2105, mémoire interdite
218 pages
Français

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2105, mémoire interdite , livre ebook

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Français

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Description

En 2105, deux classes sociales existent : les privilégiés - qui à l'adolescence reçoivent un sérum leur permettant de vivre 400 ans - et les ordinaires. Une fois par an, un grand concours est organisé pour permettre à des ados ordinaires de recevoir le précieux sérum. Les épreuves portent sur leurs capacités cérébrales. La jeune So décide de participer, mais des événements incroyables vont lui faire comprendre qu'une bactérie révélatrice de souvenirs de 2015 est nichée dans son cerveau. Et certains sont prêts à tout pour connaître ses souvenirs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 novembre 2020
Nombre de lectures 48
EAN13 9782733891834
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© 2020, éditions Auzou
24-32 rue des Amandiers, 75020 Paris – France
 
Tous droits réservés pour tous pays.Loi n o  49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinéesà la jeunesse, modifiée par la loi n o  2011-525 du 17 mai 2011.
 
Correction : Catherine Rigal, Maxime Gillio
Dessin : Invader © weberjake/shutterstock.com
 
Dépôt légal : février 2020
 
Imprimé en Serbie
Produit conçu et fabriqué sous système de managementde la qualité certifié AFAQ ISO 9001.
 


 
 

AUZOU
 

Pour Geneviève, Georgette et Mimi, mes héroïnes.
Et pour Nina bien sûr, ils sont tous pour toi.
 
On est toujours chez soi dans son passé.
Vladimir Nabokov, Autres Rivages
 
Être en vie, c’est avoir une histoire à raconter.
Daniel Mendelsohn, Les Disparus
 
Nous voici hardiment déjà lancés sur lesabîmes ; et bientôt nous serons perdus au milieu desinfinitudes qui ne connaissent ni havre ni rivage.
Herman Melville, Moby Dick
 
