder la musique d’un point de vue scientifique ? Quelles questions se posent-ils ? Quels problèmes cherchent-ils à résoudre ? Comment travaillent-ils et où ? Le discours sur la musique ne serait-il pas quelque peu parasitaire ? Que peut-il apporter aux mélomanes et aux amoureux de la musique ? Telles sont quelques-unes des questions que le grand public se pose souvent au sujet de la profession de musicologue, et auxquelles Jean-Jacques Nattiez tentera de répondre en empruntant des exemples concrets à ses propres champs de recherche : la musique de Wagner et celle… des Inuit.
l’auteur
Jean-Jacques Nattiez est professeur titulaire de musicologie à la Faculté de musique de l’Université de Montréal et pionnier de la sémiologie musicale, une des branches contemporaines de la discipline. Ses champs de recherche spécifiques ont porté sur les opéras de Wagner, les rapports entre musique et littérature, les écrits du compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez et, en tant qu’ethnomusicologue, sur la musique des Inuit, des Aïnou (Japon), des Tchouktches (Sibérie), des Baganda (Ouganda) et des Amérindiens Nahuas (Mexique).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 mai 2011
Nombre de lectures 4
EAN13 9782760625686
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JEAN-JACQUES NATTIEZ


Profession musicologue




Les Presses de l’Université de Montréal
La collection


Quel est le rôle, dans la Cité, des chercheurs, des intellectuels,des professeurs, des universitaires en général ? Qui sont-ils etque font-ils exactement ? Quel a été leur parcours intellectuel ?La Collection « Profession » répond à ces questions.

Directeur de collection : Benoît Melançon

Autres titres disponibles au 1 er novembre 2010 :


www.pum.umontreal.ca
Copyright

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archivesnationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Nattiez, Jean-Jacques, 1945-
Profession, musicologue
(Profession)
Comprend des réf. bibliogr.

ISBN  978-2-7606-2049-0
ISBN  978-2-7606-2568-6 (ePub)

1. Musicologues. 2. Musicologie - Orientation professionnelle.
3. Ethnomusicologie - Orientation professionnelle.
I. Titre. II. Collection : Profession (Montréal, Québec).
ML3797. N283 2007 780.72’023 C2007-941163-0

Dépôt légal : 3 e trimestre 2007
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2007 ; 2010 pourla version ePub.

Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programmed’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pourleurs activités d’édition.
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutienfinancier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Le ou les musicologues ?





P ourquoi avoir accepté avec joie de rédiger uneprésentation de mon métier ? Parce qu’il faitl’objet d’interrogations constantes de la part du grandpublic. Lorsque je mentionne ma profession à quelqu’un, on me demande immédiatement, en général :« Vous jouez d’un instrument ? ». Je réplique alors :« J’ai fait du piano comme tout le monde » (ce qui estévidemment une exagération !). Si je précise : « Unmusicologue, c’est d’abord une personne qui parle demusique et qui écrit sur le sujet », un point d’interrogation s’inscrit au milieu de la figure de mon interlocuteur. Si j’ai l’audace d’ajouter : « La musicologie,c’est l’étude scientifique de la musique », on ne mecomprend plus. Pour la plupart des gens aujourd’hui,la musique, c’est ce que l’on appelait autrefois lesmusiques de variétés, aujourd’hui la musique populaire — la chanson, la musique de danse, les musiques pop et rock, le country, le disco, le rap, le tango,la samba, le zouk, etc. —, mais aussi les musiques defilm et de télévision, des publicités, des jeux vidéo etdes sonneries de téléphone. Depuis que le jazz a étéen quelque sorte légitimé par les élites culturelles, jene crois pas devoir l’ajouter à cette liste. Il représente désormais un secteur à part, coincé entre les musiques dites savantes et les musiques dites populaires. La musique, c’est aussi ce fond sonore que nousentendons — plus que nous ne l’écoutons — dans lessupermarchés, dans la salle d’attente du médecin oudu dentiste, dans le taxi, sur son baladeur, en faisantla vaisselle. Jusqu’à une date relativement récente, lamusique des mélomanes et des musicologues, c’étaitce qu’on appelle encore parfois (voyez les diverses « Radio-Classique » de par le monde, au Québeccomme en France, et sous d’autres noms — souvent« 3 e programme » — ailleurs en Europe) « la musiqueclassique » que l’on fait généralement débuter avecMonteverdi pour aller, dans le meilleur des cas, jusqu’au Sacre du printemps de Stravinski. Et commentpourrait-on consacrer une activité scientifique àcet art pratiqué pour procurer plaisir et émotion ?!L’incrédulité de mon interlocuteur est à son comblesi je précise qu’en tant que musicologue je travaille sur les opéras de Wagner, la pensée de PierreBoulez et la musique des Inuit. « Wagner ? Commec’est de la musique difficile, on ne retient rien deses opéras quand, par extraordinaire, on en écouteun. Boulez, qui c’est celui-là ? Ah ! oui ! un compositeur de musique… comment déjà, ah ! contemporaine ? Celle qui vous déchire les oreilles ?! Etpuis, la pensée, pourquoi la pensée ? Je croyais qu’ils’agissait de musique. Et les Inuit, ils font donc de lamusique ?! » Car ce n’est pas seulement le fait que lamusique puisse faire l’objet d’une activité scientifique qui dérange. C’est aussi la grande diversité des faitssonores que l’on désigne par le mot « musique » quiétonne, et le grand nombre de domaines que la musicologie étudie pour mieux comprendre commentfonctionne la musique, pardon, les musiques.

