Richard  Wagner, l ecclésiaste antisémite
252 pages
Français

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Richard Wagner, l'ecclésiaste antisémite , livre ebook

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Description

L'auteur a estimé nécessaire de montrer comment l'antisémitisme est inscrit de manière fondatrice dans le wagnérisme comme dans sa volonté de régénérer le christianisme en un monde de vanités. Il a utilisé dans cette entreprise la parole de Wagner lui-même et procédé à une relecture exigeante de textes théoriques et biographiques qu'on ne lit généralement pas ou pas bien, chez les wagneriens. En ce sens, Wagner demeure un des enjeux de l'imaginaire des XIXe et XXe siècles.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 20
EAN13 9782296474031
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

RICHARD WAGNER, L’ECCLÉSIASTE ANTISÉMITE
ÊTRE WAGNÉRIEN EN 2013 ?
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56504-3 EAN : 9782296565043
Philippe GODEFROID RICHARD WAGNER, L’ECCLÉSIASTE ANTISÉMITE ÊTRE WAGNÉRIEN EN 2013 ?
L’Harmattan
INTRODUCTION
Quelques semaines après la publication de mon livreRichard Wagner, 1 1813-2013. Quelle Allemagne désirons-nous ?*, la question de l’antisémitisme wagnérien a regagné, suite à des évènements nombreux quoique d’importance inégale, le devant de la scène. Elle a donné lieu au jeu habituel d’accusations et de dénégations aussi stériles que, et c’est pire, stérilisantes. Mal informées en tout cas.
Mis à contribution, j’ai réalisé n’avoir sans doute pas assez, dans Richard Wagner, tiré les conséquences de mes démonstrations et de mes convictions. Pas assez dit comment, oui, l’antisémitisme est inscrit de manière fondatrice dans le wagnérisme et comment cet antisémitisme va de pair avec un christianisme réinventé, présenté par Wagner comme authentiquement germanique. J’ai donc mis en chantier ce petit livre, une summulaqui tient évidemment pour acquis les savoirs et les conclusions du précédent, auquel elle renvoie souvent.
J’ai exclusivement utilisé en cette entreprise la parole de Wagner lui-même et procédé à une relecture exigeante de textes théoriques et biographiques que l’on ne lit généralement pas, ou pas bien, chez les wagnériens. Je montre que ces textes constituent clairement et consciemment pour Wagner la dramaturgie officielle de ses opéras. Que le vocabulaire qu’ils emploient éclaire celui des livrets alors que nous prenons celui-ci, souvent, comme allant de soi et identiquement signifiant à son époque et à la nôtre. Que la musique est bien l’ultime réceptacle de cette pensée et non un univers « en soi » protégé de tout miasme qu’il serait possible d’admirer sans scrupule. Enfin que le débat tel qu’il est aujourd’hui tenu sur la mise en scène contemporaine sert souvent à remplacer commodément par une dispute excessive et sans fin sur l’accessoire l’affrontement qui serait nécessaire avec un fait indéniable et dérangeant. Je rappelle en effet que, selon la théorie esthétique wagnérienne elle-même, le savoir que nous allons collecter ne peut prendre valeur qu’appliqué à la scène et n’a d’ailleurs d’intérêt universel et constant que parce qu’existe une scène : un espace où l’on articule la parole et le corps. Wagner l’a très bien compris : la scène relève du sexe.
1 Les * renvoient à la bibliographie en fin de volume. Sauf mention contraire, les traductions sont de ma plume.
Qu’est-ce que l’œuvre ? Rien que Wagner, mais tout Wagner.
Il est frappant de constater combien Wagner a mobilisé les philosophes, plus fortement et plus durablement que les musiciens et la plupart du temps à charge, quel que soit par ailleurs leur rapport à la germanité ou plus tard au nazisme : comme s’il était une épistémologie de leur propre quête, ce en quoi se vérifierait l’hypothèse de Jean-Claude Piguet* sur le rôle de la musique vis-à-vis de la philosophie. La question posée, celle une fois de plus de la fidélité à la volonté de l’auteur Wagner, est comme le dit Alain Badiou* celle des fonctions contemporaines de Wagner dans les rapports généraux entre la musique, l’opéra, la théâtralité et l’idéologie.
