Entre Europe et Russie
230 pages
Français

Entre Europe et Russie , livre ebook

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230 pages
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Description

Le livre est consacré à la construction d'une identité nationale biélorusse véhiculée à travers l'enseignement scolaire de l'histoire. La Biélorussie, qui se trouve à la frontière entre l'Europe et la Russie, a mis des siècles pour élaborer sa matrice identitaire. Le livre analyse les péripéties, les changements et les réécritures de manuels scolaires durant la période soviétique, la Perestroïka et la période actuelle, qui marque un retour à l'héritage soviétique. Voici un apport à la connaissance des questions théoriques liées à la construction identitaire et au rôle du système éducatif dans ce processus.

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Publié par
Date de parution 01 juillet 2016
Nombre de lectures 7
EAN13 9782140013577
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

qu’ils sont un véritable miroir où la nation et son histoire se reflètent.
se trouve à la frontière entre l’Europe et la Russie a mis des siècles
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« sans analogue » - la Commission d’Etat de contrôle de la rédaction
Analyser le reflet de l’identité nationale dans le miroir des manuels
des questions théoriques liées à la construction identitaire et au rôle du système éducatif et en particulier des manuels scolaires dans ce
Europe. Source : Ministère des Affaires étrangères
Collection Manuels scolaires et sociétés
AnnaZADORA
ENTRE EUROPE ET RUSSIE La Biélorussie des manuels scolaires
Entre Europe et Russie
Manuels scolaires et sociétés Collection dirigée par Michèle Verdelhan-Bourgade La collection est dédiée aux études sur les manuels scolaires, champ d’études riche et diversifié, porteur depuis longtemps de recherches réputées comme de débats publics souvent passionnés. Différents domaines scientifiques contribuent aux travaux sur les manuels : histoire, didactique, sciences du langage, sociologie, anthropologie, religion, genre, biologie… Toutes les disciplines scolaires sont concernées, car elles comportent toutes des manuels, vecteur d’enseignement le plus répandu : français, histoire et géographie, langues, biologie, sciences physiques, mathématiques, philosophie, économie, arts, agriculture et même éducation physique et sportive ou travaux manuels ! La collection accueille des études sur les manuels de différents pays, en et hors Europe, selon un éventail large d’approches : sociologique, anthropologique, historique, didactique, économique… La publication est contrôlée par un comité scientifique international. Ouvrages parus MAURER Bruno, VERDELHAN Michèle, DENIMAL Amandine,Migrants et migrations dans les manuels scolaires en Méditerranée, 2016. GLEYSE Jacques. 2010.Le verbe et la chair. Un siècle de bréviaires de la République. Une archéologie du corps dans les manuels scolaires français de morale et d’hygiène (1880-1974). 270 p. GROULEZ Michel. 2011.Les Juifs dans les manuels scolaires en France. 266 p. MORAND Brigitte. 2011.Cinquante ans de guerre froide. Le conflit Est-Ouest raconté par les manuels scolaires français. 294 p. DENIMAL Amandine, DIABATE Arouna, VERDELHAN BOURGADE Michèle (coord.). 2011.Manuels et altérités dans l’espace méditerranéen. Enjeux institutionnels et linguistiques. 286 p. BOUTAN Pierre, MAURER Bruno, REMAOUN Hassan (coord.). 2012.La Méditerranée des Méditerranéens à travers leurs manuels scolaires.298 p.