Le vaste champ musical

En fait, il me faut répondre à la question : « Maisà quoi sert le musicologue ? » qui, tel l’oiseau deMinerve, se met au travail une fois les œuvres achevées. Son rôle est de contribuer à permettre au plusgrand nombre de prendre conscience de la diversitédes phénomènes que recouvre le terme « musique ».J’ai parlé plus haut des musiques populaires, desmusiques d’ambiance, du jazz, de la musique classique. La liste était incomplète : la musicologie s’intéresse aussi aux musiques dites de tradition orale,celles des chasseurs-cueilleurs comme les Pygméesafricains, ou des chasseurs-pêcheurs comme lesInuit, ou aux musiques qui ressemblent assez peuaux musiques européennes classiques, mais qui,comme elles, font l’objet de théories élaborées : lesmusiques du monde arabo-musulman ou les musiques de cour ou de théâtre en Asie (Inde, Corée,Viêt-nam, Chine, Japon). Toutes ces musiquessont étudiées par une branche particulière maisessentielle de la musicologie : l’ethnomusicologie.Pourquoi « essentielle » ? Parce que si, aujourd’hui,de plus en plus de gens sont convaincus qu’il fautinclure dans la musicologie l’étude des musiquespop et de variétés, ne serait-ce que parce qu’ellesreprésentent 90 ou 95% de la musique qui se jouedans le monde, si une petite niche est accordée àl’étude du jazz dans un nombre grandissant dedépartements de musicologie ou de conservatoires,l’étude des musiques qui intéressent l’ethnomusicologue nous met en présence de types de musiquequi sont souvent tout à fait étrangers à notre culture.Sait-on qu’en Papouasie-Nouvelle Guinée un musicien produit une musique, pour nous étrange, enattachant par une patte à un brin de paille un colé optère qui est maintenu devant sa bouche entrouverte au moment où il tente de s’envoler ? Le sonmusical obtenu — oui, musical — résulte desvibrations produites par les ailes de l’animal et cesvibrations varient en fonction des différents degrésd’ouverture de la cavité buccale qui sert de résonateur ! Et que dire des « jeux de gorge » des Inuit duNouveau-Québec et du Nunavut (Canada) qui utilisent à la fois l’expiration et l’inspiration de la voix,en ouvrant ou en fermant la bouche, alors que, dansle chant tel que nous le connaissons dans le mondeoccidental, que l’on pense à « Au clair de la lune » ouà un air d’opéra italien, on n’utilise que deux de cesquatre possibilités : l’expiration et la bouche ouverte.La respiration est considérée comme un « bruit »nécessaire, mais qu’il faut masquer au maximum…Les femmes inuit, elles, fondent ce genre de musiquesur l’articulation naturelle de la respiration. (Onpeut entendre un enregistrement de jeu de gorge surle site www.pum.umontreal.ca/musicologue/ .)
Retenons une première conclusion de cet inventaire et de ces exemples : le musicologue se doit den’exclure a priori aucun domaine, aucun genre,aucun type particuliers de musique. Deuxièmeconclusion : un des objectifs du travail musicologique, c’est d’accéder à toutes les formes de musique,afin de mieux comprendre, ne serait-ce qu’anthropologiquement, ce qu’est la musique.
On ne peut, à mon sens, exercer pleinementla profession de musicologue si on ignore ou si onexclut a priori certains secteurs des musiques de noscontrées, et si on n’admet pas la légitimité d’étudierl’ensemble des manifestations musicales présentessur la planète, dans le passé comme dans le présent.En effet, à moins d’une interdiction de nature politique comme ce fut le cas en Iran dans les débuts de la révolution islamique ou en Afghanistan sous le règnedes talibans, toute culture humaine possède uneforme quelconque de musique, et ce, même si, dansla langue du groupe considéré, le mot « musique »n’existe pas. Il n’est pas nécessaire de savoir qu’onfait de la musique pour en produire. La musique estun phénomène universel qui se développe chez l’enfant à partir de l’âge d’un an et demi, au momentoù elle se distingue du langage verbal, c’est-à-direlorsque le bébé émet des sons pour communiquer etd’autres pour le plaisir. Il est fascinant de constaterque l’on a pu observer une distinction analogue chezles animaux capables d’utiliser des sons pour communiquer (certaines espèces de singes, d’oiseaux etde mammifères). Une zoomusicologie est en train denaître.


Étudier les structures et les styles musicaux

La musicologie doit donc s’intéresser à toutes lesformes possibles de musiques. Mais elle doit aussi sepréoccuper de tous les aspects de la musique, et passeulement du son. La musicologie s’intéressera à ceque, pour cette raison, Jean Molino a appelé « le faitmusical total ». Qu’entend-il par là ? Ce qu’étudie lamusicologie, ce ne sont pas seulement les sons et les structures d’une sonate, d’un opéra, d’une chansonrock ou d’une musique africaine, c’est aussi l’étudede ses contextes (historique, social, culturel) et des stratégies de production (composition, interprétation) et de perception auditive. Que contient le « faitmusical total » ?
D’abord, un matériau musical de base, étudié parce que l’on appelle, dans la francophonie, la « théoriemusicale ». Mais savoir quels sont les intervalles dontest faite une mélodie (l’écart entre deux notes), les divers types de rythmes et de mesures (la valse est àtrois temps, par exemple), les tonalités (les gammesde sept notes, dans notre culture, sur lesquelles lesœuvres sont fondées), apprendre à lire les notesd’une partition et de donner leurs noms

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