La photographie, mythe global et usage local
238 pages
Français

La photographie, mythe global et usage local , livre ebook

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238 pages
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Description

De quelle manière certaines photos locales peuvent-elles avoir une portée mondiale au point d'engendrer ou participer à des mythes globaux ? Comment ne pas passer de l'interrogation photographique locale à des usages idéologiques globaux ? Ces contributions fourniront des éléments d'histoire de l'évolution des pratiques de la photographie et une réflexion plus générale sur la situation actuelle de l'image photographique et de ses usages.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 10
EAN13 9782296490185
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La photographie, mythe global et usage local
CollectionLocal & Global dirigée par Gilles ROUET et François SOULAGES
Cette collection publie des livres réfléchissant au double phénomène articulé qui scande et structure les mondes contemporains, à savoir la précipitation vers le global et la revendication du local. Pour certains, « globalisation » et « mondialisation » sont synonymes, pour d’autres la confrontation des triplets sémantiques « globe/global/globalisation » et « monde/mondial/mondialisation » articule des analyses, des constats négatifs de cette transformation/évolution avec la positivité d’une ouverture au monde, être-au-monde, découverte de l’autre comme monde, un monde qui dépasse le seul globe, constat physique, l’économique, qui s’inscrit dans une quête de sens. Mais aussi un monde décrit comme global plutôt qu’universel.
Déjà paru
Sôuŝ la diectiô de Sege DUFOULON & Máia ROŠTEKOVÁ, Migrations, mobilités, frontières & voisinages, 2011. Sôuŝ la diectiô de Gilleŝ ROUET,Citoyennetés et nationalités en Europe, articulations et pratiques, 2011. Sôuŝ la diectiô de Gilleŝ ROUET,Nations, cultures et entreprises en Europe, 2011.
Sous la direction de Ivaylo DITCHEV & Gilles ROUET
LA PHOTOGRAPHIE, MYTHE GLOBAL ET USAGE LOCAL
L’Harmattan
Les directeurs de cette publication remercient Clémence Jarrige deNews Pictures Photo Press Agency, Gueorgi Lozanov, professeur, journaliste et président du Conseil de la coalition des médias bulgares, Ivo Hadjimitchev, photographe et commissaire d’expositions et David Weizmann, attaché culturel à l’Institut Français de Bulgarie, pour leur implication déterminante dans ce projet, ainsi qu’Anne-Coralie Bonnaire, Iva Debrenlieva et Christophe Lips pour leur important travail de traduction et de relecture attentive, patiente et efficace.
Publié avec le concours De la Faculté de Philosophie de l’Université de Sofia Saint Clément d’Ohrid, de RETINA.International, de l’équipeArts des Images, Art Contemporainde Paris 8, duGroupe d’Études pour une Europe de la Culture et de la Solidarité, Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, de l’Institut d’études européennes et internationales de Reims, de la Chaire Jean MonnetIdentités et Cultures en Europe de l’Université Matej Bel de Banská Bystricaet grâce au soutiende l’Ambassade de France en Bulgarie
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96843-1 EAN : 9782296968431
Introduction
La Photographie, mythe global et usage local
1 Chute du Mur de Berlin, 1989 . Révolution du Jasmin en Tunisie,2011.Comment des photos locales peuvent-elles avoir une portée mondiale au point d’engendrer ou, du moins, de participer à des mythes globaux ?Comment ne pas passer de l’interrogation photographique locale à des usages idéologiques 2 globaux ?
