La brûlure du visible
168 pages
Français

La brûlure du visible , livre ebook

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168 pages
Français

Description

C'est un rapport d'auto-affectation qui tient l'écriture à la photographie et la photographie à l'écriture sans qu'elles ne puissent jamais se dissoudre ou disparaître l'une dans l'autre. Au mieux, tout juste, elles s'enfoncent ; elles enfoncent la différance dans le réel. Les fragments réunis ici interrogent les formes, les apparitions et les trajectoires possibles des oeuvres-limites, là où l'invisible se lit comme écriture de la lumière.

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Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 36
EAN13 9782296488663
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La brûlure du visible Photographieet écriture
CollectionEidosdirigée par Michel Costantini & François Soulages Série Photographie Catherine Couanet,Sexualités&PhotographieMichel Jamet,Photos manquées Michel Jamet,Photos réussies Anne-Lise Large,La brûlure du visiblePanayotis Papadimitropoulos,Le sujet photographique François Soulages (dir.),Photographie&contemporainFrançois Soulages & Julien Verhaeghe (dir.),Photographie, médias&capitalismeMarc Tamisier,Sur la photographie contemporaine Marc Tamisier,Texte, art et photographie. La théorisation de la photographie Série RETINA Manuela de Barros,Duchamp&Malevitch. Art&Théories du langageEric Bonnet (dir.),Le Voyage créateur Michel Gironde (dir.),Les mémoires de la violence François Soulages (dir.),La ville&les arts. A partir de Philippe CardinaliSérie Groupe E.I.D.O.S. Michel Costantini (dir.),Ecce Femina Michel Costantini (dir.),L'Afrique, le sens. Représentations, configurations, défigurations Groupe EIDOS,L'image réfléchie. Sémiotique et marketing Pascal Sanson & Michel Costantini (dir.),Le paysage urbain Marc Tamisier & Michel Costantini(dir.), Opinion, Information, Rumeur, Propagande. Par ou avec les images Hors Série Michel Costantini (dir.),beauSémiotique du Michel Costantini (dir.),La sémiotique visuelle : nouveaux paradigmes Bibliothèque VISIO 1, Biblioteca VISIO 1, Library VISIO 1 Comité scientifique international de lecture Aniko Adam (Université Pázmány Péter, Piliscsaba, Hongrie), Michel Costantini (Université Paris 8, France), Pilar Garcia (Université Bellas Artes de Séville, Espagne), Alberto Olivieri (Université Fédérale de Bahia, Brésil), Panayotis Papadimitropoulos (Université d’Ioanina, Grèce), Gilles Rouet (Université Matej Bel, Banska Bystrica, Slovaquie), Silvia Solas (Université de La Plata, Argentine), François Soulages (Université Paris 8, France), Rodrigo Zuniga (Université du Chili, Santiago, Chili) Publié avec le concours de RETINA International,Recherches Esthétiques&Théorétiques sur les Images Nouvelles&Anciennes, & d’ECAC,Europe Contemporaine&Art Contemporain.
Anne-Lise Large
La brûlure du visible Photographie et écriture
L’Harmattan
Photographie de couverture : ©Anne-Lise Large © L’HARMATTAN, 2012 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris ISBN : 978-2-296-96055-8 EAN : 9782296960558
I Lumière lumière crue est la première lumière : la blancheur âpre de la La page, la pellicule sensible. Il n’écrit ni ne photographie jamais ce qui est déjà accompli. Il cherche encore à faire apparaître le dissimulé ou la dissimulation profonde. La lumièresortde l’ombre. Elle est ce qui porte au visible lejusque-là-laissé-dans-l’ombre.  Le fond lumineux du visible n’est pas un fondement (Abgrund). Il témoigne d’une absorption à la fois du proche et du lointain, de l’éclaircissement et de l’arrivée d’uneautre lumière. Il est excès de lumière, trop plein de luminosité. Ce qui revient à situer cet excès hors de toute possibilité d’aveuglement ou d’éblouissement. Cet excès est creux, il n’excède rien, il est la première illusion fondant la banalité du jour. La lumière : le versant incontournable de la parole. De répétition en surimpression, la lumière ouvre le fond du visible : un espace de repos et de menace, de retrait et d’enfermement, d’écho et de silence.
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Le trou des appareils photographiquessténopé— trou par lequel on ne photographie qu’approximativement et depuis lequel il est impossible d’opérer un cadrage précis sur le réel. Lieu d’infiltration de la lumière venant taper en profondeur sur la surface sensible, donnant souvent lieu à des photographies bougées, floues, étonnement dépourvues de centre. Au moment où le regard se tient au fond de la lumière, il se détourne de tout voilement comme de tout dévoilement. Ce regard dont on ne saurait encore dire s’il éclaire ou obscurcit. lumière disparaît en son apparition, elle creuse sa disparition La dans ce qui la fait apparaître. La lumière rend visible. Mais cette visibilité demeure non produite, non tributaire de sa propre manifestation ou de son propre phénomène. Comme si un écho sourd se faisait entendre au lieu d’un questionnement infini : ce qui se donne à voir est lié à la lumière, et pourtant ce lien ne se laisse pas penser, ni découvrir au grand jour. L’origine n’est jamais dirigée vers le devenir de ce qui est venu ; elle n’est ni à la source des choses, ni possiblement conceptualisable, mais bien plutôt l’approche de toute approche : apparition, tentative de restitution, aveu d’une visibilité autre. lumière se présente, non seulement comme la condition La originaire de la perception, mais comme génératrice de zones éclairées et de zones d’ombres : voirpourécrire, voirpourphotographier. Regarder, et même depuis le cœur de la nuit, et même le cœur de la nuit, c’est toujours être en relation avec la lumière ou l’absence de lumière, c’est encore maintenir l’œuvre dans une zone d’ambiguïté venant révéler quelque chose de résolument ancien, de non historique. lumière viendrait, à chaque fois et discrètement, défaire la La certitude de ce que l’écrivain, le regardeur, le détenteur venait chercher,garderici. Il faudrait toujours tenter de se tourner vers cette lumière comme vers une langue encore non écrite, comme vers un espace encore non regardé, et ce afin que l’œuvre puisse enfin se tourner vers elle-même.  S’il nous faut abandonner l’idée d’un espace où il n’y aurait rien d’autre à voir que ce qui est vu, où il n’y aurait pas d’autre lumière à chercher au-delà de celle qui éclaire, c’est d’abord parce qu’une telle
