Décadence latine
156 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Décadence latine , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
156 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Extrait : "Mes yeux revenaient obstinément au petit médaillon qu'il portait en épingle de cravate. Ce n'était pas un bijou : un cercle de fer de la grandeur d'un sou entourant un verre. On ne distinguait rien sur l'espèce de parchemin clair, propre à une inscription kabbalistique. Mon interlocuteur, un des héros de la Révolution russe, n'avait jamais eu le loisir de s'intéresser au gnosticisme et à ses amulettes."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 26
EAN13 9782335102147
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0008€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335102147

 
©Ligaran 2015

Le nimbe est ce cercle lumineux, souvent doré, dont l’art entoure la tête des saints.
L’héroïne de ce livre accomplit le grand œuvre de la sainteté, elle se sacrifie pour le soulagement de beaucoup : c’est une mystique de la pitié et de la justice.
Mais la nature de son sacrifice répugnerait tellement aux hagiographes que son nimbe doit être noir, comme celui d’une Judith de Béthulie, d’une Esther et plus près de nous d’une Charlotte Corday. Ces femmes livrèrent leur beauté pour le rachat de leurs frères.
Assombri, le signe de la sainteté réunit les deux notions d’héroïcité et de péché, sans contredire ni à la vérité ni aux traditions de notre race.
Préface
Mes yeux revenaient obstinément au petit médaillon qu’il portait en épingle de cravate. Ce n’était pas un bijou : un cercle de fer de la grandeur d’un sou entourant un verre. On ne distinguait rien sur l’espèce de parchemin clair, propre à une inscription kabbalistique. Mon interlocuteur, un des héros de la Révolution russe, n’avait jamais eu le loisir de s’intéresser au gnosticisme et à ses amulettes.
– « Pourquoi », me dit-il avec cette douceur si étonnante chez un homme d’action tragique, pourquoi ne me faites-vous pas la question qui vous brûle les lèvres ?
– « Les hommes de votre sorte », répondis-je, « sont pleins de secrets terribles ou douloureux : et on leur doit le silence de sa curiosité pour ne pas éveiller peut-être d’affreux souvenirs. »
Il sourit tristement et dit :
– « C’est une relique ! »
Comme X… est un chrétien de charité mais non d’obédience, un chrétien d’action et non de dévotion, je m’étonnai.
– « Croyez-vous », dit-il, qu’il n’y ait des saintes que dans l’Église et selon le type ecclésiastique ? En quoi consiste la Sainteté, selon vous ?
– « En l’imitation de Jésus-Christ », lui dis-je brièvement ; et, à mon étonnement, il accepta la définition d’un signe de tête.
– « Jésus a donné sa vie pour les Juifs : celle, dont vous voyez une parcelle de peau, a donné sa beauté pour la justice et pour les Russes.
– Ah ! », fis-je, « vous portez la relique d’une sainte révolutionnaire !
– Oui, d’une sainte… Oh ! » fit-il, « jamais les prêtres ne comprendront l’âme humaine, ni ses beautés spontanées… Vous autres romanciers vous racontez sans lassitude comment des femmes en chiffons et des hommes de carton employèrent leur cinq à sept : vous n’avez de l’encre que pour ce fait divers, l’adultère, non pas tragique et mortel, mais usuel et polisson… Vraiment, il se passe sur la terre d’autres choses que les petits frissons des mondains ; il existe d’autres âmes que celles de marionnettes, des Parisiens… Écoutez une histoire que le Moyen Âge aurait mise dans sa Légende dorée . »
LIVRE I Au faubourg
I Le hasard de la rue

