Un amour de Déjazet - Histoire et correspondance inédites, 1834-1844
70 pages
Français

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Un amour de Déjazet - Histoire et correspondance inédites, 1834-1844 , livre ebook

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Description

Dans un livre à tirage restreint paru en 1892, et dont la librairie Taillandier donna dix ans plus tard une édition populaire, nous avons écrit, à l’aide de précieux documents, l’histoire de l’amoureuse liaison de Virginie Déjazet, quinquagénaire, avec Charles Fechter, l’élégant jeune premier dont les dames raffolaient au début du second empire. Cette passion d’automne succédait à des amours de printemps et d’été dont on établirait difficilement la liste complète. Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346049639
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
M LLE DÉJAZET
Louis-Henry Lecomte
Un amour de Déjazet
Histoire et correspondance inédites, 1834-1844
Un Amour de Déjazet
Histoire et Correspondance inédites (1834-1844)
Dans un livre à tirage restreint paru en 1892, et dont la librairie Taillandier donna dix ans plus tard une édition populaire 1 , nous avons écrit, à l’aide de précieux documents, l’histoire de l’amoureuse liaison de Virginie Déjazet, quinquagénaire, avec Charles Fechter, l’élégant jeune premier dont les dames raffolaient au début du second empire. Cette passion d’automne succédait à des amours de printemps et d’été dont on établirait difficilement la liste complète. Pour plusieurs subsistent d’incontestables preuves. Ecrivant beaucoup et d’une façon charmante, la comédienne semait insoucieusement des autographes qu’en raison de leur intérêt les destinataires se gardaient de détruire, et qui, avec le temps, devaient tomber fatalement dans des mains plus ou moins scrupuleuses. Ainsi furent mises en vente publique des pages galantes adressées à M. Chateauneuf, à M. de Saint-Maurice, à un troisième élu doté du nom d’Ernest. On eût pu faire argent d’écrits semblables reçus par Adolphe Charpentier, Hector Bossange, Thénard, Eugène de. Reims, par bien d’autres encore, car depuis ce soir de 1818 où elle avait, à Lyon, succombé comme une grisette pour quelques friandises, Déjazet eut sans cesse au cœur un sentiment tendre, durable ou fugitif, toujours désintéressé. Elle aimait comme on chante, en variant les couplets sur un refrain unique. De quel droit l’en blâmerait-on ? Les oiseaux d’amour volent, dans l’azur, de rêve en rêve, et la constance, seyante aux bourgeoises, ne saurait convenir aux prêtresses d’un art changeant par essence. Déjazet disait, de sa voix légère : « Il y a sept péchés capitaux pour trois vertus théologales, Dieu lui-même a fait la belle part au péché. » — Puis, dans certaines âmes, de très hautes qualités atténuent les plus grands écarts.
L’aventure que nous allons dire fut vécue par la comédienne au milieu de sa longue carrière. Agée de trente-six ans, elle tenait au théâtre du Palais-Royal la place glorieuse que, malgré ses efforts, le Gymnase et les Nouveautés lui avaient jadis refusée. Son talent exquis faisait d’elle une reine adorée à ce point que, non contents de la couvrir de fleurs sur la scène, les spectateurs l’attendaient souvent, à la fin du spectacle, pour suivre sa voiture en poussant des vivats. C’est à cette heure d’épanouissement physique et de triomphe intellectuel qu’elle fit rencontre d’un adolescent issu d’une famille célèbre dans les annales napoléonniennes, Arthur Bertrand.
Il était fils du général Henri-Gratien, comte Bertrand, dont les talents et la valeur avaient été récompensés, sous l’Empire, par le titre de grand-maréchal du palais. Quant, après Waterloo, Napoléon s’était imprudemment confié à la générosité anglaise, le comte Bertrand avait été choisi, avec les généraux Gourgaud et Montholon, pour accompagner le héros dans l’île meurtrière où ses ennemis le reléguaient, Mme Bertrand, créole de la Martinique 2 , suivit le comte dans son glorieux exil, avec les deux fils et la fille nés de leur mariage. Sans enthousiasme, il faut le dire, car, avant le départ du Bell érophon, on eut mille peines à l’empêcher de se jeter par-dessus bord. Le temps la ramena à de plus saines idées, et sa conduite à Sainte-Hélène fut exemplaire. Ni son mari ni elle n’avaient toutefois assez de souplesse dans le caractère pour s’astreindre à la vie commune, et c’est hors de Longwood, où logeait l’Empereur, qu’ils prirent domicile. Leur maison s’appelait Hut’sgate ; c’est là que, le 17 janvier 1817, la comtesse Bertrand mit au monde un troisième fils qu’on baptisa Arthur. Napoléon, alors souffrant, alla quelques jours après la féliciter de sa délivrance. — « Sire, lui dit-elle avec esprit en montrant son poupon, j’ai l’honneur de présenter à Votre Majesté le premier Français qui, depuis notre arrivée à Longwood, s’y soit introduit sans la permission de lord Bathurst. »
