Le vicaire des Ardennes
478 pages
Français

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Le vicaire des Ardennes , livre ebook

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Description

Honoré de Balzac (1799-1850)



"Tout était en mouvement dans le village d’Aulnay situé pied de la forêt des Ardennes : la cloche rendait des sons d’un éclat, d’une force et d’une rapidité qui faisaient le plus grand honneur aux forces et au talent du bedeau. La plupart des villageois, appuyés contre la porte de leurs maisons, regardaient, sans rien dire, vers l’entrée du hameau, tandis que les femmes en se parlant, soit d’un côté de la rue à l’autre, soit par leurs croisées, eussent rendu curieux le stoïcien le plus imperturbable. Leurs discours roulaient sur la jeunesse, l’esprit, la taille et la conduite future du personnage attendu. Enfin, des groupes nombreux de paysans semblaient s’entretenir d’un objet important, et chacun, plus paré que ne le comporte un simple dimanche, attendait le dernier coup de la messe pour ne pas manquer d’être témoin de l’installation d’un jeune vicaire envoyé par l’évêque d’A...


Les plus savants, c’est-a-dire ceux qui lisaient couramment, portaient avec orgueil un paroissien héréditaire à coins tout usés et crasseux.


Rien de plus facile que de justifier le murmure des conversations, le gros rire des paysans et l’air d’attente empreint sur tous les visages à l’occasion d’un événement qui peut paraître très simple."



Roman de jeunesse de Balzac qui fut interdit à l'époque.


Le curé d'Aulnay (Ardennes) devient vieux ; l'évêque a décidé de lui adjoindre un jeune vicaire. Qui est-il ? Quel est son secret ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 septembre 2022
Nombre de lectures 5
EAN13 9782384421251
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le vicaire des Ardennes


Honoré de Balzac


Septembre 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-125-1
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1123
I
Conciliabule municipal. – Conjectures. – Discussion. – Le curé et sa gouvernante. On attend le héros.