Le temps moderne est aussi aventureux que l’ancien : mais nous ne concevons l’aventure que sous les aspects d’autrefois.
Le logis ressemble à ces eaux fortes trop noires où la pointe a exagéré le clair-obscur Rembranesque, ne laissant qu’une zone très circonscrite à la lumière.
Dans le cercle projeté par la lampe à l’abat-jour baissé, des mains tiennent un livre, des mains très belles, longues, blanches, patriciennes ; et le livre est banal et sali.
Une tête juvénile, abondamment casquée de cheveux clairs, se penche, attentive.
La vaste pièce obscure, aux meubles grossiers, au grand poêle, dort lourdement.
D’une alcôve indistincte à une extrémité, s’élève, par instants, le souffle d’un sommeil pénible.
Derrière les vitres on aperçoit les arbres givrés d’un âpre soir d’hiver.
Ces mains, étincelantes dans la clarté, semblent dépaysées au milieu de ce décor sordide.
Leur perfection contraste avec le milieu, et leur netteté atteste des soins minutieux.
Elles brillent, vermeilles sur la table grossière, semblables à de nobles lys au bord d’une route, en un blasonnement d’énigmatique infortune.
Le chef-d’œuvre, encore inaperçu chez le brocanteur où il est échoué, se détache plus extraordinaire parmi les guenilles et les ferrailles ; ainsi, cette liseuse de rêve ou de légende, dans la pénombre du triste logis, resplendit.
Quelle circonstance d’amour ou d’intrigue amena cette jeune fille dans ce réduit de faubourg ? Sa robe de lainage noir, effilochée aux poignets, luisante au coude, accuse la même misère qui l’environne. Ce n’est pas une passante ; et sa façon tranquille de tourner les feuillets du bouquin graisseux, prouve qu’elle vit dans cette ambiance de dénuement depuis longtemps, et qu’elle y est résignée.
Les âmes exhalent, comme les corps, un fluide sain ou maladif : un sensitif percevrait ici une atmosphère de fatalité, plus tragique que le tableau de pauvreté qui affecte les yeux.
Dans le silence de neige que troublent à peine la respiration de l’alcôve et le tournement des pages, imperceptible, insaisissable mais incessante, la destinée sombre fait entendre une basse de menace, le très lointain murmure de l’Ananké.
Un frappement de plusieurs coups, conventionnellement espacés, interrompit la lecture.
Svelte et d’une démarche plus noble qu’élégante, elle alla vers la porte et l’ouvrit doucement. Tandis que du doigt posé sur la bouche elle imposait silence à l’arrivant, qui atténua le bruit de ses bottes et quitta sa touloupe, la jeune fille reprenait sa place sous la lampe.
– « Schaebolof, qu’as-tu à me dire ? » demanda-t-elle.
Celui-ci ôta son bonnet fourré et découvrit ce front démesuré et inquiétant du Slave idéologue ou fanatique qui recèle ou la cervelle d’un sultan asiatique, d’un Pobedonostzev ou celle détraquée d’un Bakounine.
Maigre et las, sentant la bohème et la prison, mi-parti professeur et malfaiteur, il promenait autour de lui ce regard de l’illuminé politique, qui ne voit pas le monde extérieur, en proie à l’hallucination.
Elle attendit qu’il eût apporté un escabeau.
Schaebolof voûta le dos et parut étudier le plancher rugueux. Devant ce mutisme, elle rouvrit son livre.
Les belles mains tenaient de nouveau le volume aux pages poisseuses et cornées et il semblait plus sordide entre ces deux fleurs de chair vivante, pour supports.
Ce Schaebolof, dans l’intimité d’une si noble personne, contrastait comme si, en face de la Modestie de Léonard, eût surgi quelque figure de bassesse et de désespoir : un peintre pervers voulant mettre en présence une femme d’allégorie et un déclassé moderne.
Ses yeux ardents de maniaque contemplaient-ils l’infranchissable distance qui le séparait de la fille aux mains splendides ?
Sa prunelle se colorait d’ardeur et de colère, d’admiration et de dépit, et sa bouche souriait de cette façon effrayante qu’on ne voit qu’aux désespérés sur la table de la Morgue, muet blasphème, suprême juron du lamentable mortel écrasé par l’implacable Norme.
Au fond, dans l’alcôve, on dormait comme sous la lampe on lisait ; et le silence roulait ses ondes froides et noires autour de Schaebolof fiévreux de parler et visiblement appréhensif.
L’indifférence de la liseuse l’irritait. Ce qui lui brûlait la lèvre ne rencontrerait qu’une oreille hostile. Commensal de ce logis, il avait souvent ravalé sa parole et maintenant, à la suite d’une résolution, il s’entêtait, sans illusion sur l’issue, par orgueil.
– « Sophia ! » dit-il d’une voix sourde et timbrée d’humeur. Elle refit le geste qui commandait le silence, montrant l’alcôve d’un mouvement de tête.
Schaebolof mêla ses longs doigts avec embarras et nervosité et, à voix très basse :
– « Sophia, tu me dédaignes ! Ton attitude de Barinia me repousse, non pas quelquefois et parce que je te déplais, mais toujours. Que je me taise ou que je parle, ton dédain tombe sur mes épaules comme un knout invisible. Pourquoi ? De ceux qui t’entourent, qui me vaut ? Personne&

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents