Wagner et le Juif Errant : une hontologie
500 pages
Français

Wagner et le Juif Errant : une hontologie , livre ebook

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Description

Voici le troisième volet de la tétralogie dramaturgique entreprise par l'auteur aux Editions l'Harmattan. La matière demeure : Wagner, artiste chrétien, nationaliste et antisémite allemand, hanté par la corruption des êtres et du monde, par la fin de l'Histoire et le rôle de la Femme en ces affaires, énigmatique et angoissant. Cet ouvrage s'attache longuement à relier l'Idéalisme, Wagner, la psychanalyse et l'existentialisme, en quête d'un temps scénique où l'oeuvre d'art de l'avenir se conjuguerait au présent.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2014
Nombre de lectures 17
EAN13 9782336337395
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

Philippe Godefroid
WAGNER ET LE JUIF ERR ANT : UNE HONTOLOGIE
Qu’estce qui est allemand ?  Donner la mort
Univers musical
WAGNER ET LE JUIF ERRANT : UNE HONTOLOGIE
QU’EST-CE QUI EST ALLEMAND ? — DONNER LA MORT
Univers Musical Collection dirigée par Anne-Marie Green  La collectionUnivers Musicalest créée pour donner la parole à tous ceux qui produisent des études tant d’analyse que de synthèse concernant le domaine musical. Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en éveil la réflexion sur l’ensemble des faits musicaux contemporains ou historiquement marqués. Déjà parus Angéline YÉGNAN-TOURÉ G.,Le Gbofé d’Afounkaha. Une forme d’expression musicale de Côte d’Ivoire, 2013. Claudie RICAUD,Francis Thomé, compositeur créole, 2013.Dominique ARBEY,Francis Poulenc et la musique populaire, 2012 Leiling CHANG,Dialogues, temps musical, temps social,2012. Françoise ROY-GERBOUD,Le piano des Lumières, Le Grand Œuvre de Louis-Bertrand Castel, 2012. Jarosław KAPUŚCIŃSKI, François ROSE,Le temps et le timbre dans la musique de Gagaku, 2012. Christophe BAILLAT,Vera Moore, pianiste, de Dunedin à Jouy-en-Josas, 2012. Ladan Taghian EFTEKHARI,Bomtempo (1775-1842). Un compositeur au sein de la mouvance romantique, 2012. Joachim E. GOMA-THETHET, François Roger BYHAMOT, Jean Serge Essous. Clarinettiste, saxophoniste et chanteur congolais (1935-2009), 2012. Anouck GENTHON,Musique touarègue,Du symbolisme politique à une singularisation esthétique, 2012.Bernard BANOUN, Lenka STRÁNSKÁ, Jean-Jacques VELLY,Leoš JANÁČEK : Création et culture européenne, 2011. Pierre GUINGAMP,Michel Warlop 1911-1947, 2011. Luc RUDOLPH,La valse dans tous ses états. Petite histoire de la valse et de ses compositeurs dans le monde, 2011. Alexandre TYLSKI (sous la dir. de),John Williams. Un alchimiste musical à Hollywood, 2011.
  GODEFROID
WAGNER ETLE JUIF ERRANT: UNEHONTOLOGIE
QU’EST-CEQUI EST ALLEMAND?— DONNERLA MORT
© L'HARM ATTAN, 2014 5-7, rue de l'École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-02761-6 EAN : 9782343027616
AVANT-PROPOS
Le motif dramaturgique du Juif Errant est une combinaison légendaire, théologique et politique qui possède une histoire propre indépendante de Wagner mais dont Wagner, lui, n’est pas indépendant. À l’époque où se forme l’imaginaire de Richard comme aux différentes étapes de sa production, on en trouve partout la trace chez d’autres artistes et penseurs : ainsi constamment illustré, transformé, partagé, il traverse et accompagne aussi l’œuvre wagnérien depuis les premières éclosions de celui-ci. Son eau n’y sourd pas marginalement : il s’agit même d’unGrundthema de l’édification wagnérienne, un de ceux qui nouent identité et altérité comme seule peut le faire une authentique figure de double, dont les différentes manifestations irriguent jusqu’aux partitions.
