Entre foi, lois et droits
460 pages
Français

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Entre foi, lois et droits , livre ebook

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Description

Traduit de l'américain, Entre foi, lois et droits aborde les altérations génitales que sont l'excision et l'infibulation dans des récits écrits à la première personne par des femmes africaines en anglais, en français et en arabe. Ce livre fait l'anthropologie littéraire des MGF (ou mutilations génitales féminines) et montre de manière chronologique – des années 1960 à nos jours – comment ces femmes sont parvenues à se libérer du carcan inextricable de la culture, de la religion et du patriarcat.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2016
Nombre de lectures 20
EAN13 9782140000744
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Des Chantal ZABUS Africaines disent l’excision Entre foi, lois et droits L’expérience de l’excision en textes et en contextes
Traduit de l’anglais par Sarah-Anaïs CREVIERGOULET
L O G I Q U E S S O C I A L E S
Sociologie du Genre
Entre foi, lois et droits
Logiques sociales Collection dirigée par Bruno Péquignot En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collection « Logiques Sociales » entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l'action sociale. En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques. Dernières parutions Claude GIRAUD,? Sociologie d’une pratiqueQu’est-ce que transmettre , 2015. Martine SAS-BARONDEAU,La face cachée de la parentalité. Une approche sociologique de l’accompagnement de la fonction parentale, 2015. Emmanuel GARRIGUES,L’adolescence, sa culture et ses valeurs après Mai 68,2015. Gérard LAMBERT,Le mitard. Une approche sociologique de la discipline pénitentiaire, 2015. Sandrine GAYMARD et Teodor TIPLICA (dir.),Sécurité, éducation et mobilités, Maîtrise des risques et prévention 2, 2015. Sandrine GAYMARD et Teodor TIPLICA (dir.),Sécurité des déplacements, protection des usagers et de l’environnement, Maîtrise des risques et prévention 1 – Travel safety, user and environment protection. Risk control and prevention, 2015. Isabelle PAPIEAU,Les années 80, Miroirs de l’époque « Art déco », 2015. Yannick BRUN-PICARD,Agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM). Personnification d’une interface éducative, 2015. Kaveh DASTOOREH,Vers une sociologie foucaldienne, Réunir l’objectivation et la subjectivation, 2015. Alexandre BRARD,Recompositions territoriale en Outre-mer ou le Collectif dans l’action publique, 2015. Denis LAFORGUE,Essai de sociologie institutionnaliste, 2015. Anthony GALLUZZO,Mythologie comparée des stars, 2015. Yannick BRUN-PICARD,Territoires de mémoires. Interfaces référentielles d’expressions et d’affirmations sociétales, 2015. Fred DERVIN,La Chine autrement. Perspectives interculturelles critiques, 2015. Lei WANG,Pratiques et sens des soins du corps en Chine. Le cas des cosmétiques, 2015.
Chantal ZABUS
Entre foi, lois et droits
L’expérience de l’excision en textes et en contextesTraduit de l’anglais par Sarah-Anaïs Crevier Goulet
Du même auteur Livres Out in Africa: Same-Sex Desire in Sub-Saharan Literature and Culture, Woodbridge, Suffolk & Rochester, NY ; Boydell & Brewer/ James Currey series, 2013, 308 p. Between Rites and Rights: Excision in African Women’s Experiential Texts and Human Contexts,Stanford, Stanford University Press, 2007, 354 p. The African Palimpsest: Indigenization of Language in the West African Europhone Novel,Amsterdam & Atlanta, Rodopi, 1991, 240 p. ; deuxième impression avec une nouvelle introduction et une nouvelle bibliographie, Rodopi/ Leiden, Brill, 2007, 261 p. Tempests after Shakespeare, Macmillan/Palgrave, Londres et New York, Macmillan/Palgrave 2002, 332 p. Ouvrages collectifs et directions d’ouvrages The Future of Postcolonial Studies,Londres et New York, Routledge, 2014, 265 p. Transgender Experience: Place, Ethnicity, and Visibilityavec David COAD, New York, Routledge, 2014, 172 p. Perennial Empires: Transnational, Postcolonial, and Literary Perspectives, études réunies et introduites par Chantal ZABUS & Silvia NAGY-ZEKMI, New York, Cambria Press, 2011, 311 p. Colonization or Globalization? Postcolonial Explorations of Imperial Expansion,études réunies et introduites par Silvia NAGY-ZEKMI & Chantal ZABUS, Lanham, Boulder, New York, Toronto, Plymouth, UK, Lexington Books/ Rowman & Littlefield, 2010, 172 p. Fearful Symmetries: Essays and Testimonies Around Excision and Circumcision,Matatu, Special Issue, Amsterdam & New York: Rodopi, Leiden, Brill, 2008, 341 p. Changements au féminin en Afrique noire : Anthropologie et littérature, études réunies et introduites par Chantal ZABUS et Danielle de LAME et Chantal ZABUS, Paris, L’Harmattan, 2000, vol. 1 & 2, coll. « Anthropologie », 263 p. ; coll. « Littérature », 155 p. La Condizione femminile in Africa Fra Mercato Globale ed Emancipazione, traduction en italien pour L’Harmattan/Italie, 2004. Le Secret : Motif et moteur de la littérature, études réunies et introduites par Chantal ZABUS, avec une préface de Jacques DERRIDA, Louvain-la-Neuve, Recueil des Travaux de la Faculté, 1999, 455 p. Nous remercions très chaleureusement Vernon Rosario de nous avoir autorisées à utiliser son œuvre photographique en couverture de ce volume ainsique Stanford University Pressde nous avoir donné lade traduire permission Between Rites and Rights: Excision in Women's Experiential Texts and Human Contexts(2007). © L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-08018-5 EAN : 9782343080185
INTRODUCTION
La psyché de l’homme a toujours été hantée par ce qui se cache entre les cuisses d’une femme, sans doute parce que c’est un lieu d’origine rappelant le chaos préconscient du ventre maternel. La fascination horrifiée de l’homme devant les organes sexuels de la femme, qui lui apparaissent comme une zone obscure, à la fois abyssale et tentaculaire, est légendaire et illustrée par de nombreux textes et dans de nombreux contextes. Le gouffre sulfureux et sans fond, cher au Roi Lear, continue d’encenser l’imagination et effraye, ainsi qu’un trou/tout, en raison de l’absence alléguée de phallus. À l’ère post-freudienne, cette absence fut en outre associée à la non-existence, précisément à partir du moment où fut porté à l’attention du monde entier, donc bien au-delà des limites de l’anthropologie moderne européenne, l’ablation partielle ou intégrale des organes génitaux d’une femme sous diverses formes de déclitorisation. Apparut alors un vide pouvant être comparé à l’absence visible de vagin chez la sirène, maladroitement comblée de nombreuses significations et interprétations. Ce vide non occidental fut d’abord l’objet d’un regard occidental local qui était excessivement voyeur, comme en témoigne par exemple ce rapport britannique d’une expédition qui eut lieu en 1762 en Egypte, pendant laquelle les voyageurs « exprimèrent le souhait de 1 voir une femme circoncise » ; on fit donc venir une villageoise de dix-huit ans pour qu’elle expose ses organes génitaux – ou plutôt ce qu’il en restait –, et un artiste participant à l’expédition exécuta un dessin des parties génitales recousues de la villageoise ainsi exhibée. 2 Dans la quatrième édition de son fameuxHosken Report, Fran Hosken citait une lettre datée du 9 septembre 1992 rédigée par une touriste qui accepta de payer une importante somme d’argent pour pouvoir assister à une excision à Paris. En effet, elle subodorait l’existence d’une industrie pornographique, surtout dans le cinéma, 3 autour de l’excision de fillettes africaines en France , ce qui lui fut confirmé. Par ailleurs, en 2004, on a pu voir lors d’un épisode de la
1  Cité dans l’article de Carl Gösta Widstrand, « Female Infibulation », dans Occasional Papers of Studia Ethnographica Upsaliensa, n° 20, 1964, p. 95. 2  Fran P. Hosken,The Hosken Report: The Genital and Sexual Mutilation of ème Females, 4 édition, Lexington, Women’s International Network News, 1990. 3 Ibid., p. 302-303.
