La famille de Germandre
217 pages
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Description

George Sand (1804-1876)



"Les premiers jours de juillet 1808 vinrent s’accomplir au château de Germandre, en Bourbonnais, des événements assez romanesques. C’est de ces trois journées que nous allons essayer de suivre toutes les phases et de tracer un fidèle récit.


Germandre était une terre considérable, de la valeur d’un million tout au moins. L’antique manoir, situé dans un agreste paysage, était somptueusement meublé à l’ancienne mode, sans aucun égard pour celle du moment, qui n’admettait que de pauvres et menteuses imitations des arts grec et romain. On y voyait donc encore des lits à colonnes torses richement sculptés, que le mépris des modernes traitait de corbillards, ou de ces lits François Ier montés sur des estrades et dressant jusqu’au plafond leurs dossiers revêtus d’ouate et de satin piqué, véritables monuments qui donnaient l’idée de l’importance des personnages dont ils avaient jadis abrité le sommeil. Dans toutes les chambres, les unes tendues de cuir doré, les autres de tapisseries des plus curieuses, un amateur d’antiquailles (antiquailles était alors un terme de dédain) pouvait s’arrêter longtemps à contempler, entre autres raretés, les tambours des portes et le revêtement des embrasures en bois sculpté avec reliefs dorés, les cheminées enjolivées de figures et de guirlandes dans le goût de la Renaissance les unes en marbre, d’autres en bois ou en pierre, peintes de couleurs si vives, qu’elles semblaient achevées de la veille ; mais surtout les sujets représentés sur les murailles, et qui méritent une mention particulière."



Le marquis de Germandre, grand amateur d'énigmes, n'est plus... Toute sa famille est présente aux funérailles puis à l'ouverture du testament. Qui va hériter des richesses du marquis ? Une dernière énigme du marquis !

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9782374639963
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La famille de Germandre


George Sand


Novembre 2021
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-996-3
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 994
I