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conception éliminerait toute possibilité de constituer une œuvre proprement dite. Il s’agit plutôt de dépasser la perception de la lumière dans son rapport de dépendance à l’existence des objets et des choses qui l’émettent ou la réfléchissent. Dans une lecture que nous pourrions dire « fictive » de la réalité, la lumière n’éclaire plus rien, elle existe sans la présence des objets.  Une lumière qui, paradoxalement, vient, d’une part, dans l’acte d’écriture, du noir, de l’encre d’imprimerie ou de la lettre noire et d’autre part, dans l’acte photographique, d’une inversion (du blanc au noir, du noir au blanc) née du négatif. Comme s’il fallait sans cesse entrer en jeu avec les surfaces, les textures, la vision encore imaginaire et la réalité. Pourtant, il ne peut être question de penser, d’un côté une œuvre réalisante, et de l’autre, une réalité de l’œuvre prenant appui sur l’œuvre et non plus seulement sur la réalité. La lumière comme effet d’écriture chasse la question du type de discours ou du registre de réalité. Il y a, dans le livre comme dans l’image, une zone d’intermittence, un espace retranché — zone d’où il nous est impossible de nous écarter, au risque d’y perdre la force du regard : 1 espace à partir duquel ce que Blanchot nomme « l’éclaircie » arrive. Dans la lumière, et pour l’épreuve de l’œuvre, s’éprouve l’éclaircie. Nous ne savons jamais ce que l’auteur voit ou a vu avant d’écrire, c’est-à-dire comment sa position s’est éclaircie au regard de l’œuvre. Cet espace du non-savoir constitue une trouée dans l’image ou un 2 « trou dans le récit » . Il opère une percée dans le visible. L’auteur chemine ainsi dans l’œuvre, de son propre point de vue à la vue de ce qui s’éclaircit, de l’angle du regard à la trouée du visible, et ce jusqu’au lieu où viendrait se déployer l’espace d’une pure visibilité. La lumière est pour l’œuvre. plus regarder (ce que nous avons vu) : nous voyons par Ne transparence.  La transparence ne résulte pas de l’éclatante apparition du jour, mais bien plutôt du pénible et laborieux mouvement au cœur duquel l’auteur éprouve sa disparition. Elle est le résultat d’une élimination qui n’en finit pas, puisqu’elle ne supporte aucune opacité —
1  Maurice Blanchot,Le Livre à venir(1959), Paris, Gallimard, Folio essais, 1986, p. 224. 2 Ibidem. 9
élimination progressive et interminable où s’accomplit nécessairement la disparition de toutes les mises en place, de toutes les intentions, directions et inclinations. Le voir comme tel ne peut jamaisfaire sens, il estla transparence du sens à chaque fois que l’auteur disparaît un peu plus dans l’espace et dans le temps. L’œuvre progresse, en cette voie, vers sa non-identification, dès lors qu’elle ne porte plus en elle la trace du regard de celui ou celle qui l’a conçue. Le cœur de l’œuvre cacherait ce mouvement où la relation de l’auteur à ce qu’il regarde est interrompue, suspendue par une lumière rapportant l’œuvre à autre chose qu’elle-même. Puisque toute écriture qu’elle soit photographique ou littéraire ne peut purement et simplement rendre compte du point de vue de son auteur, puisqu’elle doit encore dépasser celui-ci afin d’accomplir cette possibilité autre, tout autre, dont elle ne sait rien. Une lumière crépusculaire signe la disparition du regard et laisse entrevoir une œuvresans repère,sans sens, bouleversant tous les rapports entre le regard et le visible, entrece qui est donné à voiretce qui n’a pourtant jamais encore été vu. Ce bouleversement s’accompagne également d’une certaine déficience, perte de contrôle ou de maîtrise. Comme si à la disparition tremblante de l’auteur succédait une lumière incertaine et déclinante. Et comme si cette lumière portait déjà en elle la lueur posthume de l’œuvre.  Nous entrevoyons ici l’affirmation désastreuse d’une œuvresansauteur, c’est-à-dire d’unelumière-tracela lumière aurait emportée que avec elle. Une vision comparable à l’existence de ces « dernières lucioles » dont parle Denis Roche : « juste ce petit signal qui dit, pour rien, juste pour elles, pour savoir où elles sont et comment elles peuvent se retrouver : lumière-extinction... lumière-extinction... 3 lumière-extinction... » L’espace de l’œuvre se dessine à partir de ce qui s’éclaire et de ce qui s’éteint. Nulle possibilité de retrouver depuis quel lieu ou depuis quel regard cet espace fut circonscrit. Toute grande œuvre tient au secret le « point de vue » qui a précédé à son dessein : seule demeure la lumière indéfinie sur laquelle la vue s’arrête. Ecriture de la lumière,impressionde l’œil,photo-graphie.
3  Denis Roche,La disparition des Lucioles (réflexions sur l’acte photographique), Lettre à Roland Barthes sur la disparition des Lucioles, Paris, Editions de l’Etoile, 1982, p. 166.
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