Anna ZADORA
Entre Europe et RussieLa Biélorussie des manuels scolaires
© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris www.harmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-09337-6 EAN : 9782343093376
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Chapitre introductif Le paradoxe de l'identité La difficulté d’analyse des questions identitaires relève de la multitude d’interprétations théoriques accordées au terme d’identité par les chercheurs. 1 Claude Dubar a comparé l’identité à un « mot-valise " sur lequel chacun projette ses croyances, ses humeurs et ses positions. La pluralité de définitions, souvent sous-tendues par des impératifs idéologiques, jette un flou sur les concepts théoriques, et ceci d’autant plus que les approches méthodologiques divergent. La définition de l’identité est largement tributaire de la mobilisation des marqueurs identitaires et d’investissement de sens engendrés par les élites. Pourtant, il faut reconnaître que l’efficacité sociale des stratégies identitaires déployées par les élites ne peut pas être définie d’une manière univoque. Cette efficacité est fonction du contexte social et des trajectoires biogra-phiques des acteurs sociaux. Il ne suffit pas de produire un récit identitaire et de le véhiculer pour garantir l’adhésion à un projet identitaire. En d’autres termes, il ne suffit pas de rédiger un manuel d’histoire présentant une conception de l’identité nationale, pour que la jeune génération assimile cette vision de l’identité. Il est incontestable que l’analyse du processus social et culturel de construction identitaire nous conduit à nous concentrer sur les stratégies déployées à l’intérieur du groupe, mais nous ne devons pas négliger l’aspect interactif de ce phénomène. Les auteurs s’accordent pour admettre qu’une identité, qu’elle soit personnelle ou nationale, est façonnée en interaction, en opposition structurelle à un « autrui » souvent différent. En mobilisant la théorie de Norbert Elias sur la construction de l’Etat moderne, nous pouvons avancer l’idée que parmi les deux vecteurs phares de cette construction étatique distingués par l’auteur, à savoir, le monopole fiscal et militaire, c’est l’unification militaire qui fait référence au besoin d’un « autre » différent, d’un ennemi extérieur pour délimiter les frontières et les bases de l’unification intérieure. Les concepts « identité » et « nation » - sont utilisés ainsi pour analyser et décrire des phénomènes complexes qui ne font pas l’unanimité parmi les théoriciens, les praticiens de la politique et l’opinion publique. 1 DUBAR, Claude,La crise des identités, Paris, PUF, 2000, p. 7.
L’identité ne peut pas être considérée comme une qualité intrinsèque, ni comme une définition stable d’un phénomène précis et homogène, mais comme un processus dynamique. Notre hypothèse est que la nation est un résultat d’un processus social de construction identitaire, et en cela soumis à des variations importantes. Nous mettrons donc en évidence l’aspect 2 dynamique de ce processus, de cet « être en évolution » souligné par 3 4 plusieurs auteurs tels que M. Mauss, D. Fabre , A.-M. Thiesse … Cette approche nous amène à considérer les stratégies identitaires engagées par les acteurs principaux dans le dessein de définir la communauté nationale, d’instaurer un contrôle sur la production de l’imaginaire national et sa traduction dans les récits, les mythes et les symboles. Ainsi, l’identité est-elle toujours plurielle et multiple, car les groupes auxquels l’individu se rapporte sont nombreux, d’où la multiplicité de catégories dans lesquelles l’identité se décline : identité familiale, profes-sionnelle, religieuse, sociale, nationale, etc. Dans cette optique, l’identité personnelle nous intéresse en tant qu’ensemble de caractéristiques permettant à l’individu de demeurer identique à soi-même, permettant de le 5 reconnaître et assurant l’équilibre de la personne . Pour un individu, comme pour un groupe, l’identité est un cadre stabilisateur majeur indispensable pour son fonctionnement, son unité et sa pérennité. Comme le souligne Pierre Ansart, en définissant le processus social d’identification : « l’identification est un processus qui favorise l’unité d’un groupe et entraîne 6 les sujets à se conformer aux valeurs communes ». Gérard Noiriel définit l’identification comme « un processus émergeant des interactions sociales et des pratiques collectives ». Progressivement, l’identification est devenue 7 « une affaire d’Etat, un travail réalisé par les institutions publiques ». La nation constitue la principale communauté d’appartenance pour des millions d’individus, mais « répartis sur un vaste territoire, la plupart d’entre eux ne 8 se connaissent pas », ce qui implique la nécessité de recourir à des 9 techniques d’identification « à distance », monopolisées par le pouvoir.
2 MAUSS, Marcel,Œuvres,tome 3, Paris, Minuit, 1969, p. 584. 3 FABRE, Daniel,L’Europe entre cultures et nations, Paris, MSH, 1996, p. 108. 4ème ème  THIESSE, Anne-Marie,La création des identités nationales. L’Europe XVIII -XX siècles, Paris, Seuil, 1999, p. 14. 5  DUBAR, Claude,Socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin, 1991, p. 46. 6 AKOUN, André et ANSART, Pierre (dirs.), " Identification ", inDictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert, Seuil, 1999, p. 263. 7  NOIRIEL Gérard (éd.),L’identification. Genèse d’un travail d’Etat,Belin, 2007, Paris, p.78. 8 Ibid., p. 58. 9 Ibid., p. 5.