Tout était en mouvement dans le village d’Aulnay situé pied de la forêt des Ardennes : la cloche rendait des sons d’un éclat, d’une force et d’une rapidité qui faisaient le plus grand honneur aux forces et au talent du bedeau. La plupart des villageois, appuyés contre la porte de leurs maisons, regardaient, sans rien dire, vers l’entrée du hameau, tandis que les femmes en se parlant, soit d’un côté de la rue à l’autre, soit par leurs croisées, eussent rendu curieux le stoïcien le plus imperturbable. Leurs discours roulaient sur la jeunesse, l’esprit, la taille et la conduite future du personnage attendu. Enfin, des groupes nombreux de paysans semblaient s’entretenir d’un objet important, et chacun, plus paré que ne le comporte un simple dimanche, attendait le dernier coup de la messe pour ne pas manquer d’être témoin de l’installation d’un jeune vicaire envoyé par l’évêque d’A...
Les plus savants, c’est-a-dire ceux qui lisaient couramment, portaient avec orgueil un paroissien héréditaire à coins tout usés et crasseux.
Rien de plus facile que de justifier le murmure des conversations, le gros rire des paysans et l’air d’attente empreint sur tous les visages à l’occasion d’un événement qui peut paraître très simple.
En effet, la commune d’Aulnay-le-Vicomte, quoique chef-lieu de canton, était séparée des villes voisines par trois mortelles lieues de pays ; or, je laisse à penser si 800 bonnes âmes confinées dans un vallon solitaire, n’ont pas raison de se tourmenter lorsqu’il en arrive une de plus ; et surtout, lorsqu’elle arrive nantie d’une autorité difficile à classer dans la hiérarchie des pouvoirs champêtres. Aussi le corps ministériel de l’endroit s’était-il assemblé spontanément chez le pharmacien dont la boutique était le quartier-général de l’état-major, de la place ; là on commentait une décision si inattendue et si marquante dans les fastes de la commune.
Pour donner une idée de l’effet que produisait dans le village cet arrêté du pouvoir épiscopal, nous allons introduire le lecteur au centre de cet attroupement des plus fortes têtes du lieu. Le personnage le plus considérable était le maire, ancien charcutier du village, lequel fut promu, en 1814, à cette haute dignité. Il caressait avec complaisance les débris d’une ancienne robe de florence blanc dont il avait fait une écharpe ; tout le génie de madame Devau, sa femme, s’était épuisé pour y mettre une frange honnête, et l’on doutait si cette frange devenait un ornement ou une marque de vétusté. Tout le village avait vu le reste de la robe, à la fenêtre de M. Devau, le jour de la rentrée du Roi. La grosse figure, rouge et plate, de ce fonctionnaire d’Aulnay, révélait son irritable et vaniteuse nullité, comme les saucisses de bois peint qui lui servaient d’enseigne indiquaient sa profession. À côté de lui se trouvaient les satellites du pouvoir municipal, ç’est-à-dire le garde-champêtre décoré de sa plaque et de son briquet, et le facteur de la petite poste en grand costume.
Non loin de ce trio administratif, M. Engerbé, le plus gros fermier du village, et Marcus-Tullius Leseq, maître d’école et précepteur du fils de ce fermier, semblaient s’appuyer l’un sur l’autre. Au centre se trouvait M. Lecorneur, le percepteur des contributions, lequel ayant croisé ses doigts sur son gros ventre, causait avec un adjoint qui fut maire en 1815 ; tandis que le juge de paix, revêtu de sa robe et la tête couverte de son bonnet carré, tournait autour de ce groupe en tâchant de n’être ni à droite, ni à gauche, ni au centre.
Enfin, quelques membres de la commune erraient çà et là, comme pour découvrir ce dont il s’agissait dans ce conciliabule fortuit, et s’efforçaient de saisir au passage quelques bribes de la conversation, pour fixer leur politique.
– Oui, messieurs, je le soutiens, s’écriait Marcus-Tullius, d’une voix qu’il tâchait en vain d’assourdir, Monseigneur ne nous envoie un vicaire que parce que M. Gausse ne sait pas le latin : quoiqu’on dise que c’est moi qui en ai instruit Monseigneur l’évêque, le fait est trop notoire pour avoir besoin de dénonciation. Encore l’autre jour, pour un mariage pro matrimonio , il commençait le libera , ce qui signifie : délivrez-m’en ! car c’est à l’impératif, si je ne l’avais pas heureusement arrêté !... Si vous voulez que je vous parle libenter , c’est-à-dire le cœur sur la main, je crois qu’il était gris non pas forte , mais piano , légèrement, comme dit Cicéron.
En prononçant le nom de Cicéron, le maître d’école ôta son chapeau et s’inclina. (Malgré la défaveur qui pourrait en résulter pour le maître d’école, nous aurons le courage d’avouer que Leseq, qui s’appelait, avant la révolution, Jean-Baptiste , profita de ce temps d’anarchie pour changer ces noms welches et prendre les glorieux prénoms de l’orateur romain.)
