Le précepteur francophone en Europe
464 pages
Français

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Le précepteur francophone en Europe , livre ebook

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Description

Une équipe internationale d'historiens explore ici l'engouement des élites européennes pour les éducateurs francophones. Parmi les questions étudiées dans ce volume les modèles culturels transmis par ces « mercenaires de l'éducation », leur rôle dans la diffusion des idées pédagogiques de Rousseau en Europe, l'éducation des héritiers des trônes, la part des femmes parmi ces éducateurs, le jeu des images que les précepteurs et leurs sociétés d'accueil se renvoient... Le panorama européen est complété par une étude approfondie d'un cas de figure, peut-être le plus intéressant, celui de la Russie

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2013
Nombre de lectures 6
EAN13 9782336321608
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Educations et Sociétés
Collection dirigée par Louis Marmoz
La collection Educations et Sociétés propose des ouvrages, nés de recherches ou de pratiques théorisées, qui aident à mieux comprendre le rôle de l’éducation dans la construction, le maintien et le dépassement des sociétés. Si certaines aires géographiques, riches en mises en cause et en propositions, l’Afrique subsaharienne, l’Europe du Sud et le Brésil, sont privilégiées, la collection n’est pas fermée à l’étude des autres régions, dans ce qu’elle apporte un progrès à l’analyse des relations entre l’action des différentes formes d’éducation et l’évolution des sociétés.
Pour servir cet objectif de mise en commun de connaissances, les ouvrages publiés présentent des analyses de situations nationales, des travaux sur la liaison éducation-développement, des lectures politiques de l’éducation et des propositions de méthodes de recherche qui font progresser le travail critique sur l’éducation, donc, sans doute, l’éducation elle-même...

Dernières parutions

Gilles BOUDINET, Deleuze et l’anti-pédagogue, Vers une esthétique de l’éducation , 2012.
Salé HAGAM, Le développement de l’éducation en Afrique subsaharienne , 2012.
Guy BERGER et Augustin MUTUALE, Conversations sur l’éducation. S’autoriser à éduquer , 2012.
Gaston MIALARET, Pour l’éducation. Recueil de quelques textes significatifs sur les aspects actuels, souvent méconnus, de l’éducation , 2012.
Rose-Marie BOUVET, Pôle Emploi et les chômeurs. Une ethnographie de l’intérieur , 2012.
Georges BERTIN et Danielle RAUZY, Pour une autre politique culturelle. Institution et développement , 2011.
Copyright
© L’Harmattan, 2013
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub: 978-2-336-67169-7
INTRODUCTION
Daniel Roche a écrit que, dans la vie culturelle du XVIII e siècle, la figure du précepteur était partout 1 . Cette assertion est vraie aussi pour le XIX e siècle, du moins pour certaines zones culturelles. Au XVIII e siècle, les précepteurs formaient un groupe socio-culturel si important quantitativement que même les éditeurs et les libraires devaient en tenir compte 2 . Les élites européennes avaient systématiquement recours à ces « mercenaires de l’éducation ». On ne peut pas comprendre la formation, l’évolution, la culture de ces élites – les Kulturträger de l’Europe – sans étudier ceux qui les éduquaient et le processus même de cette éducation.
Les auteurs des études réunies dans ce volume se sont intéressés en particulier à la figure du précepteur francophone. Pourquoi parler seulement des précepteurs issus de France, des régions francophones de Suisse, ou des Pays-Bas français ? D’une part, le précepteur francophone était un « article d’exportation » très recherché en Europe pendant le siècle des Lumières. D’autre part, ces précepteurs ne véhiculaient pas les mêmes valeurs que les précepteurs germanophones issus de pays allemands ou les éducateurs britanniques qui commençaient peu à peu à faire de la concurrence aux Français sur le marché des services éducatifs.
Dans beaucoup de pays européens, aux XVIII e et XIX e siècles, l’image du précepteur français a été l’objet de l’attention des journalistes et des littérateurs. La Russie est à cet égard un bon exemple du danger que peut représenter une réception peu critique des avis des contemporains. Les littérateurs russes se sont attachés à former une image essentiellement négative des éducateurs et enseignants français 3 . On aimait à rabaisser le précepteur français en parlant de ce qu’il avait fait avant d’embrasser le métier d’éducateur. Celui que l’écrivain et journaliste russe Nikolaï Novikov a nommé à dessein le chevalier de Mensonge, avait été cuisinier et « friseur » avant de s’occuper de l’éducation des enfants nobles 4 . Plusieurs personnages des œuvres d’Ivan Krylov, de Denis Fonvizine et plus tard d’Alexandre Pouchkine sont des précepteurs français qui sont d’habitude marqués par des tares diverses et variées : insouciance, « légèreté propre aux Français », absence de connaissances solides... Ils cèdent le pas aux éducateurs allemands jugés plus sérieux. Les Français ne sont pas seulement superficiels, ils sont souvent moralement flétris alors que, pour l’éthique des Lumières russes, une moralité irréprochable prime même sur les compétences de l’enseignant 5 . On constate la même tendance au noircissement chez les mémorialistes. Sergueï Glinka en Russie et le comte Franz Joseph Kinsky en Bohême soulignent les défauts des éducateurs français ou sanctionnent ceux qui recourent aveuglément à leurs services 6 . Vers la fin du siècle des Lumières, selon une opinion largement répandue, dans les hautes classes, en Russie comme partout ailleurs en Europe, « l’éducation a fait disparoître l’ empreinte nationale » 7 .
Ce portrait négatif du précepteur français mériterait d’autant plus un examen méticuleux qu’il apparaît à une époque où le sentiment national se développe dans les différents pays européens. Ce processus inclut habituellement la construction des images de l’ennemi 8 . L’éducateur français occupe dans cette galerie une place de choix quoique peu remarquée jusqu’à présent 9 . Selon un avis qui se répandait de plus en plus, l’éducateur étranger ne pouvait pas et ne voulait pas inspirer à ses élèves l’amour de leur patrie, ce qui suffisait pour le ranger dans la catégorie des ennemis. L’image négative des précepteurs français était renforcée par la gallophobie qui se développait dans les sociétés européennes : l’expansion culturelle de la France dans l’Europe des Lumières devenait une cible commode 10 .
Le stéréotype du précepteur sans talent, voire un ennemi caché de la nation qui l’a accueilli, passait de la littérature mémorielle et de la fiction vers les recherches historiques. Les historiens, dans leur grande majorité, se référaient aux mêmes sources, par exemple au témoignage du diplomate français de La Messelière, qui décrit ainsi ses impressions à l’arrivée à Saint-Pétersbourg :