Wagner a beaucoup lu, écrit, beaucoup agi dans son temps. Bien qu’il se soit considérablement exprimé sur certaines de ses sources ou de ses parentés intellectuelles, il a d’abord considéré, à juste titre d’ailleurs, qu’elles étaient évidentes pour ses contemporains, en second lieu qu’il les portait à un tel point d’achèvement qu’il suffisait de le lire ou l’écouter, lui, sans exiger ni références identifiées ni notes de bas de page. Méthodiquement, sa postérité hagiographique lui a emboîté le pas et circonscrit l’ampleur de sa dette qui, c’est vrai, n’explique pas tout mais le rend tout de même moins exceptionnel qu’on ne le croit. Mon travail consiste, depuis des années, à traiter ses opéras comme la part visible d’un formidable iceberg : or, comme on le sait, 90% de ces glaces sont immergées. Répondre au besoin d’une archéologie et d’une anthropologie impose entre livrets et autres documents, de Wagner ou pas, d’incessants aller-retour qui seuls parviennent à éclairer un sens et montrent comment la musique vient s’articuler à ce montage.
M’intéresse cette fois le contexte dans lequel se développa la pensée wagnérienne, saisie en son rapport essentiel au nationalisme, à l’antisémitisme, à la religion, à l’État, à l’esthétique. L’étude de ce contexte en soi mobilise déjà une bibliographie considérable que mon livre ne prétend nullement émuler ni à ce point résumer scientifiquement : tout ne sert pas ici au même degré, ne serait-ce qu’en regard des impasses, des raccourcis négligents ou des ostracismes auxquels Wagner lui-même a procédé pour de multiples bonnes ou mauvaises raisons.
Le motif du Juif Errant est une clef. En travaillant son image, que je crois symbolique de la relation complexe entretenue par Wagner, auteur nationaliste et chrétien allemand, avec les Juifs ou le judaïsme — relation dont témoigne « l’affaire » du chef d’orchestre Hermann Levi, à laquelle je consacre un chapitre — mais donc d’abord de sa relation à l’Allemagne, je
veux m’affranchir cette fois,autant que possible, du racisme « ordinaire » et quotidien du Maître, comme surtout de son édification en programme par ses successeurs autorisés : ces sujets, que bien sûr le nouveau thème abordé 1 n’efface ni ne minore, ont déjà été traités par mes ouvrages antérieurs , auxquels je ne puis éviter de renvoyer souvent.
Le motif du Juif Errant est aussi un bon outil de type couteau suisse. Grâce à lui on peut expliquer, par exemple, pourquoi le Hollandais Volant porte des habits espagnols, pourquoi Kundry fut jadis Hérodiade, comment telle phrase de Goethe, citée incognito dans le poème deParsifal, éclaire l’une des répliques les plus ambiguës du livret. Mais ce sont des détails. Il permet en revanche de poser à nouveau et très directement la question vitale de l’anéantissement et de la rédemption, celles de la malédiction et du pardon, celle de la fin du monde qui contient toutes celles relatives au Temps et à l’Histoire : autant d’interrogations qui ne sauraient échapper à des considérations très concrètes relatives au présent de notre wagnérisme bicentenaire. Que se rassurent cependant ceux qui comme moi — bien que pas forcément pour les mêmes raisons que moi — n’en peuvent plus d’une repentance uniquement organisée autour du nazisme : il ne sera pratiquement pas question du Troisième Reich dans les pages qui suivent.
