Enseignement religieux ou histoire des religions ?
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Description

Suisse, canton du Tessin. Au début des années 2000, deux initiatives parlementaires ont proposé le dépassement des enseignements religieux confessionnels dans l’école publique au profit d’un enseignement d’Histoire des religions, laïque et destiné à la totalité du public scolaire. Le processus de réforme, loin d’être paisible et linéaire, a rencontré tout au long de son chemin des écueils de nature politique, pédagogique et idéologique. Mais plutôt que se focaliser sur le discours des institutions ou des factions politiques et religieuses, la recherche ici présentée a comme but principal de décrire et de comprendre comment les acteurs impliqués dans l’implantation pratique de l’enseignement d’Histoire des religions se réapproprient les indications et les prescriptions institutionnelles. Comment enseignants, élèves, parents et cadres scolaires se représentent-ils un projet de réforme qui touche au coeur du rapport entre État et religions et qui est susceptible de réanimer un débat vieux de deux siècles ? Quel est le sens qu’un tel réagencement institutionnel prend au niveau des établissements, des salles de classe et des familles des jeunes élèves ? Ce travail montre comment différentes logiques d’action se côtoient, se superposent et se contredisent. Ces différentes logiques sont à mettre en rapport avec les hésitations de l’État et les difficultés qu’il a rencontrées dans sa tentative de redéfinir son rôle par rapport au domaine du religieux dans l’école et dans la société.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889303489
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2021
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
 
ISBN papier : 978-2-88930-346-5
ISBN EPUB : 978-2-88930-348-9
 
DOI : 10.33055/ALPHIL.03156
 
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
Ce livre a été publié avec le soutien de la Repubblica e Cantone Ticino / Aiuto federale per la lingua e la cultura italiana.
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Illustration de couverture : © iStock
 
