L imaginaire du désert au XXème siècle
193 pages
Français

L'imaginaire du désert au XXème siècle , livre ebook

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193 pages
Français

Description

Avec la fin du temps des explorations, le développement des moyens de transport et celui du tourisme, quels discours sont encore possibles sur le désert, qu'il soit de sable, de pierre ou de glace ? Cet ouvrage se propose d'envisager les facteurs historiques, politiques, culturels et religieux qui entrent en jeu, tout autant que les fondements philosophiques de la relation de l'homme au désert. Et il met également en évidence la force poétique de cet espace, porteur de tous les possibles...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 153
EAN13 9782296230279
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Introduction
JaëlGrave
Université d’Artois –Centre de recherches «Textes etcultures »
Désert des explorateurs, des scientifiques, des mystiques, des
artistes, des colons ou des nomades ; espace que l’on traverse,
conquiert ou habite, objet d’investigation, d’étude, de description, tel
eest le désert.LeXIX fut sansaucun doute plus que toutautre le siècle
où on se l’appropria. Flaubert, Gautier, Fromentin, Caillié, Rimbaud
furent quelques-uns des écrivains fascinés par ces vastes espaces
originels,à la minéralité saisissante.S’yajoutèrent lescarnets de route
d’un Barth, d’un Duveyrier ou d’un Douls. Mais un siècle plus tard,
que restait-il à dire sur le désert? Ce discours était-il condamné à la
stérile répétition, l’imaginaire du désert fonctionnerait-il à vide, en
échoaux vers deBaudelaire dans«LeVoyage» :
Amer savoir,celui qu’on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit,aujourd’hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image:
Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui !
Au fil du temps, un autre défi s’impose à qui tente de parler du
désert. Les espaces vierges de toute présence humaine s’amenuisent,
des déserts brûlants du Sud ou de l’Arizona à ceux glacés du grand
Nord. Il ne s’agit donc pas seulement de s’interroger sur l’évolution
des représentations du désert, des valeurs, des symboles dont il peut
être porteur. L’existence même de l’objet en question – le désert en
tant qu’espace vide d’humain – se trouve menacée.Le développement
du tourisme, les progrès des transports, l’exploitation des ressources
de la planète rendenta priori perplexes quantaux possibilités laissées
à l’imagination d’investir encore l’espace désertique.
ePourtant le désert n’a pas abdiqué. Alors que la littérature du XX
siècle se tournait vers d’autres espaces, intérieurs ceux-ci – la vie
psychique, l’inconscient, les rêves – les récits d’explorateurs, de
mystiques et de militaires n’ont pas disparu pour autant. Au nombrede ces écrits, venant remettre en cause lacivilisation occidentale,Le
Voyage du centurion de Psichari (1916) remporte un franc succès.
JosephPeyré, Saint-Exupéry, Frison-Roche situent au Sahara
certaines de leurs œuvres les plus célèbres. Un Théodore Monod ne
dissocie pas observation scientifique et quête spirituelle.
Quant aux écrivains du désert qui participent eux-mêmes aux
avancées technologiques, leur expérience, au lieu de détruire le rêve,
le nourrit, enrichit l’imaginaire. C’est le cas pour Saint-Exupéry qui,
avec l’Aéropostale, survole le Sahara comme les déserts andins ou
encore pour Frison-Roche qui fait partie des missions Berliet au
Ténéré-Tchad. C’est que, derrière les enjeux externes affichés,
d’autres se laissent lire en filigrane.
Mais les vrais voyageurs sontceux-là seuls qui partent
Pour partir[…]
L’Aventure n’est-elle pas ce qui est susceptible d’arriver,
conformément au sens étymologique, ce qu’on laisse advenir plutôt
quece que l’on recherche ?Le surréalisme est passé par là…
L’appel des vastes espaces se fait toujours entendre mais le voyage
n’est pas pré-orienté. S’ils conjuguent inlassablement le verbe aller,
les écrivains du désert en rappellent l’intransitivité fondamentale: ni
mission scientifique ni défense de la patrie ni œuvre missionnaire, le
sens n’est pas prédéfini. En cela, à leur itinérance correspond le
