Mère Teresa
111 pages
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Mère Teresa , livre ebook

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Description

Inde, 1946. Dans le petit train qui grimpe jusqu’à Darjeeling, mère Teresa prie. Elle confie sa vie à Jésus, l’Époux, l’éternel compagnon de voyage. Et soudain…
Soudain la prière devient dialogue. Ce n’est plus la religieuse qui parle au Christ, c’est le Christ qui lui parle.
Le Verbe se fait voix. Voix claire qui s’adresse à mère Teresa sans aucun doute possible. Voix réelle et incroyablement proche, car elle résonne dans l’âme sans passer par le canal de l’oreille.
– Ma toute petite, porte-moi jusque dans les trous des pauvres. Sois ma lumière ! Va parmi eux, porte-moi avec toi en eux. J’ai soif ! Il faut tout quitter de ta vie actuelle. Je veux un ordre de religieuses capables de faire briller ma lumière jusqu’au fond des bustees. Des religieuses indiennes, vêtues comme des Indiennes, capables de rejoindre les pauvres là où ils sont.
– Je le ferai, mon Jésus.
Les lèvres de la religieuse n’articulent pas ses paroles intérieures ; aucun de ses voisins ne se doutera jamais d’avoir assisté à une scène extraordinaire. Mère Teresa, pourtant ébranlée, ne s’étonne même pas du naturel avec lequel elle répond au Christ. Trente-six ans de familiarité avec lui l’ont si bien préparée à ce dialogue !


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 septembre 2012
Nombre de lectures 39
EAN13 9782728917624
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

I
La nuit est plus noire que l’océan, ou peut-être est-ce le contraire. Dans cette obscurité totale, derrière ses yeux fermés, Gonxha a le regard ouvert sur une clarté parfaite. Elle est prosternée au bout du pont désert et prie de toute son âme, la tête au creux des genoux.

« La ténèbre n’est pas ténèbre devant toi, la nuit comme le jour est lumière. »

Le ronronnement des machines, devenu familier depuis trois semaines que le bateau a pris la mer, trouble à peine la pureté du silence. Et ce silence n’est pas vide puisque Dieu l’habite : son souffle plane sur l’océan depuis la création du monde. Ce soir, Gonxha ne dit rien, ne demande rien, ne récite aucune prière apprise. Elle prête seulement l’oreille à cette nuit emplie de Dieu.

Soudain, une porte s’ouvre par-derrière, laissant échapper un flot de musique et de lumière. Elle se rabat aussitôt mais le silence ne revient pas, chassé par la voix avinée d’un matelot :
– Champagne ! Champagne pour l’homme de quart ! Il est où cet animal ?
Des pas lourds traînent sur le pont. L’homme titube et Gonxha sourit pour elle-même :
– S’il fait boire l’homme de quart, le bateau aussi va se mettre à zigzaguer !

Un choc l’étourdit brusquement, suivi par le fracas d’une chute et l’explosion d’une bouteille brisée en mille morceaux.
– Qui est le f… marin d’eau douce qui a laissé traîner un paquet de cordages ? tempête le matelot.
– Je suis désolée, murmure Gonxha. Vous avez trébuché sur moi.
Elle s’est déjà relevée, l’homme aussi. Ahuri, il toise cette minuscule silhouette qui lui arrive à peine au-dessus du coude.
– Qu’est-ce que tu fais dehors recroquevillée par terre ? Tu es malade ? Rentre vite à l’intérieur, tes parents vont s’inquiéter.

Gonxha sourit.
– On ne dirait peut-être pas, mais j’ai dix-neuf ans et je voyage sans ma famille.
Le matelot émet un sifflement.
– Et moi qui vous prenais pour la poupée de ma petite sœur ! Mais c’est vrai que vous avez un joli minois, et de beaux yeux avec ça, ils brillent même dans la nuit… Venez donc danser avec moi. Ça se fête, une nouvelle année ! Faut pas rester toute seule, ma belle !
– Merci, je ne peux pas. Je suis postulante… Future religieuse, fiancée à Dieu, vous comprenez ?

Un silence, puis l’homme reprend d’une voix dégrisée :
– Non, je comprends pas, je comprendrai jamais. Et vous allez où comme ça ?
– En Inde. Les sœurs de Lorette tiennent des écoles là-bas, je vais y enseigner dès que j’aurai prononcé mes vœux. Ce sera sans doute à Calcutta ou à Darjeeling, je ne sais pas encore.
– Alors vous avez laissé en Europe votre famille et les cinquante petits gars qui rêvaient sûrement de vous épouser ? Tout ça pour faire la maîtresse d’école sous les tropiques ?
– Tout ça pour servir Dieu, répond Gonxha avec un sourire espiègle. Tout ça pour accomplir un rêve que j’ai depuis l’âge de douze ans : celui d’être missionnaire.
– Pour moi, les filles qui ont des rêves pareils, faudrait les enfermer.
Gonxha éclate d’un rire limpide :
– Remarquez, c’est un peu ce qu’on va faire avec moi ! Une fois dans mon couvent, je n’en sortirai pas beaucoup.
– Vous avez de l’humour en plus ! Quel gâchis, nom de… Hum ! Pardon, ma sœur, et bonne année quand même.