La photographie est plus qu’une technique, une technologie ou un art global.Cforme’est une pratique locale, une « 3 culturelle » , qui s’impose dans les environnements.La photographie est intégrée aussi bien à la sphère privée qu’aux espaces publics et ses représentations s’articulent avec ses modes de réceptions. Démarche artistique universelle, assurément, mais aussi miroir social local, en inversé ou non, les évolutions techniques et les usages sociaux ont fait naître de nouveaux métiers (photojournaliste, photographe de mode, etc.) et l’image photographique s’est installée dans le politique, pour les amateurs comme pour les professionnels, comme support de mémoire, comme production de fantasmes.Cette omniprésence est induite par une croyance au rôle de la machine qui reproduit le monde
1.Cf.GillesRouet &FrançoisSoulages,Du Printemps de Prague à la Chute du Mur deBerlin,Paris,Klincksieck, 2009. 2.Les contributions réunies dans cet ouvrage ont été présentées lors de la journée d’étude du 11/11/11, de 11h11 à 18h18, organisée à l’Université deSofia SaintClément d’Ohrid parIvayloDitchev etMayaGrekova, en partenariat avec RETINA.International et l’équipe de rechercheEA4010,Arts desImages,Art Contemporaindirigées parFrançoisSoulages et parGillesRouet,ChaireJean Monnet ad personamIdentités etCultures enEuropeetInstitutFrançais deBulgarie. 3.Cf.Raymond Williams,Television. Technology andCulturalForm,Hanovre, Wesleyan UniversityPress, 1974.
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sans participation du sujet humain, premier mythe global de la photographie. Les photographies induisent souvent des récits et participent globalement à un partage.Ainsi des « photos font l’histoire », ou plutôt contribuent à des constructions historiques, comme celle de l’homme ouvrant sa chemise devant le char du 4 Printemps dePrague ou encore celle de la personne avec son sac de courses devant le blindé de laPlaceTienanmen. Voici une deuxième mythologie, celui de la photographie qui participe à la signification, qui donne du monde une image ordonnée et compréhensible, dans les exemples proposés, récits fondateurs en 5 définitive hors du temps, institués . Avec la photographie, c’est aussi le mythe de l’image fidèle, e de l’objectivité, issu des débuts de la photographie au XIX siècle, qui perdure en dépit de tous les scandales et controverses.Il confronte des démarches et des usages à des normalités qu’on croirait dépassées : il en est ainsi des autocensures d’expositions récentes, comme l’expositionLarryClark, interdite aux mineurs par la Ville deParis en septembre 2010 pour éviter les protestations de personnes susceptibles d’être choquées par les scènes de violence, sexe ou drogue.Rappelons-nous qu’Edgar Degas avait subi de semblables critiques, au sujet notamment de sa statue d’une danseuse de 14 ans, montrée à l’Exposition universelle de 1881 et dont le visage était jugé « vicieux ».Ces critiques ont peut-être incité l’artiste à ne pas exposer ces sculptures de son vivant, dont 150 furent retrouvées en 1917, après sa mort, dans son atelier.Ce qu’il en était pour la sculpture, e à la fin du XIen est donc toujours pour la photographie.X siècle, A:utre exemple d’usages mimétiques de la photographie 6 des dictateurs, tels queJivkov enBulgarie , ne permettaient aux
4.Photo située en fait àBratislava et dont le cadrage usuel change le récit : l’homme ouvre son vêtement de travail devant les soldats montés sur le char et non en défiant le canon.Cf.GillesRouet &FrançoisSoulages (dir.),op. cit. 5.Cf. les travaux deRenéGirard en particulier. 6.TodorKhristovJivkov, né en 1911 et mort en 1998 a été pendant 33 ans le principal dirigeant de laRépublique populaire deBulgarie.Il intègre lePolitburo en 1951 et devient en 1954 chef duParti communiste bulgare.Après avoir été Président duConseil des ministres de 1962 à 1971, il devient chef de l’État bulgare le 7 juillet 1971 jusqu’au 17 novembre 1989.Il mène une politique de « bulgarisation » des minorités musulmanes baptisée officiellement « processus de régénération nationale ».