PREMIÈRE PARTIE
Chapitre 1
Briss a basculé son siège en position allongée et elles’est endormie. Elle a plongé dans le sommeil avec douceur. Comme tout ce qu’elle fait. Comme si rien n’étaitjamais contraire ou difficile. Sa bouche fait des petits mouvements de succion, pareils à ceux des bébés. J’aimeraisdormir mais c’est impossible. Trop de pensées se bousculent dans ma tête.
« Il y a deux choses vraiment difficiles dans la vie, ditma mère : être libre et devenir soi-même. Le reste, tout lemonde y arrive. »
Je pense à ma mère depuis que nous sommes montéesdans le train. C’est la première fois que je lui mens. Un sentiment étrange, excitant et effrayant à la fois. L’impressionque je suis en train de faire exactement ce qu’il faut alorsque je désobéis, que je trahis.
Je crois profondément que tout ce que nous sommes,nous l’avons déjà été. C’est pourquoi j’espère qu’un jour,dans plusieurs années ou même plusieurs centaines d’années, quelqu’un lira mon récit et y trouvera de l’aide, ou du réconfort. Ou, tout simplement, des informations. Nousapprenons du passé. C’est pour cela que l’Étoile a scelléles archives. Ils ont bien trop peur que nous ne devenionsnous-mêmes et que nous soyons libres. Ça, ma mère n’oserait jamais le dire, mais ne vous y trompez pas, je suis trèsintelligente et je comprends beaucoup de choses par moi-même. Je le précise parce que depuis quelques mois, mesnotes ont chuté. Je ne comprends plus rien, je ne comprends même pas ce qu’on attend de moi et je suis passéede A à E en l’espace de quelques semaines. Pour ma mère,tout est la faute de mes hormones. Elle fait plein de blagues là-dessus. Elle dit que je me noie dans mes hormoneset qu’elle va m’envoyer une bouée. Que dans la lutte quioppose neurones contre hormones, mes neurones vontfinir par gagner. Je crois qu’elle se trompe. C’est plus graveque ça. Comme si un truc s’était déconnecté dans moncerveau, comme si je devais recréer un circuit pour accéderà certaines informations. On ne peut pas tout mettre sur ledos des hormones. Après tout, Briss aussi est tombée septfois amoureuse au cours des quatre derniers mois. Maispour Briss, la question ne se pose pas. Elle a A +.
Briss a menti à ses parents avec la plus grande désinvolture. Elle trouve ça normal . C’est normal, me direz-vous.Briss trouve TOUT normal . Briss est une Lasting, rang n o  2,autant dire que rien ne peut lui arriver. Ou presque. Ce quipeut lui arriver, c’est de me perdre, et comme elle n’est pasvraiment habituée aux contrariétés, ça risque de lui faire beaucoup de mal. Alors que moi je suis prête. Il y a longtemps que je me prépare.
La ligne 96 du TE (TE pour Trans Europa) traversedans un silence ouaté une forêt d’immeubles en verre, tousidentiques, faits de parois vitrées et de coursives reliantles bâtiments les uns aux autres. Parfois, je tourne la têtepour regarder le paysage, sauf qu’il n’y a pas vraiment depaysage. Depuis que nous avons quitté la gare de ViennaCentral, nous plongeons toujours plus profond au cœurde la banlieue. Des heures et des kilomètres de façadesvitrées, identiques et rassurantes, monotones et aseptisées.La pluie fine qui n’a pas cessé depuis dix-huit mois dévaleles parois opaques. Quand le train ralentit, je scrute cesbâtiments pour y chercher un peu de moi-même. C’estdans l’un de ces immeubles que je suis née, dans l’un de cesquartiers/ville, sans identité, sentant le propre et l’ennui.Mais je ne m’y retrouve pas. Moi, toute ma vie, j’ai rêvéde Paris. Sauf que ce Paris n’existe plus. Le Paris que jevoudrais connaître a disparu avec les Grandes Eaux. Je neverrai jamais ses ruelles sales et tortueuses, encombrées etvivantes.
« Tu exagères, dit toujours ma mère quand je lui parledu Paris que j’imagine. Ce n’était sans doute pas si sale queça. »
Mais pour moi, sale est un compliment. Sale et gris.
À vol d’oiseau, nous ne sommes pas très éloignées denotre destination. Mais l’itinéraire a été un peu compliqué par le mensonge que nous avons inventé pour brouiller lespistes. Nous avons pris un premier train vers le sud pourremonter ensuite nord, nord-est dans le dédale des correspondances. Depuis Berne, le train est un omnibus, il dessertchacune des stations de banlieue qui correspondent plusou moins aux anciennes grandes villes européennes. Celanous ralentit et égare mon esprit. Tous ces noms ont peuplé mon imagination d’enfant, ils parlent d’un monde quin’existe plus. Ce décalage, cet étirement spatio-temporelme plaît. Je savoure pleinement les sensations qu’il provoque en moi. L’action est ce qui m’intéresse le moins.J’aime anticiper, réfléchir, inventer, revenir en arrière. Aucollège, ma matière préférée, c’est Espace-Temps.
Notre train ralentit au moment où nous traversons unegare sans nous arrêter. J’essaie de savoir où nous sommes,mais la vitesse est encore trop importante pour me permettre de lire le nom inscrit sur les panneaux lumineux.Dehors, la nuit est tombée. Je regarde mon IA de poignet.Il est 17 h 30. Nous arriverons dans une demi-heure.
Briss ouvre un œil, et sa première pensée est pour laneige. Elle scrute le paysage de l’autre côté de la vitre,dans l’espoir d’y apercevoir un premier flocon. Commetoute la planète, mon amie suit l’évolution de la situation météo minute par minute sur sa tablette. Briss etmoi n’avons jamais connu la neige. Nos parents non plus.Nous sommes les enfants des Grandes Eaux, suivies d’unéternel printemps, parfois frais, souvent doux, toujours humide et monotone. Mais depuis dix-huit mois, grâceaux efforts conjugués des Cinq Branches, une pluie finetombe sans interruption, et maintenant, pour la premièrefois, la température devrait descendre en dessous de zéro.C’est un événement attendu mondialement. La questionest : les premières neiges tomberont-elles en Russie, enEurope ou de l’autre côté de l’Atlantique ? L’avion du pèrede Briss est prêt à affréter pour un départ immédiat, direction l’Alberta. Ils ont des cousins là-bas et veulent être auxpremières loges au cas où la neige choisirait l’autre continent pour faire son entrée. Moi aussi, je rêve de voir laneige. Mais pour tout dire, j’espère surtout qu’elle détournera l’attention de l’autre événement de l’année : le Slambde l’Étoile, responsable de la nausée qui ne me quitte pasdepuis quelques jours.
Je crois que jusqu’à présent, je ne m’étais pas renducompte à quel point je mourais de trouille. Je m’étais laisséeporter par l’aventure, appréciant le sentiment de liberté, detransgression, l’amour absolu de Briss. Mais là, j’ai peur.Tout simplement. Je sais que je vais échouer. Vu le résultatdu match neurones versus hormones, mes chances de réussite sont assez maigres. Briss sourit, s’étire comme un chat,remonte son siège en position assise. Elle voit à ma tête queje suis sur le point de vomir.
— Ça ne va pas ?
— J’ai peur.
— Peur de quoi ? demande-t-elle en bâillant.
— Peur… de ne pas y arriver.
— Pourquoi tu échouerais ?

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