Les premiers jours de juillet 1808 vinrent s’accomplir au château de Germandre, en Bourbonnais, des événements assez romanesques. C’est de ces trois journées que nous allons essayer de suivre toutes les phases et de tracer un fidèle récit.
Germandre était une terre considérable, de la valeur d’un million tout au moins. L’antique manoir, situé dans un agreste paysage, était somptueusement meublé à l’ancienne mode, sans aucun égard pour celle du moment, qui n’admettait que de pauvres et menteuses imitations des arts grec et romain. On y voyait donc encore des lits à colonnes torses richement sculptés, que le mépris des modernes traitait de corbillards, ou de ces lits François I er montés sur des estrades et dressant jusqu’au plafond leurs dossiers revêtus d’ouate et de satin piqué, véritables monuments qui donnaient l’idée de l’importance des personnages dont ils avaient jadis abrité le sommeil. Dans toutes les chambres, les unes tendues de cuir doré, les autres de tapisseries des plus curieuses, un amateur d’antiquailles ( antiquailles était alors un terme de dédain) pouvait s’arrêter longtemps à contempler, entre autres raretés, les tambours des portes et le revêtement des embrasures en bois sculpté avec reliefs dorés, les cheminées enjolivées de figures et de guirlandes dans le goût de la Renaissance les unes en marbre, d’autres en bois ou en pierre, peintes de couleurs si vives, qu’elles semblaient achevées de la veille ; mais surtout les sujets représentés sur les murailles, et qui méritent une mention particulière.
Au temps où le manoir avait été décoré, soit que le propriétaire fût un mari trompé ou un célibataire ennemi du beau sexe, soit que la mode du moment fût tournée à un certain genre de satire, l’unique préoccupation de l’artiste chargé de ce décor avait été de signaler la perversité féminine et de ridiculiser la débonnaireté de l’homme. Ainsi, dans les panneaux des boiseries, on voyait une femme acéphale attendant que deux démons eussent achevé de forger la tête qui lui était destinée. Plus loin, la femme pesait dans une balance une croix, symbole de la vertu et du devoir, et une plume de paon, emblème de frivolité et de vanité mondaine. Le plateau qui contenait la plume emportait entièrement celui qui contenait la croix. Un peu plus loin, armée d’un poignard, la femme s’apprêtait au meurtre de son mari ou de son amant ; ailleurs encore, elle mangeait des cœurs humains. Plus de deux cents de ces représentations attestaient l’amère fécondité d’idées de l’artisan, ou du Mécène qui avait dirigé son ciseau.
Dans le préau, sous les arcades élégantes d’une sorte de cloître, on voyait des fresques curieuses. exécutées d’une manière barbare, et qui représentaient des monstres fantastiques : la bigorne , la chiche-face , sortes de chimères à tête ou à buste de femme qui dévoraient de pauvres mortels vaincus et sanglants. Au-dessous de ces peintures, on lisait des dicts ou légendes rimées en vieux langage et appropriées au sujet : poésies étranges, ironiques, atroces de rancune contre les séductions perfides de la femme, de mépris pour la crédulité stupide des amants. Entre ces fresques disposées en tableaux, des têtes d’animaux cornus, de cerf, de mouflon, de renne, de buffle, sortaient de la muraille au-dessus de médaillons encadrant des dicts du même genre en l’honneur des époux ridicules. Tout cela paraissait à peu près intact ; mais on disait que le dernier possesseur du manoir, mort célibataire dans un âge avancé, avait fait réparer avec soin les sujets et les inscriptions, autant par aversion pour le mariage que par respect pour l’archéologie.
Quant au mobilier, il semblait que la grande destruction révolutionnaire n’eût point passé par là ; et, en effet, elle s’était arrêtée devant la porte, qui conservait ses écussons armoriés et tout le fini de sa décoration architecturale.
Le marquis Symphorien de Germandre, né en 1728, avait été l’aîné de quatre frères, savoir : le comte Jules, qui, sous Louis XV, avait été pourvu d’un régiment et qui avait fait un assez bon mariage ; le baron Antoine, qui avait vécu de divers emplois et pensions ; le chevalier, qui n’eut rien, et l’abbé, qui s’arrangea d’un bénéfice. On voit qu’en vertu du droit d’aînesse, le marquis avait accaparé tout le patrimoine.
Le comte était mort sur l’échafaud révolutionnaire, et le baron dans l’émigration, laissant tous deux des enfants. L’abbé avait jeté le froc aux orties et vivait en bonne intelligence avec sa gouvernante, professant, à l’occasion, des opinions à la hauteur des circonstances, et vivant d’un legs que lui avait fait une de ses tantes. Le chevalier, après un mariage d’amour qui fut heureux malgré la pauvreté, mourut du chagrin d’avoir perdu sa femme, laissant un fils qui n’hérita que de son titre modeste et d’un avoir plus modeste encore.
On voit qu’à l’exception de l’abbé, le marquis de Germandre avait survécu à tous ses frères, et, de ceux-ci, l’abbé seul était vivant ; car, au 1 er juillet 1808, on procédait aux funérailles du marquis décédé quinze jours auparavant, dans sa quatre-vingt et unième année. C’était un personnage mystérieux et bizarre que ce marquis. Il n’avait jamais été avare ; mais il avait toujours passé pour égoïste, ne se refusant rien, ne faisant pour les autres que le strict nécessaire, et professant pour règle de conduite que chacun doit se trouver content quand ses ressources sont en rapport avec sa capacité. On devine aisément que sous cette rigide maxime se cachait ou plutôt se révélait l’orgueil d’une intelligence satisfaite d’elle-même. Le marquis n’était pourtant pas un homme de génie. Il était savant, mais savant sans spécialité, à moins qu’on ne veuille appeler ainsi une grande habileté pour certains ouvrages sans utilité aucune, dont nous aurons assez souvent lieu de parler plus tard, et qui avaient absorbé jusqu’à la passion, jusqu’à la monomanie, les dix dernières années de son existence. Chose étrange, et qui n’était pas un des côtés les moins mystérieux de son organisation ou de son humeur, malgré l’orgueil de son nom et de sa fortune, il n’avait jamais songé à se marier, remettant toujours au lendemain ce dérangement dans ses habitudes. Absorbé par des études tantôt sérieuses, tantôt frivoles, et donnant presque toujours la préférence à celles-ci, il avait si bien compliqué sa vie intérieure, il l’avait obstruée de tant de projets, de fantaisies, de curiosités et de spéculations intellectuelles, qu’il n’avait jamais trouvé le temps d’être heureux, et encore moins celui d’être un savant fécond. Il était l’homme des minuties et des argumentations pédantesques, passant six mois à écrire une brochure pour réfuter un mot sans importance dans un vieux ouvrage scientifique dont personne ne se souciait plus ; voulant apprendre des langues perdues qu’il n’avait pas le génie de reconstruire et dont il ne s’appropriait que le cadavre ; chérissant le dispendieux pour sa bourse comme pour son intelligence. Doué d’une grande mémoire, d’une certaine facilité, d’un esprit de contradiction effroyable, d’une patience à toute épreuve sans véritable persévérance, on peut dire qu’il avait l’amour de l’inutile et l’invincible besoin de chercher et de découvrir quelque chose à quoi personne n’eût jamais songé, quelque chose qui n’eût de valeur à ses yeux que parce que la saine raison ne pouvait lui en attribuer aucune. Dans les derniers jours de sa vie et jusqu’à sa dernière heure, ne pouvant plus s’occuper dans son laboratoire, il prenait plaisir à proposer de puériles énigmes à ses médecins et à ses valets. Il n’était plus, le vieux sphinx, mais il avait emporté avec lui la plus terrible de ses énigmes, celle de sa succession ; et c’est pour en avoir enfin le mot que tous ses héritiers, jeunes et vieux, petits et grands, se trouvaient réunis, le 1 er juillet, au manoir de Germandre.
Mais n’oublions pas de d

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