Lettres à Bérénice , livre ebook
190
pages
Français
Ebooks
2023
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2023
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Publié par
Date de parution
15 novembre 2023
EAN13
9782371690813
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Publié par
Date de parution
15 novembre 2023
EAN13
9782371690813
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Couverture : Axelle Gestin
Illustrations de couverture : dwikiyosi01 et ibrandify, Freepik
Directrice de collection : Cécile DECAUZE
ISBN : 978-2-37169-081-3 Dépôt légal Internet : novembre 2023
IL ÉTAIT UN EBOOK SAS 14 avenue de la Libération 24700 MONTPON-MÉNESTÉROL Représentant légal : Cécile Decauze (présidente)
« Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur, ou de ses ayants droit, ou ayants cause, est illicite » (article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par l’article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle. Le Code de la propriété intellectuelle n’autorise, aux termes de l’article L. 122-5, que les copies ou les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, d’une part, et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration.
« À toutes les Bérénice, Roxane et Brigitte… »
Prologue
N ora patientait difficilement ; elle n’aimait pas attendre. Elle commença à tapoter du pied gauche, sans toutefois taper bruyamment. Elle marquait le coup, plus que son mécontentement.
— Bon, elle arrive, la Reine des neiges ?
La maquilleuse arriva enfin, après deux longues minutes d’attente. Charlie, qui finissait de régler sa caméra, et Yvan, qui était déjà prêt au son, sourirent.
— Je te fais quoi : contour noir, paupières noires, pas d’eyeliner et une touche de mascara ?
— Oui, s’il te plait, Elsa, ta magie noire habituelle, c’est parfait.
— Tu ne penses pas, Nora, qu’un peu de gris clair, ou de brun, serait plus…
— Tut, tut, Elsa, comme d’habitude, s’il te plait.
C’était la joute bien connue des opérateurs : Elsa feignait de deviner le maquillage que Nora demandait systématiquement, mais tentait tout de même quelques protestations ou propositions de couleurs, parfois inattendues ou de mauvais gout, ne serait-ce que pour varier ou surprendre la présentatrice star. Pour se faire inlassablement couper net par cette dernière : « Tut, tut, comme d’habitude, s’il te plait. »
Elsa souriait et mimait souvent les « S’il te plait » de madame El Tejir, qui les énonçait avec une couleur particulièrement sonore à toute l’attention de son équipe.
Autant Nora ne changeait rien côté maquillage, depuis onze années aux rênes de ses deux émissions internet, autant côté vestimentaire, Cindy, l’habilleuse, avait de quoi se régaler : carte et chèque presque blancs, le dressing toujours bourré à craquer de matières, de couleurs et de motifs. En comparaison, seules les pastilles noires et gris foncé au reflet légèrement irisé de la palette 4 d’Elsa étaient épuisées. Les autres pastilles demeuraient inlassablement intactes. Ce qui était aussi le cas des accessoires, bigoudis ou bouteilles de laque de Gilles, le coiffeur, qui ne voyaient pas la lumière de la loge et restaient confortablement coincés dans leur mallette. Un coup de brosse suffisait, car Nora aimait à cacher ses longs cheveux fins sous des bonnets XXL, des petits chapeaux vintage ou de larges capelines.
— Bon Yvan, mon yéti, c’est quoi le thème de cette conclusion ?
Le « yéti » haussa les sourcils, et fit mine de caresser sa barbe. Ce grand gaillard de près de deux mètres ne se formalisait heureusement pas des surnoms que Nora El Tejir attribuait à toute l’équipe d’ Amour & Préjugés . Elsa était surnommée la Reine des neiges uniquement à cause de son prénom, car elle était tout l’opposé du personnage : cheveux noirs, un côté court et l’autre carré plongeant, des yeux verrons qu’elle aimait souligner sur les paupières de marron et de vert, des joues rondes et un large sourire. Yvan soupçonnait qu’il lui avait été donné par vengeance au film Disney – la fille de Nora l’avait écouté en boucle des semaines entières, ce qui l’avait rendue dingue. Lui tenait son surnom de sa taille et de ses cheveux poivre et sel. Si Nora taquinait l’équipe de tournage, Yvan savait qu’elle les respectait et les aimait bien : après tout, certains contrôlaient son image à l’écran ; son pouvoir à lui, plus inédit, résidait dans la décision du thème des blagues que Nora devait énoncer à chaque fin de saison, au risque de payer une tournée à toute l’équipe.
— J’ai pensé aux curés, pour sortir des grands thèmes des blondes et des Belges qu’on a éculés les années précédentes.
Yvan savait qu’il avait produit son petit effet : Nora se mordit les lèvres au mot « éculé », lança son regard bientôt noir charbon vers lui et répondit :
— Soyons un peu discrimination positive, veux-tu ? Faisons un thème sur les nonnes !
— Bonne idée, madame El Tejir, inspire-toi de ta vie perso !
Nora poussa un « roh » caractéristique en arrondissant sa bouche.
— Bon, j’en ai plein ! se réjouit-elle en se frottant les mains.
— T’as intérêt, tu dois en trouver une par célibataire, donc dix !
— Tu as compté Bérénice ? demanda Nora, usant de ses doigts pour compter les participants.
— Oui, j’ai compté Bérénice, répondit Yvan qui, lui, n’en avait pas besoin.