Fil conducteur choisi dans la pelote wagnérienne, le Juif Errant n’est pas pourtant l’objet réel de la quête, plutôt le doigt qui pointe vers la lune. À l’évidence le Christ compte incommensurablement davantage, parce que l’attente ici-bas, aussi riche d’épisodes soit-elle, cède forcément le pas à l’essentiel : qui et quoi attendons-nous ? De manière étonnante, la théologie du penseur danois Kierkegaard — contemporain de Wagner — résonnera ici plus qu’en écho : étonnante, parce que Wagner n’a jamais entendu parler de lui ni lu une seule de ses lignes, alors que leurs angoisses et leurs fois sont extraordinairement comparables.
« Être Allemand » résume le programme wagnérien. « Donner la mort », titre de mon chapitre conclusif, la question essentielle de sa dramaturgie. En accolant l’un et l’autre, je n’annonce pas vouloir démontrer que l’Allemand est un assassin. Le bruit de ce montage, cependant, résonne assez fort pour inciter l’oreille à bien écouter, l’œil à bien voir, la chair à ne trembler qu’à bon escient. Bien sûr il faut nettoyer les os de la formule pour les réassembler. On verra qu’il s’agit d’une proposition esthétique, éthique et théologique, mystique presque, avant que d’être politique ou technique. Il faudra rester aux aguets cependant, tant est poreuse la frontière entre des slogans, des images, des sons et leur mise en œuvre dans le réel — à
1 Richard Wagner, 1813-2013 — Quelle Allemagne désirons-nous ?* etRichard Wagner, l’Ecclésiaste antisémite*, tous deux publiés aux Éditions L’Harmattan. L’astérisque renvoie à la Bibliographie Générale établie dans ces deux ouvrages.
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commencer par les plateaux scéniques. La formule en tout cas identifie selon moi le guide ou mieux le sphinx posté sur l’ensemble du parcours de la pensée allemande, disons, depuis Jakob Böhme jusqu’à très largement après Wagner. Elle signe aussi l’irruption de la biographie au sein du Gesamtkunstwerk: les plaies du naître et du mourir, du Père et de l’accès à la féminité, débridées avec le couteau psychanalytique, allongeront longuement la tribu des personnages wagnériens et leur géniteur sur un divan où les récits d’aveux, sur le temps d’une vie, fournissent autant de clefs dramaturgiques que d’arguments pour considérer cet Œuvre comme un des sommets de l’introspection humaine, idéalement placé au croisement de plusieurs siècles. Cette « psychanalyse du wagnérisme », fortement guidée par Lacan auquel j’emprunte en titre le mothontologie, occupe un tiers du 2 livre .
J’aurais pu construire une thèse de type classique. J’ai préféré procéder à la manière wagnérienne, par agglomération de signes, par confluences de plus en plus fortes, quitte à emprunter plusieurs fois — toujours un peu différemment — les mêmes chemins. À la fin tout pourra commencer. Tout : le théâtre, sorte de narration de langages et de corps sous transfert, comme on le dirait d’une cure psychanalytique. Triple transfert, au demeurant : celui de l’auteur Wagner par le biais de ses interprètes, celui des interprètes au regard des spectateurs, celui enfin des spectateurs en prise ou aux prises avec leur intime. Sous ce rapport, ce triple rapport, nous sommes tous des hystériques armaturés par l’amour du père, ce que nous appelons Wagner, et nous cherchons, entre des traces anciennes, leur sens, les nouveaux sens qui émergent accompagnés de satisfactions inédites, où nous pouvons jouir.
2 LesŒuvresComplètesFREUD, Sigmund, relevant de la psychanalyse, sont publiées de depuis 1988 aux Presses Universitaires de France (Paris) en 21 volumes. Les textes majeurs font l’objet d’une publication en poche par les PUF dans leur collection Quadrige. LesÉcritsde LACAN, Jacques, et sesSéminaires, sont publiés ou en cours de publication à Paris au Seuil depuis 1973. La plupart de ces textes sont disponibles sur lenet.
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