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Le pouvoir politique tend à mettre en place des politiques visant à créer et à promouvoir une identité nationale, car l’identité devient un important instrument permettant de tracer les frontières de la communauté, de la délimiter par rapport aux « autres », de tisser des liens sociaux, de produire un sentiment de communauté et de loyauté, de répandre des valeurs, des symboles et des traditions communs. La politique identitaire est importante non seulement en raison de son rôle stabilisateur, mais surtout en raison de son rôle légitimateur de l’unité nationale et de l’Etat. Cet aspect revêt une importance particulière pour les cas où la construction stato-nationale est récente après un changement politique, une sécession, une indépendance ou bien lorsque cette construction comporte des particularités. Il existe un lien entre les différentes identités d’une même personne. E. Kedourie écrivait « une bonne personne est une personne autonome », et une des voies de réalisation de cette autonomie est l’autodétermination 10 personnelle qui devient aux yeux de l’auteur « le bien politique suprême ». D. Miller soulignait également que l’identité nationale est « une source 11 active de l’identité personnelle ». En transposant l’idée de l’importance de l’autodétermination et de la conscience de soi du niveau personnel à la nation, nous nous référons à Max Weber qui a défini cette conscience de soi comme caractéristique essentielle de la nation, ce qui la distingue des autres 12 groupes ou communautés .
Les questions identitaires et nationales : entre oubli et essor Pendant longtemps, la question de l’identité et de l’histoire nationale n’avait qu’une place modeste dans le répertoire des questions traitées par les pères-fondateurs de la sociologie, malgré l’intérêt et l’enjeu qu’elle présente. Un des auteurs incontournables sur les questions nationales, B. Anderson, affirme qu’«à la différence des autres–ismes le nationalisme n’a pas 13 engendré « « ses » grands penseurs ». Meme si les questions identitaires ont préoccupé les théoriciens du XIXème siècle, comme E. Renan, ce n’est qu’à partir des années 1950-1970, qu’un nombre important de théories consacrées à cette problématique a vu le jour, prioritairement dans les pays anglo-ème saxons. De fait, les événements du XX siècle, comme la décolonisation, l’écroulement de l’empire soviétique et le démantèlement de l’ex-Yougoslavie ont marqué un « retour des nations ». Les phénomènes de 10 KEDOURIE, Elie,Nationalism, London, Hutchinson, 1960, p. 29. 11 MILLER, David,Citizenship and National Identity, Oxford, Blackwell, 2000, p. 27, 31. 12  HUTCHINSON, John, SMITH, Anthony,Nationalism, Oxford University Press, 1994, p. 16. 13 ère  ANDERSON, Benedict,L’imaginaire national, Paris, La Découverte, 1996, (I édition 1983), p. 18.
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migration, les conflits, les luttes et les revendications ethniques, les phénomènes qualifiés de « terrorisme » ont accentué la charge politique des phénomènes identitaires et leur importance. Ces transformations ont révélé aux sociologues « l’urgence et la prégnance d’un enjeu qu’ils dédaignaient, tout comme le caractère incomplet et insatisfaisant des paradigmes à leur 14 disposition ». Pour cette raison, les concepts de nation et d’identité connaissent depuis le début des années 1980 un net regain d’intérêt chez les chercheurs. Il est incontestable qu’à l’heure actuelle, la problématique de l’identité et de la nation préoccupe les chercheurs de différentes aires géographiques. Le terme d’identité, employé à propos de crises, de conflits et de questions migratoires fleurit abondamment dans les écrits et les commentaires oraux des hommes politiques et des chercheurs en science politique. L’identité est devenue un sujet d’actualité et une source de controverses en raison de ses utilisations politiques. L’exemple français de la création d’un ministère chargé de l’identité nationale en 2007, le grand débat ouvert en 2009 sur la question identitaire et les protestations que ce débat a suscitées, témoignent de la difficulté de cerner l’identité nationale et de l’importance de cet objet politisé et mal identifié. La difficulté de définition de l’identité nationale repose, entre autres, sur son caractère tranchant et double, car la nation est une notion se rapportant à un groupe, et l’identité est un attribut, une action, une prise de position relevant de la sphère privée. Les enjeux politiques inhérents à l’identité nationale, ainsi que ses utilisations politiques dans le but de légitimer certaines prises de position, compliquent la tâche d’une analyse sinon neutre, au moins dégagée de la conjoncture politique. De nos jours, les questions nationales, les questions identitaires et le problème de l’écriture du passé, qui est la référence majeure de la construction nationale, sont des sujets d’actualité. ème Une des illustrations du retour des nations au cours du XX siècle est l’éclatement du monolithe imaginaire de la nation soviétique qui a cédé la place aux nationalismes et qui traduit les efforts de ces régimes pour se défaire de l’emprise de Moscou et pour revendiquer une histoire indépendante. L’internationalisme prôné par les communistes soviétiques et leurs tentatives d’étouffer toute démarcation nationale n’ont pas abouti, comme le souligne Dominique Colas : « l’histoire du communisme est une 15 histoire des résistances au communisme », ce que la force et l’ampleur des contestations nationalistes des années 1980-1990 prouvent. Les Républiques
14 BIRNBAUM, Pierre (dir.),Sociologies des nationalismesp. 1-2., Paris, PUF, 1997, 15 COLAS, Dominique (dir.),L’Europe post-communiste, Paris, PUF, 2002, p. 39.
