Éléments d idéologie
100 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Éléments d'idéologie , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
100 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Extrait : "Nous avons déjà une connaissance générale des signes de nos idées. Nous avons vu leur origine, leurs progrès, leurs variétés, leur influence et leurs principales propriétés. Nous savons que tout système de signes est un langage : ajoutons maintenant que tout emploi d'un langage, toute émission de signes, est un discours ; et faisons que notre Grammaire soit l'analyse de toutes les espèces de discours."

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 32
EAN13 9782335041484
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335041484

 
©Ligaran 2015

SECONDE PARTIE Grammaire
Introduction
La Grammaire est, dit-on, la science des signes. J’en conviens. Mais j’aimerais mieux que l’on dit, et surtout que l’on eût dit, de tout temps, qu’elle est la continuation de la science des idées. Si de bonne heure, on était arrivé à cette manière de la considérer, qui est la vraie, on n’aurait pas imaginé de faire des théories des signes avant d’avoir créé, perfectionné et fixé la théorie des idées, avant d’avoir approfondi la connaissance de leur formation, et celle des opérations intellectuelles qui les composent, ou plutôt dont elles se composent.
Les longues annales du genre humain ne nous présentent que deux intervalles de lumière que nous connaissions assez en détail pour en bien juger : l’un est celui où brillèrent les Grecs et les Romains ; et l’autre comprend les trois ou quatre derniers siècles qui viennent de s’écouler, et qu’ont illustrés les recherches des différentes nations européennes. Ce qui les précède et ce qui les sépare se perd dans la nuit des temps, ou dans les ténèbres de l’ignorance.
Pendant la première de ces deux belles époques, les anciens ont commencé par les chefs-d’œuvre et les jouissances des arts et des lettres. Puis ils ont fait plus ou moins de progrès dans les sciences physiques et mathématiques ; ensuite dans la philosophie morale : enfin est arrivé pour eux, l’âge des sophistes, des grammairiens et des critiques. Chez les modernes, la marche a été et devait être à peu près la même : aussi, est-ce surtout dans ces derniers temps, que l’on s’est beaucoup occupé de Grammaire raisonnée et d’analyse métaphysique.
On croit assez communément que c’est la lassitude et l’épuisement du génie qui produisent ce penchant à la réflexion et à la discussion ; et l’on regarde comme un signe de décadence, l’apparition de cet esprit subtil et sévère, qui se portant à la fois sur les choses et sur les mots, veut tout analyser, tout connaître, tout apprécier, et cherche à se rendre compte de toutes ses impressions, jusques dans les moindres détails. Mais il est aisé de voir que cela même est encore un progrès de notre intelligence, progrès qui doit nécessairement suivre les autres et ne peut les précéder. Car ce n’est qu’après avoir eu des succès dans tous les genres, que l’homme peut se replier sur lui-même et chercher dans l’examen de ses ouvrages, les causes générales de leur perfection, et les moyens de procéder encore avec plus de justesse et de sûreté : et certes de tous ses travaux ce ne sont pas là ceux qui exigent le moins de force de tête, ni ceux qui doivent produire les moins grands résultats.
Cependant quelqu’utile que soit cette étude, il serait assez difficile d’assurer que les anciens en eussent tiré beaucoup de fruit, quand même les évènements politiques, en les faisant tomber sous le joug des nations barbares, ne seraient pas venus interrompre la marche progressive des lumières. La raison en est qu’ils s’étaient égarés dès leurs premiers pas, dans la carrière des sciences. Privés d’observations antérieures qui leur fussent connues, d’instruments, de contradicteurs, de moyens de communication faciles avec les autres parties du globe, les grecs, vifs autant que spirituels, avaient cédé à leur impatience naturelle ; et pour abréger, avaient cherché plutôt à deviner la nature, qu’à la connaître. Je ne prétends point qu’il n’y ait pas eu parmi eux de grands observateurs ; et si j’avançais un pareil paradoxe, Hippocrate et Aristote seraient éternellement là, pour me démentir. Mais malgré les travaux de ces grands hommes, il est vrai de dire que leurs compatriotes ont toujours ignoré l’art des expériences, et n’ont jamais attendu des observations suffisantes pour établir les théories les plus vastes et les plus téméraires, non seulement sur l’ordre de l’univers et les lois qui le refissent, mais même sur sa composition, sa formation et son origine. Ce même esprit de précipitation, ils