très populaire série télévisuelleNip/Tuckchirurgien faire l’amour un avec une patiente qui venait de subir une chirurgie reconstructrice du clitoris afin de vérifier si l’opération avait ou non réussi.  Parfois, l’observation s’accompagnait aussi du toucher. En juin 1941, la princesse de Grèce Marie Bonaparte, disciple de Sigmund Freud, fut obligée de fuir la France occupée par l’Allemagne et se rendit en Égypte. Elle contacta alors Mahfouz Pasha, gynécologue à l’hôpital copte du Caire, qui lui montra deux femmes excisées venant à peine d’accoucher. Bonaparte rapporta dans ses « Notes sur l’excision »: « Chez l’une d’elles, les deux petites lèvres excisées sont soudées par-dessus un moignon du clitoris qu’il me fait palper au 4 travers » . Au-delà du cas exceptionnel de Marie Bonaparte se livrant à la palpation pseudo-médicale de la vulve suturée d’une femme, il est à noter que l’observation se fait maintenant à l’échelle mondiale, et que la moralité occidentale n’a pu s’empêcher de s’en mêler. Au moment où l’excision cessa d’être seulement une curiosité locale et devint une préoccupation mondiale, les terminologies se modifièrent, et ce que l’on désignait auparavant par l’expression « pratique traditionnelle » devint une « violation des droits humains ». En effet, la décennie de l’ONU pour la femme (1975-1985) attira l’attention de la communauté internationale sur cet enjeu et identifia la pratique de la « circoncision féminine » comme une mutilation génitale féminine (MGF). Ce sigle tristement célèbre – MGF – fut ensuite remplacé par cet autre, CGF, soit coupure génitale féminine parce que l’on considéra que le motmutilationun « présupposait 5 jugement moral sur de telles opérations » . Ainsi, à partir des années 1970, les rites ou les rituels de femmes se heurtèrent petit à petit à la 6 question des droits humains , que l’écrivaine américaine d’origine 7 libanaise Evelyn Accad appelle par euphonie les (w)human rights; de façon semblable, nous pourrions parler en français de « droits femhumains » en greffant le mot « femme » à « humain ».
4 Marie Bonaparte, « Notes sur l’excision »,Revue française de psychanalyse, PUF, 1948, p. 217. 5  Stephen A. James, « Reconciling International Human Rights and Cultural Relativism. The Case of Female Circumcision »,Bioethics, vol. 8, n°1, p. 5-6. 6  Nous avons préféré l’expression « droits humains » à « droits de l’Homme » et à « droits de la personne ». 7 En anglais, Evelyn Accad retrouve ainsi par euphonie le signifiant « woman » dans « human ». Ndt.
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Durant les deux dernières décennies du vingtième siècle, la quantité de représentations littéraires de la circoncision féminine ou ce que j’appelle l’ « excision » a considérablement augmenté. Ce corpus reste malgré tout assez peu exploré et ne parvient pas à rivaliser avec la masse d’informations disponibles par le biais d’organisations militantes et de réseaux médiatiques, ainsi que les recherches menées en droit, sociologie et anthropologie culturelle. Bettina Shell-Duncan et Ylva Hernlund, directrices du livre-phareFemale Circoncision in 8 Africa, situent justement la controverse de l’excision au cœur de « débats très chargés en émotion et impliquant les questions du relativisme culturel, des droits humains internationaux, du racisme et de l’impérialisme occidental, de la médicalisation, de la sexualité, et de l’oppression patriarcale des femmes, provoquant ainsi une poussée 9 de discussion et d’écriture sur le sujet » . Étonnamment, l’« écriture sur le sujet » n’inclut pas la littérature. Pourtant, la littérature demeure un espace privilégié où des voix de femmes peuvent se faire entendre, davantage encore dans les récits de femmes écrits à la première personne, que j’appellerai ici « textes expérientiels ». La notion devoixest une métaphore connue des discours et savoirs féministes, dont on a certes un peu trop usé, mais selon Kathy Davis (1994), y avoir recours est malgré tout la meilleure façon d’exprimer « ce que les femmes sentent et savent véritablement plutôt que ce qu’elles sont censées sentir et savoir lorsqu’elles sont soumises à des 10 relations de pouvoir patriarcales » . L’expression « donner voix » prend ainsi tout son sens lorsqu’une femme africaine, généralement peu aux faits des coutumes de l’Occident, fait le récit de son 11 expérience de l’excision à une amanuensis occidentale . Il apparaît essentiel également pour les écrivaines africaines de dire leur expérience de l’excision à la première personne afin de corriger les perceptions erronées des Occidentaux sur la représentation que les Africaines se font d’elles-mêmes. À titre d’exemple, mentionnons 8 Bettina Shell-Duncan et Ylva Hernlund (dir.),Female « Circoncision » in Africa : Culture, Controversy and Change, Boulder, Lynne Rienner, 2000. 9 Ibid., p. 1. 10  Le concept de « voix » apparaît dans l’ouvrage dirigé par Mary Field Belenkiet al.,: The Development of Self, Voice and MindWomen’s Ways of Knowing , New York, Basic Books, 1986, et dans l’ouvrage de Carol Gilligan,In a Different Voice : Psychological Theory and Women’s Development, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1982. 11 Je distingue l’amanuensis, c’est-à-dire la personne qui transcrit le texte dicté, du « nègre » (ghostwriter) qui écrit en lieu et place de l’auteur.
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