J’ai forgé, tout au long de mes publications*, un outil ambitionnant d’apporter une réponse globale et cohérente à la question wagnérienne. Une sorte de passe. Compte tenu de la quantité d’études auxquelles Wagner a donné lieu, parfois totalement contradictoires, l’existence d’une telle clef peut sembler relever de la magie, de l’illusionnisme, voire de l’idée fixe : le genre de reproche que l’on adresserait à un ethnologue idéologue bardé de présupposés,a prioriconvaincu de ce qu’il faut trouver et démontrer, décidé à faire entrer le sauvage dans la cage préparée pour lui. Or c’est exactement l’attitude que je pense avoir combattue depuis que j’étudie. Je n’ai jamais eu de « perspectives » à imposer à Wagner : il m’a plutôt fallu nettoyer le site des couches, souvent épaisses, déposées par le temps, par des regards insuffisamment documentés — que les sources aient manqué ou aient été sciemment ignorées — par l’histoire enfin. Les techniques que j’ai employées à cet effet sont celles utilisées par tous ceux qui observent des systèmes et mes deux maîtres en la matière, vis-à-vis desquels je n’ai cessé de revendiquer une dette, sont d’ailleurs deux anthropologues autoproclamés. Les travaux de René Girard* et Pierre Legendre* permettent de fait, appliqués à Wagner, une précision descriptive dans la vision de près comme de loin, une mise en cohérence et en mouvement du système, que les équations traditionnelles n’autorisent pas. J’ai développé mes analyses. Le mot dit bien ce qu’il veut dire : elles ont évolué, au prix selon les cas de vraies remises en question, elles se sont enrichies, elles ont raffiné leurs outils, un peu comme les progrès techniques ont permis aux instruments d’optique de voir de plus en plus loin dans l’infiniment petit ou l’infiniment grand.
J’ai d’abord utilisé les prismes de René Girard : le mensonge, la violence et le sacré, le bouc émissaire, le tiers désirant, le désir mimétique, le paradoxe de la croix. J’ai par la suite introduit lesLeçonsPierre de Legendre : les montages institutionnels occidentaux, la mise en scène de scènes référentielles, les problématiques de la représentation, la
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textualisation — le tissage — des sociétés, les questions de filiation et de généalogie, les rapports du Droit et de la Religion. Pour monter cette « mayonnaise », j’ai progressivement incorporé les livrets, la biographie et les correspondances, les esquisses, projets et textes théoriques, l’interprétation et la réception, toujours selon des perspectives croisant histoire, analyse littéraire et musicale, philosophie, psychanalyse, sociologie, théologie, sémiotique.
On m’a cependant régulièrement et tout à la fois prié, d’une part de prouver à l’extrême la cohérence de mes analyses avec les éléments biographiques ou avec les textes écrits par Wagner comme indications dramaturgiques — telsUne Communication à mes amis* — et d’autre part de me contenter, une fois, un jour, d’écrire une étude cantonnée aux informations que l’on trouve « dans les œuvres ». La contradiction inscrite au sein de cette double requête n’échappera à personne. Elle révèle une certaine ignorance des sources, l’illusion ou l’espoir que celles-ci empêcheront toute révélation gênante et, donc, serviront à condamner ce que l’on appelle « les mises en scène contemporaines » : parallèlement, dès que la production et la contextualisation de textes enfouis commence à bousculer, on voit les tenants de la « vérité fidèle » opérer des choix au sein des documents disponibles et finir par se rabattre sur l’exigence d’une étude limitée aux partitions — livrets, musique, didascalies. J’ai souvent mis en garde les wagnériens contre la tentation de pratiquer une anthropologie qui se limiterait à la rencontre entre un sauvage énigmatique avec lequel on doit seulement trouver les moyens de cohabiter au quotidien pour la seule satisfaction des besoins de base — Wagner — et un navigateur — eux — qui se rêverait vierge et pur : de telle sorte que l’île aux plaisirs wagnérienne demeure un petit paradis écologique protégé de pollutions exogènes, intellectuelles, scéniques et historiques. Les wagnériens ont envie d’assister aux rituels. Ils les trouvent parfois compliqués et n’en comprennent pas tout, mais cela leur suffit généralement parce que la prise en charge du mystère par la communauté les délivre apparemment du besoin de savoir vraiment ce qui se joue. Ils veulent prononcer les formules du missel sans affronter les débats théologiques les ayant codifiées et les soutenant. Ils ne désirent pas davantage, souvent, que les homélies du servant dépassent la paraphrase. À la limite, on leur ferait manger de la chair humaine sans le leur dire, et ils apprécieraient, qu’ils n’iraient jamais visiter les cuisines pour voir quel animal on sacrifie ce jour-là. Ils désirent pouvoir fonder leur wagnérisme sur une sorte d’illumination permanente et indiscutable, un peu à la manière dont les conquistadors concevaient les conversions. Est-il possible cependant de comprendre les sacrements sans le recours à uneWeltanschauungmobilisant toutes les sources disponibles ?