Le rude climat qui tuait l’Empereur épargna son petit sujet. Arthur était, trois ans plus tard, un enfant solide, mais entier, violent et boudeur. Antomarchi raconte, à cet égard, une anecdote typique. Voulant orner de boucles de corail les oreilles de la jeune Hortense Bertrand, Napoléon requit un jour le docteur de faire à la fillette l’opération préalable. N’osant s’y refuser, Hortense pleurait silencieusement, tandis qu’Arthur criait, défendait avec des menaces qu’on fit du mal à sa sœur. Sa colère, ses phrases anglaises amusaient l’Empereur, et le malin bonhomme grommelait d’autant plus. — « Coquin, dit enfin le héros, si tu ne cesses pas, je te fais aussi percer les oreilles ! »
Napoléon mort, tous les témoins de son martyre quittèrent Sainte-Hélène. Frappé depuis 1816 d’une sentence capitale, le comte Bertrand n’eût pu rentrer en France si Louis XVIII, que sa conduite avait touché, n’avait par ordonnance annulé sa condamnation en le réintégrant dans son grade. Bertrand se retira dans le département de l’Indre, pour s’y livrer à la culture et parfaire l’éducation de ses enfants. La révolution de Juillet l’envoya à la Chambre comme député de Châteauroux ; il en sortit bientôt pour reprendre sa vie de famille. Par malheur ses fils, influencés par le sang maternel, n’estimaient point le métier des armes et songeaient surtout à jouir de leur mieux d’une fortune accrue par les libéralités suprêmes de Napoléon. Moins que ses frères encore, Arthur était. capable de continuer le général. Joli garçon, coquet, léger, il n’aspirait à rien qu’à la douceur de vivre.
Il atteignait sa dix-septième année quand, au début de 1834, son père le présenta dans le monde parisien. Aimant, comme la comtesse, le clinquant et le bruit, c’est aux reines de la rampe qu’il devait d’abord porter son encens. Il vit Déjazet, l’aima et fut écouté d’elle. Facilement, sans doute, car l’actrice experte n’était point femme à dédaigner l’ardeur naïve d’un jouvenceau.
Deux catalogues, vieux de vingt ans, donnent l’analyse des premières lettres qu’Arthur Bertrand reçut de Virginie, — Ninie, comme il l’appelait après bien d’autres. Elles sont rapides et ne font guère que ressasser ces mots de toute maîtresse, sincère ou fausse : « Je t’aime ! » On verra plus et mieux dans les pages qui vont suivre.
Au premier bruit de cet amour, le général et la comtesse Bertrand s’étaient enquis de celle qui l’inspirait ; on la leur dépeignit sous des traits si flatteurs qu’ils voulurent la connaître et la remercièrent presque d’une affection qui ne pouvait en rien léser l’honneur ou l’intérêt de leur famille 3 .
Si, sous certains rapports, Ninie était insoupçonnable, il n’en résulte pas qu’Arthur Bertrand dût forcément être heureux avec elle. Bien au contraire, car il aimait sans être aimé, et, dans ces conditions, la comédienne ne crut nullement être contrainte à la fidélité. Elle trompa son Arthur avec deux complices successifs. On pourrait l’expliquer par un besoin, pour sa nature ardente, d’adjoindre à l’éphèbe trop respectueux un servant moins platonique.
Le premier aide qu’elle accepta fut un garçon d’aspect robuste que l’Ambigu mettait au rang de ses premiers acteurs, Francisque aîné. Il s’y était pris avec elle de la façon bizarre que précise cette réplique :
 
« Venez chez moi, ie vous attends. Ou, si vous l’aimez mieux, une voiture, où vous voudrez. L’heure et l’endroit  ! »
Voilà, je pense, la seule raison qui vous engage à me demander une réponse, car pour le reste, nous sommes, à ce qu’il paraît, parfaitement d’accord. Il faut convenir que si, vis-à-vis de moi, vous avez poussé la timidité un peu loin, par lettre vous vous dédommagez g

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