l’ont transporté ensuite des sciences physiques, dans les sciences morales et dans la philosophie rationnelle. Ils avaient bâti mille systèmes sur la nature de leur intelligence, avant d’avoir seulement examiné ses opérations ; et chacun d’eux avait pris parti si décidément pour l’une ou l’autre de ces opinions hasardées, qu’aucun de leurs grammairiens et de leurs dialecticiens n’a imaginé de commencer ses recherches par une étude approfondie de ses facultés intellectuelles. Ils se sont attachés aux détails, aux circonstances, aux formes, sans remonter jamais jusqu’aux vrais principes. Engagés dans cette mauvaise route, ils n’ont pu que tourner perpétuellement dans le même cercle, sans faire aucun progrès réel. Aussi les Grecs des temps postérieurs, quoiqu’ils aient été dans un état, sinon florissant, du moins tel qu’il laissait un libre cours à leurs recherches, sont-ils devenus plus subtils, plus disputeurs, mais non plus véritablement éclairés : ils n’ont plus du tout examiné les faits ; ils n’ont discuté que leurs hypothèses : et c’est vraisemblablement la principale raison pour laquelle, chez eux, l’art social ne s’est jamais assez perfectionné pour donner à leur empire, cet état de civilisation supérieure et cette organisation solide qui assure l’existence des nations réellement policées, et les met au-dessus des atteintes de tous les peuples barbares.
Ce que l’impatience et la précipitation avaient fait chez les Grecs, le despotisme des opinions religieuses a pensé le faire chez nous. Grâces à la bonne direction que quelques hommes supérieurs avaient donnée aux esprits, et que l’on suivait dans tous les genres, de recherches, on s’était bientôt aperçu que pour trouver les lois du discours et du raisonnement, il fallait connaître notre intelligence ; et qu’avant de parler de Grammaire et de logique, on devait étudier nos facultés intellectuelles. Mais c’était le droit exclusif des théologiens de toutes les sectes de nous prescrire ce que nous devions penser sur ce point ; et nul ne pouvait ni n’osait pénétrer dans leur empire.
Ainsi, messieurs de Port-Royal, dont on ne peut assez admirer les rares talents, et dont la mémoire sera toujours chère aux amis de la raison et de la vérité, ont bien, au commencement de leur Grammaire raisonnée, proclamé, il y a près de 150 ans, que la connaissance de ce qui se passe dans notre esprit est nécessaire pour comprendre les fonde-mens de la Grammaire mais pourtant dans cette même Grammaire, ils se sont bornés à nous dire en quatre mots que tous les philosophes enseignent, qu’il y a trois opérations de notre esprit, concevoir , juger , et raisonner , sans se mettre du tout en peine d’examiner, ni de développer cette doctrine.
Quoique dans plusieurs endroits de leur logique, ils soient entrés dans plus de détails sur la formation de nos idées, et sur quelques-unes de nos opérations intellectuelles, cependant ce n’est, pour ainsi dire, qu’incidemment et par morceaux détachés, qu’ils ont traité ces sujets, et toujours comme partant d’une doctrine convenue. Aussi, l’on peut voir combien presque tout ce qu’ils en ont dit est vague, ou faux, ou incomplet, et quelle obscurité cela répand sur tout le reste de leur ouvrage. Par là, il se trouve réduit à n’être qu’un recueil d’observations plus ou moins bonnes, mais sans ensemble ; et il ne peut pas être regardé comme une théorie complète des caractères de la vérité et de la certitude, ce que devrait être une bonne logique.
La lecture des ouvrages de Dumarsais fait naître continuellement la même réflexion. Je ne sais si tout le monde sera de mon sentiment ; je le regarde comme le premier des grammairiens : du moins je n’en connais pas, qui sous le voile de l’expression, démêle aussi habilement la véritable opération de la pensée. Mais il n’a point employé cette sagacité exquise à faire un tableau complet de notre intelligence ; et d’Alembert est réduit à nous dire de sa logique : Ce traité contient sur la métaphysique, tout ce qu’il est permis de savoir , c’est-à-dire que l’ouvrage est très court . Il est vrai qu’il ajoute : peut-être pourrait-on l’abréger encore  ; ce qui pourrait porter à croire que d’Alembert lui-même ne sentait pas combien il est à regretter qu’il n’ait pas commencé par traiter ce sujet exprofesso . Cependant s’il l’avait fait, s’il avait osé réunir et coordonner toutes ses observations idéologiques, la partie grammaticale et la partie logique s’en seraient suivies d’elles-mêmes : et il est vraisemblable que cet homme célébra n’aurait pas terminé sa longue carrière, sans achever l’ouvrage précieux, dont il ne nous a donné que le plan et des fragments.
Enfin Condill

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents