L Eloquence du silence
106 pages
Français

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L'Eloquence du silence , livre ebook

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Description

La création au XXème siècle trouve ses motivations dans la découverte et l'exploration d'une évidence : l'image n'est pas ce qu'elle montre et la parole n'est pas ce qu'elle dit. Depuis, la littérature porte en elle cette imprescriptible scission. Litote d'un monde qui la déborde, la littérature offre aux écrivains deux postulats esthétiques, l'un de tout dire pour "qu'on en parle plus", et l'autre de parler à l'économie et même de se taire dans l'espoir d'atteindre l'absolu du dire.

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Publié par
Date de parution 01 février 2009
Nombre de lectures 85
EAN13 9782336280820
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0474€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Critiques Littéraires
Collection dirigée par Maguy Albet
Dernières parutions
Chantal Magalie MBAZOO KASSA, La femme et ses images dans le roman gabonais , 2009.
Henri VERGNIOLLE DE CHANTAL, Tchekhov : rêverie et liberté , 2009.
Marie-Françoise CANEROT et Michèle RACLOT, Julien Green : Littérature et spiritualité , 2009.
Rodolphe SOLBIAC, Neil Bissoondath : migration multiculturalisme dans l’œuvre , 2009
Jean-Yves MAGDELAINE, Les chasseurs d’espaces. De l’explorateur des espaces géographiques au nomade sédentaire , 2009.
Kensuke KUMAGAI, La Fête selon Mallarmé , 2008.
Michel LANTELME, Le Roman contemporain, Janus postmoderne , 2008.
Aline LARADJI, La légende de Roland. De la genèse française à l’épuisement de la figure du héros en Italie , 2008.
Mariella AITA, Simone SCHWARZ-BART dans la poétique du réel merveilleux. Essai sur l’imaginaire antillais , 2008.
Maurice COUQUIAUD, Chroniques de l’étonnement. De la science au poème , 2008.
Dahouda KANATÉ et Sélom K. GBANOU (Sous la direction de), Mémoires et identités dans les littératures francophones , 2008.
Sandra GLATIGNY, Mythe et lyrisme dans l’œuvre de Gérard de Nerval , 2008.
Jean JONASSAINT, Typo/Topo/Poéthique sur Frankétienne , 2008.
Cheikh Mouhamadou DIOP, Fondements et représentations identitaires chez Ahmadou Kourouma, Tahar Ben Jelloun et Abdourahman Waberi , 2008.
René HÉNANE, Les armes miraculeuses d’Aimé CÉSAIRE. Une étude critique , 2008.
Christine DUPOUY, L’art du peu , 2008.
L'Eloquence du silence

Rachel Boué
DU MÊME AUTEUR
Nathalie Sarraute, la sensation enquête de parole,
L’Harmattan, 1997.
Parcours de lecture, « Enfance » , Bertrand Lacoste, 2000.
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296073609
EAN : 9782296073609
Sommaire
Critiques Littéraires Page de titre DU MÊME AUTEUR Page de Copyright Dedicace Avant-propos Le silence comme chant du monde chez Rainer Maria Rilke Le souffle poétique du néant chez Paul Celan La peur du silence chez Samuel Beckett - Avertissement Du tropisme à la mystique de l’écriture chez Nathalie Sarraute - Avertissement Le silence comme lieu romanesque chez Marguerite Duras Le silence bavard de la littérature contemporaine chez Pascal Guignard, Valère Novarina et Frédéric-Yves Jeannet Conclusion Textes cités
A Daniel, Elias et Sophie
« Ce silence du sens que les mots véhiculent »
Maurice Merleau-Ponty
Avant-propos
Depuis la fin du XIXème siècle, le doute est entré dans le champ littéraire. Hölderlin, Mallarmé et Rimbaud, ne croyant plus à la vertu des mots et de la grammaire, ont vu dans la langue même un obstacle à l’expression. A leur suite, s’opère une mutation du rapport au langage, qui va gagner tous les genres et entraîner des bouleversements structurels et ontologiques dans le champs littéraires et artistiques. Avec la poésie Dada, le théâtre de Ionesco et plus tard le Nouveau roman, la langue perd sa relation d’évidence au monde et au sens. Le phénomène n’est pas limité à la littérature française. Dans d’autres langues, Rilke, Joyce, Borges ont à jamais posé l’écriture comme un acte d’interrogation sur ses facultés. Le thème spécifique du silence, en tant qu’envers de la parole, s’inscrit dans cette ère de réflexion sur l’écriture qui a influencé les pratiques littéraires jusqu’à aujourd’hui.
La mise en question des moyens d’expression révèle une crise de la représentation. La fin de la jouissance et de la croyance en l’illusion d’une représentation possible du monde marque une rupture épistémologique et eschatologique : représentation et signification ne sont plus considérées comme finalité de l’art ou de la parole. La création au XXème siècle trouve ses motivations dans la découverte et l’exploration d’une évidence : l’image n’est pas ce qu’elle montre et la parole n’est pas ce qu’elle dit 1 .
Depuis, la littérature porte en elle cette imprescriptible scission. C’est au creux de cette fissure que s’inscrit désormais le geste d’écrire. Litote d’un monde qui la déborde, la littérature offre aux écrivains deux postulats esthétiques, l’un de tout dire pour « qu’on n’en parle plus » 2 , et l’autre de parler à l’économie, et même de se taire, comme le fit le Lord Chandos d’Hofmannsthal 3 , dans l’espoir d’atteindre l’absolu du dire.
De ce dilemme entre dire et taire, naît une littérature, non pas tant préoccupée d’elle-même et en proie au doute, mais plutôt capable de dire ce qu’elle n’arrive pas à être. Ce sont ces postures paradoxales de la parole que nous appelons silence . Le paradoxe tient à ce que l’exploration des limites du dicible ne conduit pas à l’extinction de l’écriture mais au contraire à sa confirmation littéraire. Le silence , c’est-à-dire ce que l’écriture ne peut pas être, est bien ce qui fonde la parole littéraire, animée d’un désir de surpassement. C’est cette dimension trans-langagière que nous allons étudier chez Rilke, Celan, Beckett, Sarraute, Duras et chez trois écrivains contemporains, Pascal Quignard, Valère Novarina et Frédéric-Yves Jeannet.
La disparité apparente de ce choix d’écrivains pour illustrer la problématique littéraire du silence est volontaire. D’une part, elle vise à montrer, au-delà des différences d’époques, de langues (l’allemand, le français, ou l’anglais) et de genres (poésie ou prose), que le silence est étroitement lié à l’écriture, peut-être autant qu’à la musique. Mais si, pour cette dernière, le silence est ce qui permet aux sons d’exister distinctement, pour l’écriture il représente l’impossible achèvement en ce que celle-ci est à la fois son antidote et son porte-parole. Écrire, dans quelle que langue que ce soit, est, en effet, un acte d’une intentionnalité contradictoire puisqu’il s’agit de dire et de taire le silence. Dès lors, en effet, que la parole essaie de faire entendre le silence, elle l’annihile. Cette situation syllogistique dans laquelle l’écriture se trouve est génératrice d’une tension créatrice que beaucoup d’écrivains du XXème siècle ont choisi d’explorer. C’est donc l’empreinte de cette énergie éloquente du silence que j’ai étudiée dans les textes choisis.
Chez Rilke, Celan, Beckett, Sarraute et, à certains égards, Duras, le silence est abordé comme une exigence formelle qui s’inscrit dans la matérialité des textes. Tandis que chez Pascal Quignard, Valère Novarina et Frédéric-Yves Jeannet, le silence est l’objet d’une interrogation sur les fondements du langage et les raisons de la parole.
Ce passage d’un traitement esthétique du silence à une approche ontologique de celui-ci chez les écrivains du XXIè siècle est peut-être l’indice d’un tournant épistémologique dans la littérature contemporaine. La vigueur d’écriture de Pascal Quignard et de Valère Novarina et de Frédéric-Yves Jeannet 4 semble indiquer que ces écrivains ne doutent plus de la forme et du sens, mais qu’ils croient de nouveau en leur pouvoir. Le culte des limites et de la littérature impossible, qui a régné comme credo esthétique tout au long du XXème siècle, n’est plus une préoccupation scripturaire. Si le questionnement sur l’entourage non-verbal de la parole demeure 5 , il se déplace aujourd’hui dans le champ de la réflexion, qui revient comme une des finalités possibles de l’écriture.
Le premier écrivain à avoir éprouvé l’ineptie du conflit entre la langue et ses limites est Rilke qui, après les dix années de silence dans lequel l’impasse des Cahiers de Malte Laurids Brigge l’avait plongé, écrit Les Elégies de Duino et Les Sonnets à Orphée, en inversant la problématique : au lieu de confronter la langue à l’impossibilité de dire les choses telles qu’elles sont, il fait de la vie une affaire de langage, louant ainsi le monde et la parole comme une même chose, que Rilke nomme la chose-poème, « Dingegedichte ».
Notre essai commence donc chronologiquement par l’auteur le plus ancien et aussi par le plus avant-gardiste sur cette question du silence. Dès les années vingt, Les Elégies de Duino et Les Sonnets à Orphée ont assimilé et dépassé le doute qui s’est emparé de la littérature au XXème siècle. Rilke représente ainsi l’emblème du paradoxe que cet essai cherche à mettre au jour : la nécessaire oralité du silence - question presque théologique, qui indéniablement hante l’écriture de Marguerite Duras et même détermine, en des termes plus explicites, la poétique de Valère Novarina. Cet essai

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