Nous fûmes étonnés et affligés de trouver chez beaucoup de grands Seigneurs des déserteurs, des banqueroutiers, des libertins, et beaucoup de femmes du même genre, qui, par la prévention que l’on a en faveur des Français, étaient chargés de l’éducation des enfans de la plus grande importance 11 .

Cette citation est reprise dans beaucoup de travaux qui abordent la question de l’éducation 12 . Citons un des solides historiens de l’éducation en Russie :

L’éducation dans les familles comme dans les pensionnats était peu satisfaisante. Bien sûr, pour une famille habitant en province il était non seulement difficile, mais simplement impossible d’engager de bons professeurs. […] Selon le secrétaire de l’ambassade de France La Messelière (dont les mémoires sur son séjour en Russie se rapportent aux années 1756-1759), la plupart des Français et Françaises venant en masse à l’ambassade et travaillant comme éducateurs en Russie, étaient des déserteurs, des banqueroutiers et des débauchés des deux sexes qui s’étaient enfuits de France où ils avaient été poursuivis par la police 13 .

En Russie, après la révolution bolchevique, les études sur l’éducation privée – qui était surtout le privilège des élites – ont été compliquées par une nouvelle situation idéologique : la science historique se mettait de plus en plus au service du nouveau régime. La recherche sur la culture des élites a été pour longtemps remplacée par celle sur les « classes exploitées ». Dans une histoire collective de l’éducation en Russie, l’ouvrage de référence en la matière, les historiens soviétiques n’ont consacré à l’éducation privée qu’une demi-page 14 ! La disproportion est surtout criante pour le XVIII e siècle car l’éducation privée jouait alors en Russie un rôle de loin plus important que le système d’éducation publique qui était dans les limbes. En Allemagne, la figure du précepteur a joui d’une plus grande attention, mais la littérature mémorielle a aussi été pendant longtemps l’une des sources privilégiées de cette historiographie 15 . La tendance à baser les études sur l’éducation privée sur des témoignages mémo

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