Accents de banlieue
216 pages
Français

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Accents de banlieue , livre ebook

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Description

Les propriétés phoniques des parlers des jeunes des quartiers urbains pluriethniques constituent un véritable stéréotype en français contemporain : l'accent dit "de banlieue" se reconnaît, s'imite, et fait la une. Quelles sont les caractéristiques prosodiques de ce français populaire héréditaire, influencé par le phonétisme des langues de l'immigration transmises oralement dans les quartiers ouvriers défavorisés des grandes villes françaises ? Quelle est la fonction sociale de ces indices phoniques ? Quels positionnements identitaires permettent-ils de signaler ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2010
Nombre de lectures 401
EAN13 9782296935860
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ACCENTS DE BANLIEUE

Aspects prosodiques du français populaire
en contact avec les langues de l’immigration
Espaces Discursifs

Collection dirigée par Thierry Bulot


La collection Espaces discursifs rend compte de la participation des discours (identitaires, épilinguistiques, professionnels…) à l’élaboration/représentation d’espaces – qu’ils soient sociaux, géographiques, symboliques, territorialisés, communautaires,… – où les pratiques langagières peuvent être révélatrices de modifications sociales.
Espace de discussion, la collection est ouverte à la diversité des terrains, des approches et des méthodologies, et concerne – au-delà du seul espace francophone – autant les langues régionales que les vernaculaires urbains, les langues minorées que celles engagées dans un processus de reconnaissance ; elle vaut également pour les diverses variétés d’une même langue quand chacune d’elles donne lieu à un discours identitaire ; elle s’intéresse plus largement encore aux faits relevant de l’évaluation sociale de la diversité linguistique.


Derniers ouvrages parus

Philippe BLANCHET et Daniel Coste (Dir.), Regards critiques sur la notion d’ « interculturalité » . Pour une didactique de la pluralité linguistique , 2010.
Montserrat Benítez FERNANDEZ, Jan Jaap de RUITER, Youssef TAMER, Développement du plurilinguisme. Le cas de la ville d’Agadir , 2010.
Françoise DUFOUR, De l’idéologie coloniale à celle du développement , 2010.
Bernhard PÖLL et Elmar SCHAFROTH, Normes et hybridation linguistiques en francophonie , 2009.
Eric FORLOT, L’anglais et le plurilinguisme. Pour une didactique des contacts et des passerelles linguistiques , 2009.
Pierre BERTONCINI, Le tag en Corse. Analyse d’une pratique clandestine , 2009.
Rada TIRVASSEN, La langue maternelle et l’école dans l’Océan indien. Comores , Madagascar , Maurice , Réunion , Seychelles , 2009.
Zsuzsanna FAGYAL


ACCENTS DE BANLIEUE

Aspects prosodiques du français populaire
en contact avec les langues de l’immigration

Préface de Françoise Gadet
Du même auteur :

Fagyal, Zsuzsanna, Kibbee, Douglas, Jenkins Frederic, 2006, French: A Linguistic Introduction , Cambridge, Cambridge University Press.

Arregi, K., Fagyal, Zs., Montrul, S., A., Tremblay, A., (éds.), 2010, Interactions in Romance: Selected papers from the 38th Linguistic Symposium on Romance Languages (LSRL) , Amsterdam, Philadelphia, John Benjamins.


En couverture : photos d’un immeuble de la Cité Inter (à gauche) et d’une affiche publique à la Courneuve invitant à une fête du Ramadan à Argenteuil (prises par l’auteur)