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16 de l’Asie centrale ont revendiqué leur « turcité ». Le Turkménistan commémore officiellement la victoire des Turkmènes en 1879 contre la Russie tsariste à Gok-Tepe et veut construire un musée sur le site de la 17 bataille . Les pays baltes ont pu dévoiler la vérité sur les modalités de leur annexion à l’U.R.S.S. et sur le régime soviétique, qualifié « d’occupation 18 soviétique ». La capitale lettone a construit un Musée de l’occupation de 1940-1991 où le pouvoir soviétique de 1940 jusqu’à 1991, hormis la période de l’occupation nazie durant la Seconde Guerre mondiale, est qualifié d’occupation sans ambiguïté. Même les Républiques slaves, les plus proches de la Russie du point de vue ethnique et historique, l’Ukraine et la Biélorussie, ont commencé à prendre leurs distances par rapport à Moscou. La réécriture de l’histoire de toutes les républiques postsoviétiques comporte des caractéristiques communes. Tous les nouveaux Etats ont commencé à remanier leurs histoires en cherchant ou en créant l’histoire et la langue la plus ancienne et la plus glorieuse possible, en mettant un accent sur l’étendue du territoire historique de leur peuple, en fabriquant un « siècle d’or » et ses héros. A ce propos, Henry Rousso écrivait : « la période communiste se trouve ainsi fréquemment abordée en termes d’invasion, d’occupation ou de colonisation, actes perpétrés par autant d’assassins de la 19 nation ». Pour les histoires des républiques naissantes, la Russie a joué le rôle de « l’autre » dont une identité a besoin pour s’affirmer, elle est également devenue l’ennemi et l’adversaire « commode » à qui on pouvait attribuer toutes les erreurs et tous les échecs. Dans tous les pays postsoviétiques, tout contact avec la Russie et les Russes au cours de l’histoire a été décrit comme une catastrophe, les Russes ont été qualifiés d’envahisseurs, tous les partages territoriaux, qu’il s’agisse d’unions ou d’annexions, étaient décrits en termes extrêmement négatifs. Les éléments positifs apportés par l’annexion au sein de l’Empire russe ou de l’U.R.S.S. (modernisation administrative, accès à l’infrastructure de l’économie d’un grand empire) ont été passés sous silence. D’après le rapport des chercheurs russes qui ont étudié les manuels
16  UHRES, Johann, " Ethnogenèse et turcité. Conception de l’origine dans les manuels scolaires des Républiques centrasiatiques turcophones ",Cahier d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turc-iranien,31, janvier-juin 2001, p. 57. 17  AKBARZADEH, Shahram, "National identity and political legitimacy in Turkmenistan", Nationalities Papers, Vol. 27, No. 2, 1999, p. 273. 18  AHONEN, Sirkka, " Programmes postcommunistes d’enseignement de l’histoire : les cas de l’Estonie et de l’Allemagne de l’Est ", inDétournements de l’histoire, Symposium " Face aux détournements de l’histoire ", Oslo, 28-30 juin 1999, Strasbourg, Editions du Conseil de l’Europe, 2000, p. 71. 19 ROUSSO, Henry (dir.),Stalinisme et nazisme : histoire et mémoire comparées, Bruxelles, Editions Complex, 1999, p. 210.
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