Profession latiniste
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Profession latiniste , livre ebook

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Description

Dans l’imaginaire collectif, le latiniste est un érudit qui travaille exclusivement à la littérature religieuse et mystique du Moyen Âge. Bien que cette représentation ne soit pas tout à fait erronée, comment comprendre, toutefois, que l’auteure d’Harry Potter ait décidé de faire traduire les sept volumes de la série en latin et même en grec ancien? De la traduction à l’usage moderne du latin, cet essai nous dévoile les facettes inconnues et fascinantes de ce métier.
Jean-François Cottier est professeur au Département des littératures de langue française et directeur du Centre d’études médiévales de l’Université de Montréal.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 mai 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760625785
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JEAN-FRANÇOIS COTTIER


Professionlatiniste




Les Presses de l’Université de Montréal
La collection


Quel est le rôle, dans la Cité, des chercheurs, des intellectuels,des professeurs, des universitaires en général ? Qui sont-ils etque font-ils exactement ? Quel a été leur parcours intellectuel ?La Collection « Profession » répond à ces questions.

Directeur de collection : Benoît Melançon

Autres titres disponibles au 1 er novembre 2010 :


www.pum.umontreal.ca
Copyright

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archivesnationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Cottier, Jean-François
Profession, latiniste
(Profession)
Comprend des réf. bibliogr.

ISBN  978-2-7606-2097-1
ISBN  978-2-7606-2578-5 (ePub)

1. Spécialistes de lettres classiques. 2. Latin (Langue) - Québec(Province.) I. Titre. II. Titre : Latiniste. III. Collection : Profession(Montréal, Québec).

pa99.c672008 470.023 c2008-941819-0

Dépôt légal : 3 e trimestre 2008
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2008 ; 2010 pour
la version ePub.

Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programmed’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pourleurs activités d’édition.
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutienfinancier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Pour Béatrice,
Amicæ amicus
Introduction


Rosa rosa rosam
Rosæ rosæ rosa
Rosæ rosæ rosas
Rosarum rosis rosis
C’est le plus vieux tango du monde
Celui que les têtes blondes
Ânonnent comme une ronde
En apprenant leur latin…
Jacques Brel, « Rosa », 1962

S i on devait citer le titre d’un ouvrage qui a marquél’imaginaire collectif de ces dernières années, ilest probable que les sept volumes de la série HarryPotter emporteraient la palme. Quel rapport toutefoisentre Harry Potter et le latin ? Entre la littérature fantastique et l’Université ? Entre l’imaginaire et la philologie ? Beaucoup, en fait ! Et pas seulement parce queJ.K. Rowling a tenu à faire traduire ses ouvrages enlatin (1. Harrius Potter et Philosophi Lapis  ; 2. HarriusPotter et Camera secretorum ), et même en grec ancien( Areios Potèr kai è philosophou lithos )… D’abord, il ya tous les noms propres qui sont tirés directementdes légendes du monde classique et qui sont utilisésà bon escient : Argus (monstre à cent yeux) Rusardest le concierge-espion de Poudlard ; Rémus (frèrede Romulus et nourri comme lui par une louve)Lupin ( lupus, i  : le loup) est un loup-garou ; Severus Rogue, maître des potions, est bien sûr… sévère ;Rubeus (rouge) Hagrid est roux et possède un caractère difficile ; Albus (blanc) Dumbeldore est le sagedirecteur de l’école à la longue barbe blanche… Lesanimaux fantastiques comme le Basilic, la Chimèreou le Phénix pullulent, et le nom latin des sortilègesdit leur pouvoir : doloris (de douleur), imperium (devolonté), fidelitas (pour cacher un secret dans unepersonne fidèle). On trouve aussi des devises latines àtous les coins de porte et des mots de passe ou des formules magiques qui sont autant de locutions latines.L’auteur a même poussé l’invention verbale jusqu’àcréer des mots-valises latins comme animagus  —sorcier capable de se transformer en animal ( animal-magus ) — ou médicomage  — médecin-magicien( medicus-magus ).
Mais l’intérêt de cette série pour mon propos estailleurs et touche sans doute plus directement le cœurde ma réflexion. L’univers qui est décrit dans HarryPotter oppose symboliquement deux mondes : celuides moldus , braves bourgeois qui ont leur télévisionpour seul horizon et qui ressemblent à s’y méprendre à la middle-class idéale du libéralisme ambiant,et celui des sorciers et de leur école placé sous le signed’une culture classique devenue occulte. Le monde« réel » ne la comprend plus et tout ce qu’elle véhicule est devenu de facto invisible aux non-initiés.« Faites du latin, pas du marketing », pourrait être lamorale d’une histoire qui ravit les lecteurs jeunes etmoins jeunes par le message libérateur qu’elle véhicule. C’est aussi un peu l’idée générale de ce petitlivre qui voudrait non seulement présenter la profession de latiniste, mais qui aimerait aussi rappelerl’apport intellectuel et culturel de cette langue rangéetrop vite, voilà près de quarante ans, au rayon desvieilleries inutiles.
En 1962, Jacques Brel chantait «  Rosa, rosa, rosam  »en évoquant l’école et les années d’enfance qui pourtous alors étaient placées sous le signe du latin. Maisce « tango des bons Pères et des forts en thème » étaitaussi le cauchemar des « forts en rien » et le symboleredouté de deux institutions, l’Église et l’École, quivoyaient leurs bases ébranlées par les bouleversements des années 1960. Le concile Vatican II d’unepart, Mai 68 et la Révolution tranquille d’autre partmarquèrent en effet un tournant décisif pour lemonde occidental, et en particulier pour la Franceet pour le Québec où, au nom de la modernisation, lelatin quitta à la fois les autels et les salles de classe. En1968, les Lois Edgar-Faure supprimèrent l’enseignement du latin au début du secondaire au cri de « Àbas le latin ! » ; à la même époque, le latin disparut del’enseignement secondaire public québécois.
Et pourtant le latin a été parlé et utilisé sans discontinuer pendant vingt siècles, pourtant il a donnédes œuvres littéraires majeures, pourtant il a servid’instrument de communication à des penseursaussi importants que Cicéron, Sénèque, Augustin,Boèce, Anselme, Abélard, Thomas d’Aquin,Pétrarque, Érasme, Thomas More, Bacon, Descartes,Spinoza… C’est encore en latin qu’une très grandepartie des documents médiévaux et modernes nousa été transmise, en latin que la première histoire duCanada fut composée au XVII e siècle et en latin toujours que Rimbaud composa quelques vers fameux.De nos jours, le latin est utilisé en France commeoutil pédagogique dans des classes difficiles et ilconnaît un nouveau souffle dans les écoles suisses,belges et même étasuniennes. Il existe des groupesde discussion en latin, des sites Internet qui lui sontentièrement dévolus. C’est dans cette langue que lesbotanistes classent les plantes et les zoologues, les animaux (ainsi le grizzli s’appelle de son nom scientifique ursus ursus horribilis  !), dans cette langue quela radio finlandaise émet chaque semaine un bulletinde nouvelles ( Nuntii Latini ). C’est elle encore qui inspire souvent publicitaires et grands communicateursd’aujourd’hui : si Fiat, Volvo ou Astra sont autant demots latin, ce n’est pas tout à fait un hasard. Le latinlangue de culture et d’éducation mais langue de pubaussi : difficile de faire l’impasse sur un tel héritage,et il n’y a d’ailleurs pas beaucoup de latinistes sanstravail ! Ce petit livre n’a pas d’autre ambition que deprésenter sous différents éclairages le sujet et l’objetde cette belle et trop rare profession. Il a été relu eta bénéficié des remarques de mes amis et collèguesPierre Bonnechere, Hélène Leclerc, Florence Dupont,Maxime Pierre et Benoît Melançon ; qu’ils en soientici chaleureusement remerciés.
1