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12516-2
EAN : 9782296125162

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
P REFACE {1}
Un livre de plus sur les jeunes de banlieues, et sur leur façon de parler ? Est-ce que, en supposant admis que la « langue des jeunes » ne constitue pas un sujet inintéressant pour la science, on ne sait pas déjà à peu près tout ce qu’il y a à savoir, étant donné le nombre de descriptions déjà disponibles, qu’elles soient constituées selon des points de vue ethnographiques, anecdotiques, techniques (par exemple sur le verlan), catastrophistes, sensationnalistes, médiatiques … De fait, non. Et n’imaginons pas trop vite qu’on ne fera que retrouver dans le livre de Zsuzsanna Fagyal ce dont on est déjà lassé d’avance, à force de l’avoir vu ressassé par les médias, et parfois même par les linguistes.
Plusieurs aspects rendent ce livre original et instructif Mais ce que je noterai avant tout comme le faisant sortir du lot, car cela va à contre-courant de pratiquement l’ensemble de la pensée sur la langue et en particulier sur la langue française, c’est le rôle du contact des langues. On savait bien, au moins depuis les travaux d’Anthony Lodge (1993, 2004), à quel point le contact avec d’autres langues a été une constante de l’histoire de la langue française ; et certainement de l’histoire de toute langue, d’ailleurs, comme le montre Salikoko Mufwene (2005). Et c’est justement là que le français se singularise : il n’est exceptionnel ni par son essence, ni par son destin, même si ceux qui en ont écrit l’histoire ont longtemps aimé à le parer de l’image d’une langue au destin unique (travers que Lodge avait d’ailleurs épinglé jusque dans la plupart des Histoires de la langue française, à côté d’une forte tendance au téléologisme). Exceptionnel, il ne l’est que par la façon dont cette histoire a été reconstruite puis racontée, comme le montre Bernard Cerquiglini (2007) : une langue, dont il apparaît à un tel point politiquement important de dissimuler les origines, pas particulièrement prestigieuses (c’est-à-dire, tout d’abord dans la bouche du peuple, comme pour la plupart des langues), que les linguistes, se faisant sur ce point les complices du pouvoir dans les Etats-nations européens, ont fabriqué de toutes pièces des origines mythiques, mais qui leur apparaissaient plus glorieuses.
Et le rapport entre le contact dans l’histoire de la langue et les jeunes de banlieues {2} ? La thèse défendue par ZsF, appuyée sur de solides analyses de phonétique acoustique, c’est l’effet indirect sur ce qu’on appelle « accent des banlieues » du contact avec les « langues d’héritage » d’Afrique du Nord les plus répandues en France lors des dernières grandes vagues d’immigration d’après-guerre. Que la plupart des jeunes ne le parlent pas, ou pas bien (l’arabe, le berbère et le portugais par exemple n’étant pas beaucoup mieux transmis aux générations suivantes que l’ensemble des langues de France autres que le français, qu’elles soient régionales ou « de l’immigration » {3} ), n’empêche pas qu’ils y aient affaire : c’est en quoi d’ailleurs le terme de « langue d’héritage » est particulièrement heureux, à côté de toutes les formulations maladroites que l’on connaît. La France est en effet celui des pays européens qui a, depuis le plus longtemps (le dernier quart du 19 e siècle), et le plus fortement à l’échelle de sa population, bénéficié de constants apports d’une immigration externe {4} .
Mais alors, pourquoi est-ce que les linguistes, dont il ne devrait pas être inimaginable de supposer que c’est l’une des fonctions que d’assurer un observatoire de la langue telle qu’elle se parle, sont à ce point aveugles (ou plutôt sourds) à l’émergence de nouvelles « façons de parler » ? Ce qui rappelle tous les cas dans lesquels un phénomène linguistique ou langagier a pu demeurer invisible, ou plutôt invisibilisé, jusqu’à ce que les conditions soient là pour qu’il soit perçu, puis désigné, puis nommé, au point de devenir une évidence. C’est que les linguistes n’ont pas su, au moins sur ce point, se distinguer des usagers ordinaires des langues. Ils croient tellement à l’existence des langues comme entités, bien distinctes les unes des autres, qu’ils en ont négligé la réalité des pratiques des locuteurs, qui ne confortent nullement leurs découpages, sans doute parce que les locuteurs, quant à eux, sont plus sensibles à la réussite de la communication qu’à l’imperméabilité de frontières, réelles ou supposées, entre les idiomes. Partout et constamment, il y a (et il y a certainement toujours eu) émergence de formes de langues hybrides, qui se stabilisent ou non, se pérennisent ou non… question d’histoire et de conditions écologiques. Ce pour quoi Salikoko Mufwene (2005) rappelle qu’il n’a pas été besoin d’attendre la globalisation pour que ce phénomène se manifeste, mais qu’il s’agit tout simplement de l’éternelle continuation d’une constante de l’histoire de l’humanité : l’interaction, le contact et les influences réciproques. Ce dont certains linguistes ont pris acte en constituant la discipline de la linguistique du contact {5} , et pour une fois la France n’est pas trop en retard sur les Anglo-Saxons.
Cependant, ‘influence’ n’est certainement pas à comprendre ni comme emprunt, ni comme calque, ni

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