– D’après cela, continua-t-il, vous sentez que Monseigneur l’évêque a dû donner un vicaire à M. Gausse, plutôt pour surveiller sa conduite que comme un aide, car le sacerdoce, summus pontificatus , n’est pas une si lourde charge...
– Que diable, M. Marcus-Tullius, il faut être de bonne foi, reprit M. Lecorneur, qui dînait très souvent chez le curé ; M. Gausse ne mérite pas ces affronts, il fait très bien sa cure, ses mœurs sont irréprochables, et depuis trente ans que je suis en place, jamais le curé n’a laissé venir deux avertissements pour ses contributions. L’a-t-on vu regarder une fille en face, et Marguerite n’a-t-elle pas un âge mûr ?... Vous avez beau savoir le latin, M. Marcus, le latin ne rend pas infaillible, et ne fait pas d’un sot un homme de génie.
– Pas plus que Barême, répondit le maître d’école, n’a pu faire un homme poli, d’un percepteur de contributions.
– Je n’ai jamais fait parade de ma science au moins !... vous ne pouvez pas me le reprocher, reprit le percepteur, et quoique je sache les proportions , je ne m’en suis pas encore vanté ! Mais, pour en revenir au curé, les tranches de latin dont vous entrelardez vos paroles, ne valent certainement pas les excellents proverbes qu’il nous adresse en bon français ; ils sont sages, tout le monde les comprend, ils tiennent quelquefois lieu de bien des sermons. Pour en finir, et répondre à ce que le sacerdoce n’est pas une lourde charge, M. Tullius, je vous ferai observer qu’il y a ici douze cents personnes à baptiser, confesser, marier et enterrer ; que M. Gausse a soixante-dix ans, qu’il est infirme, et qu’il a demandé un aide ; si, à la fin, on lui en envoie un, que voyez-vous d’extraordinaire à cela ? Ce vicaire est jeune, c’est tout simple : que ferions-nous de deux vieillards !...
– Tout cela est bel et bon, dit le maire d’un ton doctoral ; mais vous vous trompez dans vos conjonctures . Si l’on nous envoie un vicaire c’est à cause que M. Gausse a prêté serment, et...
À ces mots le facteur de la poste et le garde-champêtre firent un signe de tête approbateur qui semblait dire : – J’y étais ...
M. Lecorneur, accablé sous le poids de cet argument de haute politique, resta muet.
Marcus-Tullius, ennemi du curé, essaya de porter les derniers coups :
– Si les mœurs de M. Gausse sont pures, ce n’est pas sa faute, c’est bien invitus, comme le dit Cicéron , on sait pourquoi ! et du reste, il s’en dédommage par la gourmandise, vino et inter pocula !
Le juge de paix jeta de l’huile sur le feu en ajoutant :
– C’est bien dommage, en vérité, d’avoir un curé incapable ; car un vicaire, c’est une charge pour la commune, et mon pauvre greffier pourra bien y perdre : si le nouvel arrivant se mêle de concilier, il éteindra de justes contestations et fera sacrifier à chacun ses droits légitimes pour ne pas plaider, ce qui est évidemment contraire aux procès-verbaux et à l’esprit de la justice qui veut que l’on rende à chacun son dû.
– Cui que tribuere suum jus , ajouta Tullius.
L’adjoint qui fut destitué de ses fonctions de maire, en 1815, prit alors là parole :
– De quoi vous plaignez-vous donc ?... La commune n’est-elle pas assez riche pour payer un vicaire ? à moins que ses revenus ne soient diminués, dit-il (en lançant un coup d’œil à son successeur.) Mais tout cela n’est pas le fin mot. Je vois ce dont il s’agit, vous êtes ambitieux et avides de pouvoir. Hé quoi ! parce que M. Gausse est plus riche que vous, est-ce une raison pour le décrier ? Il mange et boit, bien, dites-vous, parbleu, chacun son métier ; a-t-il enterré un vivant pour un mort ?... refusé de venir à un repas de baptême et de bénir les mariages, même un peu tardifs ?... Mais il est reçu au château, et vous ne l’êtes pas...
– Comment donc, s’écria l’ancien charcutier devenu rouge comme un homard, madame la marquise ne m’a peut-être pas déjà fait venir deux fois.
– Oui, pour, se plaindre de la mauvaise qualité des denrées que vous lui fournissez, répliqua aigrement l’adjoint.
– Et une troisième fois pour le jour de la Saint-Louis, et nous y dînâmes mon épouse et moi, répondit le maire.
– Quoi qu’il en soit, vos raisons sur la venue du jeune vicaire ; n’ont pas le sens commun ; l’évêque en avait refusé un, il y a six ans, lorsque j’étais maire ; et dernièrement encore, M. Gausse réitéra sa demande, qui ne fut pas mieux accueillie : tout cela prouve qu’il y a d’autres causes, secrètes, importantes et politiques peut-être, car on dit que les jésuites reviennent. Lisez les journaux, et vous verrez l’état de la politique européenne...
M. Lecorneur se voyant soutenu, défendit de nouveau le curé ; il s’adressa au maire, étonné de la sortie de son rancuneux prédécesseur, et lui dit :
– Enfin, monsieur le maire, M. Gausse n’est-il pas la meilleure de vos pratiques ?
– C’est vrai, répondit l’officier municipal.
Et s’adressant au mercier qui faisait partie du groupe :
– Marguer

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