Comment peut-on être latiniste ?




« Ah ! ah ! Monsieur est Persan ?
C’est une chose bien extraordinaire !
Comment peut-on être Persan ? »

Montesquieu, Lettres persanes , 1721, lettre XXX



I nvité, il y a quelques mois, à un dîner chic où secôtoyaient le monde diplomatique et celui desarts et du théâtre, je fus interrogé par mon hôte, avecun sourire vaguement inquiet, sur la nature exactede mes occupations universitaires : « J’ai dit à tout lemonde que vous étiez latiniste, mais j’ai dû me tromper, plus personne n’apprend le latin n’est-ce pas ? »Habitué à cette incrédulité de plus en plus généralisée, et ayant pris depuis longtemps le parti d’ensourire pour mieux la confondre, je confirmai à monhôte, embarrassé jusqu’à la rougeur, que j’étais bienlatiniste, que c’était ma profession et que, contrairement aux idées reçues, le latin s’enseignait toujours.D’abord pour lui-même, parce qu’on a écrit et penséen latin pendant vingt siècles et que la littératurelatine classique, médiévale et moderne représentedes centaines d’auteurs et des milliers de pages, maisaussi dans le cadre des études d’histoire, de philosophie ou de littérature, puisqu’en Occident tout ce qui a pu être considéré comme important à une certaine époque a d’abord été publié dans la langue deCicéron et d’Érasme.
Devenu, par ces seuls mots, aussi étrange auxautres invités que les Persans de Montesquieu auxParisiens du XVIII e siècle, il me semblait entendre leursmurmures : « Ah ! ah ! Monsieur est latiniste ? c’est unechose bien extraordinaire ! Comment peut-on êtrelatiniste ? » Circonstance aggravante, je n’avais rien,moi, d’ admirable dans ma physionomie : ni la délicateonctuosité d’un vieil ecclésiastique érudit, ni la raideur glaciale d’un philologue compassé. Rien ne permettait à mes interlocuteurs de m’identifier à l’idéequ’ils se faisaient du représentant forcément désuetd’une culture oubliée… et quelque peu suspecte !Une fois l’effet de surprise passé, on me demandaalors d’expliquer mon métier de latiniste et son utilité, ainsi que l’itinéraire qui m’avait conduit à venirenseigner au Québec la langue et la littérature latines.


Humanités gréco-latines

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