Alice et Tara

Myriam Guibert

Description

Alice et Tara... Tara et Alice... L’une et l’autre sont liées par un fil imaginaire qui les guide inévitablement vers leurs destins. Alice puise sa force dans le courage de Tara qui, dirigée par la plume de sa créatrice, lui montre le chemin à suivre pour s’éveiller et s’ouvrir au monde. Tara, qui sans la plume de sa conscience, ne pourrait exister et mener son combat, attend patiemment le coucher du soleil pour se redresser et poursuivre sa quête.

Qu’importe leurs époques, les distances à parcourir ou les histoires à vivre, leurs âmes se rencontrent par-delà toutes les frontières. Au bout du sentier, l’espoir le plus fou guette peut-être, tapi dans l’ombre, l’arrivée de la lumière pour briller de mille feux.

Sujets

• Alta Normandía
• Upper Normandy
• Ireland
• Irlande
• Combat
• Amitié
• Étretat
• Fiction
• Normandie
• Littérature
• Haute-Normandie
• France
• Europe

Informations

• Publié par: Nombre7 Editions
• Date de parution: 19 mai 2023
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9782383515036
• Langue: Français

Extrait

Couverture
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Prologue
Alice se pencha au-dessus de la falaise pour observer en contrebas les vagues en colère qui, puissantes, s’écrasaient sur les rochers immobiles. Ces derniers disparaissaient pour réapparaître en pointant leurs arêtes saillantes et transpercer, sans faillir, les rouleaux qu’ils brisaient comme pour défendre leur territoire. Alice huma profondément l’air marin qui balaya vers l’arrière ses longs cheveux parsemés de fils blancs, offrant son visage soucieux à la violence des éléments. Les nuages lourds chargés de représailles se préparaient à un déchaînement sans retenue. Seule, au bout de ce monde en furie, elle se sentait unie à ce déferlement qui traduisait son état d’âme.
Elle se trouvait là, petite et insignifiante au milieu de la tempête qui faisait rage, tout autour d’elle, reflétant ainsi ce qu’elle ressentait au plus profond de son être. Une partie de son existence ressemblait à l’image de ce qu’elle voyait ce jour-là, ce qui l’amena à repenser à son mariage, bien des années plus tôt. Cette union, elle l’avait rêvée en imaginant le bonheur d’une vie à deux. À cette époque, elle avait accueilli celui qu’elle allait épouser avec confiance et gratitude. Il venait la sauver d’une existence dénuée de sens pour lui offrir un futur agréable… Un avenir qui la sortait d’une vie en errance et lui montrait, enfin, un chemin plein d’espoir. Dès lors, elle s’était projetée vers une destinée riche remplie d’aventures et de partage. La naissance de ses deux enfants y avait contribué, lui procurant la joie de découvrir la maternité. Elle se souvint avec délice du plaisir qu’elle ressentait lorsqu’elle caressait son ventre qui s’arrondissait au fil des mois. Le sentiment de porter la vie avait été à chaque fois une expérience unique et extraordinaire. Quand les petits corps invisibles, blottis dans leur cocon, lui donnaient des coups de pied ou bougeaient, elle chantonnait pour les calmer. Puis, à l’aide de la paume de sa main, elle effectuait une légère pression sur leurs fesses pour les obliger à changer de position. Pendant sa deuxième grossesse, lorsqu’Alice s’allongeait sur le dos, l’aîné s’amusait à mettre des jouets sur le ventre rond de sa mère, puis il attendait avec impatience que sa sœur remue pour les faire sauter et tomber. Les objets finissaient par rouler au sol sous ses yeux ébahis et joueurs. Il recommençait alors inlassablement, sous le regard attendri et débordant d’amour d’Alice. Cela avait été le début de leur plus beau jeu partagé.
Dix ans plus tard, cette vie paisible s’était écroulée avec fracas lorsque celui qui lui servait d’ancrage était parti brutalement rejoindre les anges. Seule avec ses enfants, Alice avait dû faire face à la tourmente qui avait fait voler en éclats tous ses repères et ceux de ses deux chérubins. Elle avait dû lutter et faire front au quotidien pour rester debout et trouver les solutions à tous les problèmes. Le plus dur avait été de subvenir aux besoins de la famille en privilégiant essentiellement ceux de ses gosses. Des années durant, elle n’avait pas pensé à elle, préférant voir dans leurs yeux la lueur de vie qui lui donnait un peu envie de vivre la sienne. Les années étaient passées, sans qu’elle prenne conscience à quel point elle avait fini par s’oublier. La réalité venait de la rattraper lorsqu’à force de grandir, l’un de ses enfants quitta le nid pour s’envoler à la découverte de sa propre existence. La solitude pointait son nez et frappait à la porte de la jeune femme pour lui tenir compagnie. Alice comprenait à quel point elle s’était abandonnée.
Après son veuvage, elle avait fait la connaissance de deux hommes avec qui elle avait partagé un bout de chemin. Malheureusement, ces rencontres destructrices pour son équilibre l’avaient inévitablement tirée vers le bas. Les mensonges et les non-dits avaient eu le dessus sur sa confiance à peine réapprivoisée. Celle-ci, mise à rude épreuve, avait petit à petit laissé place à la méfiance. La jeune femme ne supportait pas le manque de respect. Depuis cinq ans, elle vivait uniquement pour ses enfants, rejetant ce monde qui ne lui correspondait plus. Elle s’était recréée pour retrouver un sens à sa vie et fuir cet environnement qui lui paraissait hostile et malveillant.
Dès lors, elle avait trouvé le moyen de se soustraire à cette réalité en se plongeant dans l’écriture. Cela lui avait permis de s’évader dans un univers imaginaire, qu’elle maîtrisait et qui l’avait sauvée de bien des façons. À travers ces histoires elle avait eu l’occasion de vivre et d’exister différemment, de se livrer sans tabou et en toute liberté. La bulle dans laquelle elle s’enfermait de longues heures pour s’échapper était une solitude choisie et amicale… elle était sa confidente. Celle-ci lui avait apporté l’épanouissement et une profonde réflexion sur elle-même durant quelques années. Aujourd’hui, Alice avait fini par souhaiter un signe d’apaisement et de réconciliation avec le monde qui gravitait autour d’elle pour tenter d’y retrouver une place. Elle avait recréé une vie sociale pleine de surprises grâce à son travail d’hôtesse d’accueil.
À l’aube de ses cinquante ans, de nombreuses questions la taraudaient ! Avait-elle su saisir les mains tendues, ou bien au contraire avait-elle manqué de clairvoyance au point de ne rien voir ? Avait-elle manqué de courage et préféré se laisser aller plutôt que de faire confiance aux personnes qu’elle avait croisées sur son chemin ? Pouvait-elle, aujourd’hui, baisser la garde et s’abandonner dans les bras de celui qui l’attendait et lui proposait une vie agréable ? N’était-il pas trop tard pour cela ?
Comme pour l’obliger à prendre une décision, l’orage éclata violemment. La zébrure d’un éclair déchira le ciel dans une décharge électrique, qui se refléta sur la mer. Alice agrippa de ses deux mains glacées la rambarde en bois qui bordait la Manneporte et s’y cramponna de toutes ses forces, pour ne pas être soulevée dans les airs. Son anorak se gonfla subitement et la puissance du vent la déséquilibra. À genoux dans l’herbe détrempée elle observa l’aiguille, imperturbable au milieu de ce déchaînement, alors que les vagues agitées de la Manche la frappaient inlassablement avec force.
Garder le cap encore et encore… Voilà le message que cette magnifique aiguille majestueuse et immobile à l’écart des falaises de craies de la côte d’Albâtre semblait crier à Alice. Toujours garder le cap envers et contre tout !
Qu’importait la pluie qui l’inondait et le froid qui s’immisçait en elle… Elle resta là, arrimée comme un fardeau, pour ne pas partir à la dérive. En contrebas de la paroi protestaient les silex arrondis et polis par le temps d’être ainsi malmenés par les vagues. Elles les remuaient sans ménagement, dans un bruit de roulement de tambour. Ballotés au gré des envies de la mer, ils semblaient avoir su lâcher prise et se laissaient aller. Partir et revenir, encore et encore… sans jamais disparaître.
Quel tournant devait-elle donner aujourd’hui à sa vie ? Quelle décision devait-elle prendre ?
Elle avait toujours trouvé en ce lieu magique qu’était Étretat les réponses à ses questions et la force d’avancer.
Elle inspira profondément et pria les éléments de la guider encore une fois…
Chapitre 1
Alice leva les yeux au ciel en regardant sa collègue qui lui répondit en haussant les épaules d’un air désolé. Cette dernière lui signifia de la main de garder son calme, face au déferlement colérique du client mécontent qui crachait son mépris à travers le combiné du téléphone. Une erreur d’enregistrement concernant sa réservation à l’hôtel le mettait dans tous ses états. Alice avait beau lui proposer une solution alternative, rien n’y faisait, il exigeait la chambre qu’il avait demandée et non pas celle qu’elle lui suggérait en dédommagement, malgré la qualité supérieure de celle-ci.
Subir ce genre de désagrément faisait partie de son travail de réceptionniste. Heureusement, les clients satisfaits représentaient la majorité des touristes qui venaient en vacances dans la région. Planté sur les hauteurs d’Étretat, l’hôtel Le Ravelyn offrait un cadre splendide avec vue sur la mer et la ville. Son immense parc verdoyant était un cadeau de quiétude à tous les amoureux de la nature et des grands espaces. Alice travaillait dans cet établissement quatre étoiles depuis cinq ans et avait sympathisé rapidement avec sa collègue Carole. Les propriétaires, d’origine irlandaise, étaient des personnes chaleureuses qui géraient leur équipe avec beaucoup de professionnalisme et de bienveillance, leur accordant toute leur confiance. Ainsi, chacun accomplissait ses tâches dans le respect de l’autre. Les conflits entre les différents services existaient, mais se réglaient en général facilement.
Alice écarta le combiné de son oreille en feu et jeta un coup d’œil à sa montre, laissant l’homme vociférer seul en attendant qu’il se calme. Elle soupira en se rendant compte que l’heure de l’arrivée du bus scolaire approchait et pensa à ses deux enfants qu’elle allait devoir récupérer, espérant ne pas les faire patienter sous la pluie. Surprise de ne plus entendre de son sortir de l’appareil, elle tenta une autre tactique, se demandant si le client avait raccroché.
— Puis-je vous rappeler demain, Monsieur ? Cela va me laisser le temps de voir ce que je peux faire pour vous satisfaire.
Agacé, ce dernier lui accorda d’une voix lasse ce délai, comme si sa colère l’avait vidé de toute énergie. Alice reposa le combiné, soulagée de ne plus avoir affai