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journaux que de publier des photos sélectionnées par leur cabinet. Les entreprises d’histoire mémorielle érigent des photographies comme emblèmes de notre temps, comme, par exemple, le lever du drapeau américain sur l’île d’Iwojima qui n’est qu’une mise en scène.Les simulations scientifiques peuvent présenter des photos colorées de particules élémentaires ou de grossissements énormes, mobilisant alors une esthétique abstraite à leur démarche.Il s’agit aussi, dans cet exemple, d’une instrumentalisation du mythe global de la photographie.L’instrumentalisation s’est pourtant installée désormais puisqu’une bonne partie des milliards de photos produites et téléchargées par les amateurs sur la toile sont retravaillées par des logiciels bon marché.Ces dernières peuvent-elles pour autant avoir un rapport plus critique aux photographies et à leurs usages ? Voilà tout l’enjeu d’une éducation, d’une initiation, par apprentissage social, à l’image et à la transformation du rapport au vrai. L’œuvre d’art, l’objet installé comme tel dans le social, ne semble désormais plus choquer.La reconnaissance comme un art confère un statut particulier.La situation de la photographie est plus complexe.Ainsi, les publics reconnaissent toujours une objectivité mécanique à la photographie, malgré l’évolution citée plus haut.Le travail de sélection et de mise en forme du photographe doit toujours être revendiqué.La généralisation du numérique a fait évoluer le rapport à la photographie, renforçant ainsi le rôle du sujet fabriquant, mais aussi la manipulation de l’image. Après la critique « post-moderne » de cette objectivité 7 mécanique , de nouvelles formes de représentation s’imposent, liant objectivité et subjectivité, articulant signes et signifiés.Dans ce contexte, la photographie est bien une construction plastique, un miroir évidemment déformé du réel. L’ambivalence reste générale, dans les représentations comme dans les usages, entre expression culturelle et/ou artistique et objectivation supposée du réel.Les usages ont intégré les conséquences de la généralisation de nouvelles compétences : celles de la lecture des images.Désormais les images expliquent,
7.Cf.notamment,AlanSekula, «Reading anArchive :Photography between Labor andCapital », inLiz Wells (dir.),The Photography Reader,London &New York,Routledge, 2003 (1986), pp. 443-452.
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systématisent et autorisent les spéculations.Sont-elles pour autant suffisamment installées dans le social pour remplir des fonctions identiques au verbe, au langage ?L’image est en même temps, dans les représentations, réalité et fiction, art et témoignage, création et miroir.La valeur pragmatique de l’image s’impose par les usages et désormais les dimensions esthétiques et fictionnelles 8 s’articulent avec le scientifique et l’objectif, forcément relativisé .
La photographie s’est également installée dans des usages locaux, la généralisation du numérique induit des productions personnelles dont les limites sont vertigineuses.Ces photographies sont à la fois mondialisées par leur production sur l’Internet et utilisées localement.En particulier, l’usage deFacebookpour un demi-milliard d’internautes occasionnels ou non implique la publication de milliards de photos.Àl’heure de la globalisation, la photographie peut-elle justement participer à un mythe global ? C’est peut-être justement la permanence sur l’Internet de ces milliards d’images qui met en question le caractère global du mythe.Ces photos s’inscrivent dans l’environnement des quotidiens, celui des images et des photographies dont les usages locaux s’avèrent complexes : le marché des albums photos est toujours important et de mêmes photographies peuvent être réunies pour des usages familiaux, amicaux (album de mariage par exemple), en même temps que leur diffusion surFacebookles propose à des millions d’anonymes. Une même photographie peut ainsi se voir attribuer des fonctions différentes, selon son mode de publication, par les mêmes personnes. Plus généralement, il convient également de s’interroger sur ces usages en termes de tensions, d’oppositions pour examiner comment les photographies participent à ces logiques sociales.
Les interactions entre global et local, pour la photographie, sont ainsi multiples et complexes.La croyance universelle dans un monde objectif produit par la machine se matérialise à chaque fois dans des pratiques locales.Il s’agit de définir en permanence ce qu’est le réel sans l’homme et d’en faire usage, depuis les apparitions de spectres fixées sur une plaque, jusqu’au petit
8.Cf.BrunoLatour,La science en action : Introduction à la sociologie des sciences,Paris, LaDécouverte, 1986.
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