55
pages
Français
Ebooks
2017
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
55
pages
Français
Ebook
2017
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
01 novembre 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9782764435267
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Publié par
Date de parution
01 novembre 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9782764435267
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
De la même auteure
ROMANS
Oscar De Profundis , Héliotrope, 2016.
La Ballade d’Ali Baba , Héliotrope, 2014. • Finaliste au Prix littéraire des collégiens 2015
Les Derniers Jours de Smokey Nelson , Héliotrope, 2011. • Finaliste au Prix littéraire des collégiens 2012 • Prix Jacques-Cartier
Omaha Beach (théâtre) , Héliotrope, 2008.
Le Ciel de Bay City , Héliotrope, 2008. • Lauréat du Prix littéraire des collégiens 2009 et du Prix des libraires du Québec • Grand Prix de la Ville de Montréal 2008
Fleurs de crachat , Leméac, 2005.
Ventriloquies (essai-récit), en collaboration avec Martine Delvaux, Leméac, 2003.
Ça va aller , Leméac, 2002 ; nouvelle édition, Bibliothèque québécoise, 2013.
Deuils cannibales et mélancoliques , Éditions Trois, 2000 ; nouvelle édition, Héliotrope, 2009.
ESSAIS
Ce que dit l’écorce , en collaboration avec Nicolas Lévesque, Nota bene, 2014.
Diamanda Galás. Guerrière et gorgone , Héliotrope, 2014.
L’éternité en accéléré , Héliotrope, 2010.
Un certain genre malgré tout. Pour une réflexion sur la différence sexuelle à l’œuvre dans l’écriture , en collaboration avec Patrick Poirier, Nota bene, 2006.
« Duras aruspice » dans Sublime, forcément sublime Christine V. de Marguerite Duras, Héliotrope, 2006.
Condamner à mort. Le meurtre et la loi à l’écran , Presses de l’Université de Montréal, 2005. • Finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général 2006 • Prix Spirale Eva-Le-Grand 2005-2006 • Prix Victor-Barbeau 2006
La Francophonie sans frontière. Une nouvelle cartographie de l’imaginaire au féminin , dir., en collaboration avec Lucie Lequin, L’Harmattan, 2001.
La mauvaise langue , Champ Vallon, 1996.
Projet dirigé par Danielle Laurin, directrice littéraire
Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Marquis Interscript
Révision linguistique : Isabelle Pauzé
En couverture : Photographie, gracieuseté de Catherine Mavrikakis
Conversion en ePub : Nicolas Ménard
Québec Amérique 7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d'édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L'an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l'art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d'impôt pour l'édition de livres – Gestion SODEC.
L’auteur tient à remercier le Conseil des arts et des lettres du Québec pour son soutien financier.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Mavrikakis, Catherine Ce qui restera (Trois)
ISBN 978-2-7644-3524-3 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3525-0 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3526-7 (ePub)
I. Titre.
PS8576.A857C4 2017 C843’.6 C2017-941346-5 PS9576.A857C4 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique.com
À Jean-Michel Théroux, qui trouve toujours les mots pour me dire.
Qu’il lui reste toujours à s’affranchir de l’obscure sauvagerie de son enfance en en effectuant la promesse, c’est précisément la condition de l’homme.
J.-F. Lyotard, L’inhumain
L’avant-premier souvenir
Au tout début, il y aurait l’avant-premier souvenir. Celui dont je ne me souviens pas, celui que je n’ai en quelque sorte pas vécu. Celui des limbes de l’existence, celui de la préhistoire de soi, celui que la famille, les proches, les parents ont fini par donner comme la répétition générale de la vie. Ce souvenir-là, rêvé par les autres, créé par la rumeur sur cette personne que l’on sera forme une sorte de prédestination, une parole-Tirésias qui, sans le vouloir peut-être, décide de la vie qui viendra.