Restée seule, Gonxha essaie de lire sa montre dans l’obscurité. Inutile : un coup de feu, un tintement de cloche, des cris de joie et d’excitation lui apprennent qu’il est minuit. L’an 1929 vient de commencer.
« Jésus, cette année sera plus neuve pour moi que toutes les autres. Reste avec moi – rassure-moi – si tu es avec moi en Inde je ne m’y sentirai pas étrangère. Et maintenant, il faut que j’aille me coucher.

Gonxha dort depuis longtemps déjà lorsqu’un rêve la ramène là-bas, en Macédoine ; un rêve qui hante ses nuits depuis dix ans. Il commence, comme à chaque fois, par une cavalcade qui se rapproche à travers Skopje endormi. Le pouls de Gonxha se met à galoper plus vite que ces chevaux imaginaires. Elle connaît trop bien la scène ; elle sait déjà ce que va faire le passager du fiacre en arrivant devant la maison familiale. Il cogne à la porte, et le cœur d’une petite Gonxha de huit ans répond à ces coups violents en tambourinant encore plus fort.
– Madame Bojaxhiu ? Ouvrez-moi. Je suis le consul d’Italie.
La voix est affolée. Drana Bojaxhiu ne fait pas attendre le visiteur, son visage inquiet paraît sur le seuil.
– Madame, je ramène votre mari. Nous étions ensemble à Belgrade pour la réunion politique que vous savez et il… Pardonnez-moi, je suis bouleversé.
Drana se précipite dans le fiacre, Gonxha sur ses talons. Les coussins rouges de la voiture encadrent un visage blême et grimaçant de douleur.
– Papa ! hurle Gonxha.
– Nikola, qu’est-ce que tu as ? murmure Drana.
Derrière, le consul balbutie :
– Votre mari, comme beaucoup d’honnêtes gens de Skopje, souhaitait… enfin, souhaite… le rattachement du Kosovo à l’Albanie. C’est une cause qui ne plaît pas au gouvernement, là-haut.
– Et alors ? coupe Drana.
– Je pense, sans preuves naturellement, qu’il a été empoisonné…

Un cri étouffé accueille la nouvelle et raccroche Gonxha au présent : les cauchemars, même quand ils rejouent la réalité, s’arrêtent là où commence l’inacceptable. Une voix douce s’élève dans la couchette du dessus :
– Bad dream, Gonxha ? demande dans un mauvais anglais Betika, l’autre postulante de Lorette.
– Yes . Je pensais à la mort de mon père, répond Gonxha en s’autorisant quelques mots de serbo-croate.
Les deux filles ont la consigne de ne parler qu’anglais entre elles pour apprivoiser la langue de leurs futures élèves. Pendant leur séjour de six semaines en Irlande, dans la maison mère des sœurs de Lorette, elles ont appris les premiers mots d’anglais : le perfectionnement se fera maintenant par une pratique intensive ! Mais si Gonxha se plie volontiers à cette discipline, peut-elle évoquer l’assassinat de son père autrement que dans son dialecte natal ?
– Pray to God, répond Betika.

Prier, oui, c’est une bonne idée. Mais cette fois, les yeux de Gonxha scrutent le noir sans rencontrer la Lumière. Nuit noire. Chagrin noir. Idées noires. Vêtements à jamais noirs de Drana. Fumée noire d’un train qui s’en va, laissant sur le quai une mère et une sœur en larmes. Trois mois plus tard, la déchirure de la séparation est encore fraîche.
– Maman, Aga, et toi, Lazare, mon grand frère chéri… Pardon de vous avoir abandonnés.

Une phrase familière se glisse dans l’esprit de Gonxha, au cœur de sa solitude : « Il fut transfiguré devant eux, son visage brilla comme le soleil, et ses vêtements resplendirent comme la lumière. »
– Jésus, je t’offre tout ce noir. Toi seul pourras le transformer en lumière.

La vie à bord se poursuit, chaque journée ressemblant à la précédente. Le temps s’étire, rythmé par les promenades sur le pont et la récitation des offices du jour, que Betika et Gonxha ont calés sur les horaires des repas. Les psaumes changent plus souvent que le menu, composé d’éternelles pommes de terre pour les passagers de la dernière classe. Les deux jeunes filles ont du mal à noyer cette monotonie dans la prière. Il leur tarde d’arriver, de quitter enfin cet entre-deux-vies que représente le bateau.

Quelques jours plus tard, voici enfin l’Inde, avec une première escale sur l’île de Ceylan.
À l’approche du port, les deux Macédoniennes écarquillent les yeux devant la végétation luxuriante qu’elles n’ont encore jamais vue, devant cette foule bigarrée qui déambule sur le quai en cherchant l’ombre des palmiers. Au coup de sifflet du maître d’équipage, dix coolies vêtus d’un simple pagne se précipitent au bord du dock pour recevoir les amarres lancées par les matelots. Gonxha les regarde faire avec émotion. C’est comme s’ils l’arrimaient, elle, à ce continent indien où elle vient offrir sa vie à Dieu.
– On va faire un tour, Betika ?
&

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