caractère dynamique de l’imaginaire, non pas réservoir d’images, mais
processus. Le discours sur le désert échappe ainsi à l’enfermement
dans un carcan de clichés. Si les topoï affleurent parfois dans les
textes, répondant aux attentes des lecteurs de l’époque, le désert
apparaît de plus en plus souvent comme espace de possible, par les
rencontres qu’il suscite, les métamorphoses qu’il fait advenir et par la
naissance de l’écriture. Un véritable actant en somme. Plus encore,
l’imaginaire du désert n’est pas l’apanage d’écrivains voyageurs,
l’ayant côtoyé de près ou de loin. Ilhante l’imaginaire collectif, y
compris à travers le cinéma ou la photographie. Par sa vastitude qui
ouvre le champ des possibles, par les signes qu’il donne à lire, il
renvoieà l’activitécréatrice de l’artiste.Lieu d’invention, decréation,
de renouveau perpétuel, lieu de l’imaginaire par excellence
Aussi la journée d’études organisée le 23 janvier 2008 à
l’université d’Artois par l’équipe d’accueil «Textes et cultures »
6es’intitulait-elle L’imaginaire du désert au XX siècle. Elle se situait
dans la continuité de l’Année internationale des déserts en 2006 et de
1la parution du Livre des déserts , véritable somme encyclopédique
consacrée aux déserts, qui à leur description physique joignait une
anthologie rassemblant les points de vue d’écrivains, de philosophes,
de religieux ou d’historiens ou de savants. Ce volume réunit les actes
de cette journée, enrichis par une contribution relative à l’œuvre de
Saint-Exupéry.
Littérature, peinture, cinéma ou publicité: tous convoquent un
certain nombre de stéréotypes lorsqu’il s’agit de représenter le désert.
De fait, l’imaginaire du désert se structure autour de quelques
invariants: le sable, la dune et l'erg ; la pierre et le reg ; lechameau, la
caravane et la piste ; l'eau, le puits et l'oasis ; le vent et le silence ; la
lumière et les mirages. Toutefois, ils sont chargés de connotations
affectives, idéologiques et symboliques. Charlotte de Montigny
rappelle qu’étudier l’imaginaire du désert implique de prendre en
considération un arrière-plan qui peut être historique, politique,
religieux, métaphysiqueou culturel. Sa contribution sensibilise à la
symbolique et la poésie des éléments, elle pointe du doigt là où le
mytheaffleure ; et par la diversité de ses références trace la piste…
Ainsi, Marie Gautheron revient sur l’évolution des horizons
d’attente, à propos de l’œuvre de Vieuchange, Smara, depuis sa
parution en 1932 jusqu’à l’édition de 1990. La première publication,
sur arrière-plan de récits qui élaborent le mythe saharien, répond aux
idéologies de l’époque et aux topoï de l’exotisme saharien ambiant –
comme en témoignent les corrections de Jean qu’elle étudie – alors
que l’édition de 1990 cherche à esthétiser la figure de Michel.
Pourtant l’exploration du texte révèle ses véritables enjeux. Michel,
qui ne voit presque rien du désert, caché qu’il est, n’a rien du héros.
Aux idéologies et à la dépiction se substituent l’épreuve physique,
l’expérience sensible, solipsiste,celle d’uncorps.En outre, le récit de
rêve invite à considérer le voyage davantage comme une quête
intérieure, dépourvu des enjeux externes assignés aux expéditions de
l’époque,ce qui l’apparenteauxavant-gardesartistiques.EnfinSmara
propose une résolution originale, par l’écriture à deux voix, de
l’impasse autobiographique. Lieu de naissance autant que de mort à
soi, le désertconcrétise l’écart entre le voyageur et l’auteur du livre.
1
Sous la direction deBrunoDoucey,RobertLaffont,Bouquins, 2006.
7Les contributions suivantes s’intéressent à des œuvres marquées
par l’arrière-plancolonial.Mais là encore les images ne surgissent pas
toutes faites. Ainsi c’est l’expérience du pilote Saint-Exupéry qui
donne sens à sa découverte du Sahara. Thierry Spas montre à quel
point l’imaginaire du désert se forme par une expérience sensible,
sensorielle, physique. Le désert est appris, révélé, vécu, dans sa
matérialité. En ce sens, il n’est ni isolement ni stérilité. Sa matière et
sa minéralité confèrent toute sa valeur à l’action humaine fertilisante.
La solitude rév&

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