— Alors, c’est parti, une première mignonne pour se mettre en jambes.
Au catéchisme, Sœur Marguerite demande à ses élèves quel métier ils voudraient exercer plus tard. La petite Isabelle, huit ans, déclare : « Quand je serai grande, je serai prostituée ! » Sœur Marguerite ouvre de grands yeux et hurle : « QU’EST-CE QUE TU VIENS DE DIRE ? » « Une prostituée, une pute, quoi », reprend Isabelle. Sœur Marguerite porte la main à sa poitrine et soupire de soulagement : « Dieu merci ! J’ai cru que tu avais dit “protestante”. »
— Pas mal. Tu réussis à mettre une prostituée dans une blague de nonne ! Belle mise en jambes. Allez, c’est bon pour moi… Charlie ?
Charlie, la caméraman, ne répondit pas, et adressa uniquement un lancer de bras à l’attention d’Yvan et de Nora : elle était prête.
— Elsa ? continua Yvan.
— Assez noir pour moi et pas assez pour elle.
Nora tira la langue à sa maquilleuse, puis sur sa robe pour défroisser un pli invisible.
— Direct dans une minute, lança Chloé.
— Alors, c’est parti mes amis, débuta la présentatrice avec un accent du Sud. On va te rattraper ce merdier, je te le dis, moi. On va transformer ce foirage en carton d’audience !
— Dix secondes.
Puis, prenant sa voix de velours tant apprécié par les internautes qui la suivaient tous les lundis et jeudis soirs de juillet et d’aout sur Internet, Nora débuta son monologue introductif avec une touche de miel :
— Bonsoir à tous, et bienvenue dans votre émission de l’été Amour & Préjugés . Ce soir, c’est une première conclusion que je vous propose pour cette saison 5, qui est de loin la plus riche en secrets et surprises, chez Philippe, notre adorable secrétaire de direction vendéen…
Partie 1 : Le Profil
Septembre à janvier
« Chacun de nous a sa blessure : j’ai la mienne
Toujours vive, elle est là, cette blessure ancienne. »
Roxane, Cyrano de Bergerac , Acte V, Scène 5. 8
Chapitre 1
M arlène était déçue, et Axel en colère. Elle connaissait son emploi du temps et savait qu’il rentrait tout juste du tournage du profil de Michèle, dans le Béarn, et qu’il était crevé. Elle avait insisté pour qu’il vienne et qu’ils parlent. Il avait pensé qu’enfin, elle s’était rendue à l’évidence : ils n’étaient pas en couple et n’étaient pas faits pour cela. En tout cas, lui ne l’était pas.
Mais à peine le pas de la porte passé, Marlène s’était jetée à son cou, sa jupe et tous ses autres vêtements avaient volé à travers l’entrée à une vitesse folle, et elle l’avait attiré si vite sur le canapé qu’il n’avait pas eu le temps de protester. Ou l’envie. Il faut dire qu’Axel était un peu lâche à ce sujet, il en était conscient. Il avait du mal à résister à la jeune femme. Marlène, elle, savait se montrer très convaincante.
Six mois auparavant, il avait cédé à ses avances, pensant à tort qu’il ne s’agissait que d’un plan cul, au pire unique et au mieux occasionnel. Que ça l’aiderait à tromper l’ennui et l’envie qui le prenaient parfois quand il était à Paris.
— Tu viens chez moi uniquement pour baiser, Axel ! Une fois que tu as tiré ton coup, tu t’en vas.
— Marlène… franchement, t’abuses. Tu me fais venir pour « parler », et je n’ai même pas dit bonsoir que tu me sautes dessus. De quoi veux-tu parler autour d’un diner aux chandelles ?
Car Axel avait remarqué la table joliment dressée, les bougies, la lumière tamisée et la bonne odeur qui sortait du four. Il n’avait pas eu le temps de remarquer que Marlène avait fait une couleur, un joli henné qui donnait des reflets roux à ses cheveux châtains, s’était maquillée très spécialement pour l’occasion, et avait enfilé une tenue très sexy.
Non, visiblement, Marlène n’avait pas l’intention de mettre fin à leurs parties de jambes en l’air. Bien au contraire, elle voulait lui demander plus que cela, ce qu’il redoutait depuis quelque temps. Elle s’arrêta net dans sa course au rhabillement, car ce moment était crucial pour elle.
— Axel, je veux que tu restes, que tu sois là plus souvent… que tu… que tu quittes ton appartement pour venir t’installer ici.
— Marlène, pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? Tu sais ce que je vais te répondre. Je ne veux pas d’une relation, je ne veux pas emménager chez toi, ou chez une autre, je ne veux pas de ça, et tu le sais. Tu le savais depuis le début.
Oui, Marlène le savait depuis le début. Mais elle avait voulu, et cru, qu’Axel s’attacherait, et qu’au fur et à mesure, il accepterait d’être en couple, lui, celui que tout le monde prenait pour un ours, qui clamait haut et fort qu’il ne voulait pas de relation durable. Elle avait voulu être celle qui réussirait là où toutes les autres s’étaient cassé les dents ; la première à faire fléchir le beau célibataire, à dompter le lion sauvage, à sonder le mystère. Mais il était inflexible, indomptable et insondable.
Les larmes lui montèrent aux yeux et ses joues la