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C’est au fond, bien sûr, la définition du mot « œuvre » qui est ici en cause. On ne peut pas la limiter aux livrets et aux notes de musique et, en même temps, vouloir s’appuyer sur certains textes et pas d’autres, textes que, par ailleurs, il faut lire et traduire scientifiquement. Pourquoi les commentaires de Wagner sur certains ouvrages ou certaines représentations auraient-ils plus de poids, d’éternité, que ses commentaires sur les Français, les Juifs, les Allemands ? C’est la postérité qui, pour des raisons tenant à sa propre histoire, a opéré de telles hiérarchies. L’œuvre est en réalité l’ensemblela production wagnérienne et Wagner lui-même raisonnait de ainsi. Sous le motwagnérisme, on entendra donc la fusion, par le biais de la représentation, des partitions, des autres écrits, de la biographie et des spectateurs — et ce, depuis les origines du phénomène.
Cette position, qui empêche toute réconciliation commode ou hypocrite, n’est facile à tenir pour personne. Elle est cependant, de mon point de vue, la seule à même d’offrir à Wagner une reconnaissance, une admiration, qui ne nous soumettent pas aveuglément à sa tentation. Il faut savoir combattre ce qu’on veut aimer.
Être enfant de Wagner.
Décortiquer Wagner et montrer ou prétendre montrer en lui des choses dont d’autres commentateurs pensent qu’il n’en soupçonnait pas l’existence et ne les a peut-être jamais voulues, m’a souvent valu la question : « Vous croyez-vous plus intelligent que Wagner ? » Un anthropologue se croit-il plus intelligent que les peuples qu’il étudie ? Les ruines sont-elles un témoignage désactivé du passé ou le socle actif de notre présent ? J’étudie Wagner. Le savoir que je mobilise autour du wagnérisme est conséquent, mais je n’interdis à personne de préférer vivre son wagnérisme sans tout cela. Je ne dis pas davantage comment il faudrait mettre en scène mais ce qu’il y a, de mon point de vue, à mettre en scène.
Je ne sélectionne pas, pour ce qui me concerne, « ce qui m’arrange ». Qu’est-ce que cela signifierait ? Je ne suis pas appointé par quelque groupuscule antiwagnérien me donnant pour mission de repeindre l’homme et son œuvre en noir et en sale avec une taloche ironique : que l’on ne m’attribue pas ce que j’analyse, demandait en substance Philippe Lacoue-Labarthe*, et cette revendication pourrait servir de drapeau à tous les dramaturges qui extraient de la gangue des conventions des minerais dérangeants peut-être, mais bien réellement présents dans les œuvres ou les comportements des personnages.Je suis tombé dans la marmite wagnérienne voici bientôt cinquante ans : par le biais de disques de Préludes et Ouvertures. Je ne connaissais, des œuvres, que les titres — quelques mots qui ouvraient à l’infini l’imaginaire. J’ignorais à l’époque ce qu’était un
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