Au tout début, il y a ces mots proférés au-dessus du berceau ou du ventre gros de la mère. On lance des sorts à celle qui verra le jour, on lui concocte un avenir, on la prédestine aux plus hautes tâches, à la gloire, à la renommée ou encore à pas grand-chose. Dans les contes, Riquet à la houppe ou La Belle au bois dormant , les fées marraines se penchent sur le front du nouveau-né pour lui prodiguer de l’esprit, du courage ou de la beauté. Qu’elles soient sept, onze, douze ou trois, les fées ont le pouvoir de créer l’avenir d’un enfant. Elles se présentent comme les grandes narratrices d’une existence déjà toute tracée. Elles décident des voies du destin, des chemins qui seront empruntés dans la vie.
Si la vieille Carabosse, qui n’a pas été invitée à la fête pour la petite princesse, apparaît durant les grandes célébrations du royaume et s’écrie : « La fille du roi, dans sa quinzième année, se piquera à un fuseau et tombera morte », on doit comprendre qu’un souhait de mort peut être formulé dès la naissance des enfants, dans les entrailles de la mère, ou avant même leur conception. La bonne fée qui n’a pas encore formulé son souhait envers le bébé royal aura beau rectifier, en se précipitant, tout affolée, pour rendre le sort moins dangereux ainsi : « Ce ne sera pas une mort véritable, seulement un sommeil de cent années dans lequel sera plongée la fille du roi », le mal est fait. L’enfant a déjà en quelque sorte un avenir tout tracé. Le sort en est jeté. Et comment le combattre ?
Je nais le 7 janvier 1961, à Chicago, aux États-Unis, dans le comté de Cook. Je nais prédestinée à ma mort à trente-six ans. Mon père, qui n’assiste pas à ma naissance, mais qui viendra brièvement de Montréal dans les jours qui suivent ma venue au monde, jouera très intuitivement et avec brio la fée Carabosse au-dessus de mon berceau. Pourquoi me veut-il tant de mal ? Il a refusé de venir assister à l’accouchement de ma mère, mais il arrive à temps pour me nommer Catherine, Catherine Mavrikakis, en écho au nom de sa mère morte à trente-six ans, d’une longue maladie, en laissant trois enfants seuls, avec un père marin perdu quelque part dans les sept mers du sud.
Je nais, mais je meurs aussitôt, ou encore je suis déjà morte, dès ma naissance, à trente-six ans. Une répétition à venir de la vie de Catherine, ma grand-mère grecque, faiseuse d’anges orphelins. En ce début de janvier 1961, mon père est arrivé en coup de vent à Chicago. Il a été réveillé dans la nuit du 6 au 7 janvier, au moment même où je me suis mise à respirer, mal, très mal. Ma grand-mère lui est apparue en rêve pour lui dire que j’étais là. « Ta fille est née, aurait dit Catherine en grec : η κόρη σας έχει γεννηθεί, i kóri sas échei gennithe. »
Sur ces mots prononcés d’outre-tombe, mon père a aussitôt pris sa voiture et conduit d’une traite jusqu’à Chicago dans la tempête. Il est venu me baptiser, en quelque sorte, d’un prénom que ma mère n’aimait guère : Catherine. Mais il a fait plus, en parcourant les mille milles qui séparent Montréal de Chicago, il est venu me fabriquer un avenir, celui d’une morte. Contre le sort lancé par mon père en janvier 1961, je passerai ma vie à me battre, à chercher des contre-sorts, comme Harry Potter ou Antonin Artaud, à prononcer des paroles de désenvoûtement, à braver les sortilèges de toutes sortes. Par la force, je me suis faite sorcière, j’ai appris des formules magiques, moi qui n’aime pas la sorcellerie, afin ne pas disparaître vivante, engloutie dans la parole de mon père.
Je ne suis pas morte à trente-six ans. Ma marraine, une amie de la famille répondant au nom de Marie Brower, qui ne s’était pas encore penchée sur mon lit d’hôpital avant l’arrivée de mon père et qui a été bienveillante à mon égard tout au long de ma jeunesse, a fait en sorte que lui et sa malédiction ne l’emportent pas sur les promesses douces de la vie, mais j’ai gardé la mort en legs. Je passerai ma vie à penser aux défunts, à les comprendre mieux que quiconque et à leur promettre de faire entendre leur voix. Ce sera le prix à payer pour ne pas aller les rejoindre trop vite et ils ont appris à m’attend