Responsable d’édition : François Lapeyronie


Introduction
D epuis que la place des enseignements religieux fait l’objet de débats dans le monde scolaire et politique, différentes étiquettes qui prétendent qualifier les objectifs et la nature des matières d’enseignement ont été utilisées : histoire des religions, culture religieuse, dimension religieuse de la culture, dimension historique de la religion, fait(s) religieux (E STIVALÈZES , 2005b). Ces termes ne sont pas neutres et s’accompagnent souvent de conceptions contrastées de l’espace que les religions devraient occuper ou non dans les plans d’études des différents ordres scolaires. On entendra ainsi parler soit de compétences religieuses , soit de compétences en matière de faits religieux . Alors que les premières traduisent une certaine ambiguïté quant à la place des enseignements de contenu religieux et à leur rapport avec le monde confessionnel, les secondes s’arriment plus clairement au monde des sciences humaines (F RANK , U EHLINGER , 2009). C’est précisément cette place que nous souhaitons interroger en focalisant le regard sur un projet et sur un processus de réforme des enseignements religieux au niveau de l’école obligatoire en Suisse. L’expérience que nous étudierons, et qui concerne l’école secondaire inférieure du canton du Tessin, se caractérise par le fait de privilégier, parmi les différentes options possibles, une étiquette qui, plus que les autres, laisse entrevoir la distance entre une approche scientifique et une approche confessionnelle des religions. Il s’agit notamment de l’expression histoire des religions , intitulé qui désigne un enseignement censé se substituer aux cours traditionnels d’instruction religieuse pensés et gérés par les Églises. Le choix de l’intitulé, nous le verrons tout au long de cet ouvrage, n’est qu’une composante de l’enseignement et ne permet que de manière marginale de décrire les caractéristiques d’un curriculum dont les facettes et les contradictions sont complexes et multiples.
Avant de nous plonger dans le vif du sujet, une première considération introductive nous paraît essentielle : il n’est pas possible d’essayer d’étudier la place des enseignements en matière de religions indépendamment des questionnements et des logiques qui se croisent et se disputent dans la quête de légitimité institutionnelle. Concrètement, il ne suffit pas de limiter les réflexions et les analyses à l’apparence des programmes des nouveaux enseignements sur les religions ; il convient aussi de se demander ce que cela signifie au niveau des représentations des différents acteurs sociaux impliqués. En fait, ces représentations variées, multiples et contradictoires, cohabitent dans un monde où le passage apparemment linéaire du religieux au séculier ne représente que la surface des choses. Cela peut paraître banal mais il est important d’aborder la thématique avec un regard ouvert, en ne se limitant pas aux procédés les plus strictement didactiques ou contingents à la vie des établissements scolaires. Le poids symbolique de la dimension religieuse dans l’histoire de l’école publique moderne n’est pas négligeable ; il n’est pas sans conséquences sur les tentatives et sur les processus plus ou moins récents de redéfinition des enseignements de contenu religieux. Au niveau sociohistorique, le statut du religieux dans l’École relève dans les faits d’un imaginaire sociopolitique qui est lui-même constitutif de la genèse et du développement des États-nations modernes. C’est ainsi que, traditionnellement, les pays dans lesquels la religion représente un élément central de la construction identitaire nationale ont adopté un agencement institutionnel de l’éducation religieuse très différent des pays qui, au contraire, se sont développés sur la base de luttes très fortes entre les tenants d’une conception universaliste et les tenants d’une conception substantialiste de la nation (P ORTIER , 2006). L’Allemagne et la France constituent de ce point de vue deux cas exemplaires. La première, après la Seconde Guerre mondiale, a reconnu dans les confessions chrétiennes dominantes le rôle de conservatoire d’une éthique de la résistance durant la période nazie. La seconde s’est engagée, dès le début du XX e  siècle, à dissocier identité religieuse et identité nationale, cette séparation devant marquer le point de départ de la constitution d’individus citoyens libres et émancipés des particularismes et des superstitions. Or, l’imaginaire sociopolitique, dont la place du religieux dans les écoles est sans doute tributaire, varie non seulement dans l’espace d’un pays à l’autre ou d’une région à l’autre mais aussi dans le temps en interrogeant plus ou moins profondément les agencements institutionnels de l’État.
En 2002, en l’espace de huit mois, deux initiatives parlementaires ont réactualisé un débat qui, au moins depuis la deuxième moitié du XIX e  siècle, échauffe les esprits tessinois avec une certaine régularité : quelle place faut-il accorder à l’enseignement des religions dans l’école du canton ? Concrètement, les textes parlementaires ont mis en discussion l’article 23 de la Loi de l’école actuellement en vigueur dans le canton du Tessin et qui définit les contours des enseignements religieux selon les principes suivants 1  :
–les enseignements religieux catholiques et protestants sont proposés à titre facultatif dans les écoles obligatoires et post-obligatoires de plein exercice ;
–la désignation du personnel enseignant, la définition des programmes scolaires ainsi que le choix des matériaux didactiques sont de la compétence des autorités ecclésiastiques ;
–le contrôle administratif est de la compétence des autorités scolaires et le salaire des enseignants de Religion 2 est à la charge de l’État.
Ce type d’aménagement didactique et institutionnel repose sur un compromis politique entre l’État et l’Église qui s’est consolidé tout au long de l’histoire scolaire du canton. Quelques éléments fondamentaux y figurent. Premièrement, l’État donne la possibilité d’exercer dans les écoles aux deux Églises officielles seulement, c’est-à-dire l’Église catholique et l’Église protestante. Deuxièmement, d’après la Constitution fédérale – plus précisément son article 15 – les enseignements religieux ne peuvent être que facultatifs. Dans le cas particulier du Tessin, les autorités scolaires sont chargées de recueillir les inscriptions des élèves et de leurs familles au début de chaque année scolaire 3 . Troisièmement, les Églises bénéficient du contrôle didactique alors que l’État prend en charge l’administration et assure les salaires des enseignants 4 .
Nous aurons l’occasion de montrer, au fil de cet ouvrage, comment cette répartition des pouvoirs entre l’État et les Églises profite notamment à ces dernières en leur permettant de légitimer et de justifier l’action conduite dans les écoles : l’Église exerce dans l’École sur le fondement d’une autorisation pédagogique de l’État. Paradoxalement, on pourrait dire que la présence des Églises dans l’école devient légitime parce que c’est l’État lui-même qui la certifie. Cet équilibre est devenu précaire du fait de divers facteurs qui agissent au niveau social et culturel d’abord et qui ont ensuite des répercussions très concrètes au niveau des établissements scolaires et de l’organisation des cours d’instruction religieuse. Si, par exempl

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