L indicible dans l espace franco-germanique au XX siècle
272 pages
Français

L'indicible dans l'espace franco-germanique au XX siècle , livre ebook

-

272 pages
Français

Description

L'indicible devient très vite au vingtième siècle une des modalités du dire littéraire. Mais il faut également analyser la notion dans les liens qu'elle entretient avec la psychanalyse de Freud ou de Lacan. Ou avec le genre de l'écriture de l'intime par excellence: le journal. Après la Seconde Guerre mondiale en tout cas, on ne peut plus l'évoquer sans faire surgir l'horreur d'Auschwitz. Ce livre cherche à cerner les modes très différents dont des écrivains autrichiens, allemands, juifs de langue allemande, français, hongrois inscrivirent le génocide dans leurs œuvres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2004
Nombre de lectures 260
EAN13 9782296374256
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'INDICIBLELes Mondes germaniques
Collection dirigée par Françoise Rétif et Gérard Laudin
La collection Les Mondes gernlaniques publie des études
concen1ant l'histoire culturelle et politique des pays germanophones,
la littérature et les mouvements d'idées, en privilégiant une approche
interdisciplinaire à l'articulation de la littérature, de la linguistique, de
la philosophie et de I'histoire. Si elle est largement ouverte aux
travaux portant sur les Allemagnes, l'Autriche et la Suisse depuis
1945, elle se dOlll1eune double perspective, à la fois diachronique et
synchronique, et se propose donc aussi d'investiguer le passé,
singulièrement dans les rapports qu'il entretient avec les enjeux
présents. Les transferts culturels entre les pays de langue allemande et
leurs voisins, ainsi que leur insertion dans l'espace européen, seront
l' objet d'tu1eattention particulière.
Déjà paru
TUNNER Erika, Les littératures allemandes et
autrichiennes du .XYe siècle. Carrefours de rencontres. De
Stefan Zweig à Christa Wolf, 2004.
TUNNER Erika, Thomas Bernhard. Un joyeux
mélancolique, 2004.
@L'Hannatlan,2004
ISBN: 2-7475-7158-0
EAN : 9782747571586Sous la direction de
Françoise RÉTIF
L'INDICIBLE
dans l'espace franco-germanique
au.Kr siècle
L'Harmattan Harmattan Künyvesbolt L'Harmattan Italia
5-7, rue de l'École-Polyteclmique 1053 Budapest, Via Degli Artisti, 15
75005 Paris Kossuth L.u. 14-16 10124 Torino
FRANCE HONGRIE ITALIELes textes réunis dans ce volume ont été présentés lors de deux
journées d'études, les 27 et 28 novembre 2003 à Rouen.
Ces journées d'études furent la première manifestation du CR2A,
Centre de recherches sur l'Autriche et l'Allemagne nouvellement créé
à l'Université de Rouen. Elles réunirent un certain nombre de
chercheurs de ce centre.
Que soient remerciés ici tous les participants et auteurs, en
particulier Florence Bancaud et Karine Winkelvoss qui m'ont aidée
dans l'organisation de cette manifestation.
Rouen, juin 2004
Françoise RétifPREFACE
Françoise Rétif
La notion d'indicible appartenait à l'origine au vocabulaire
religieux. Dans la tradition hébraïque, le nom de Dieu, le tétragramme
YHWH, est imprononçable. Le nom est à la fois révélé et indicible:
ce qui est donné par les consonnes est soustrait par le vide entre elles.
Révélation et occultation, présence et absence, dicible et indicible sont
indissociablement mêlés.
Cette notion complexe habite depuis toujours la pensée et la
littérature, variant nécessairement au cours des siècles et de l'histoire.
Nous avons choisi de limiter résolument le sujet en cherchant à cerner
les mutations de l'indicible au XXe siècle dans l'espace
francogermanique. Toutefois, sans remonter jusqu'aux origines, on ne peut
pas ne pas interroger l'évolution de la notion à l'aube de l'ère
moderne, au XVIIIe siècle.
La sécularisation de la pensée religieuse au XVIIIe siècle n'est pas
sans répercussion sur le sens du mot, qui se vide peu à peu de son
contenu originel. Comme le montre Gérard Laudin dans son parcours
à travers différents textes, l'indicible, au temps des Lumières, renvoie
moins à l'extase religieuse qu'à une intensité de sentiments,
d'émotions, d'états d'âme, qui procurent à l'homme le sentiment
d'ineffable; ainsi l'adjectif semble-t-il avoir contribué à« une
démarche intellectuelle» qui finit par reconnaître que la «
sensationperception est un acte cognitif». Pour l'homme des Lumières qu'est
Freud, le « sentiment océanique », que Romain Rolland associe à
l'ineffable mystique, ne peut avoir d'autre origine que psychique.8 L'indicible
Après avoir, à peu près à la même époque, été exclu du domaine
philosophique par Wittgenstein, l'indicible n'échappe pas à la
rationalisation psychanalytique: il apparaît comme n'étant rien
d'autre que « ce qui, à se répéter, se dit et ne se dit pas », selon la
formulation de Fernand Cambon, c'est-à-dire en quelque sorte le
retour du refoulé; à ce titre, il est appelé, dans l'absolu, à devenir
conscient et à être dit. Lacan, différemment de Freud, « dira que le
réel, le trauma, la jouissance font trou dans le tissu signifiant». Les
signifiants, ainsi d'ailleurs que les représentations, ne peuvent certes
dire, mais du moins venir « border» le trou en question.
Très proche de l'indicible est en effet la notion d'irreprésentable;
elles étaient toutes deux liées dans la tradition hébraïque, puisqu'à
l'imprononçable du nom de Dieu s'ajoutait l'interdit biblique de la
représentation. Notons que Jean-Luc Nancy remarque à ce propos,
dans un article de la revue Le Genre humain paru en 2001, que c'est
moins la représentation qui est proscrite que celle de la « présence
intégrale »1. L'interdit est l'expression d'un Dieu « qui ne s'en prend
nullement à l'image, mais qui (dans un cas comme dans l'autre) ne
donne sa vérité que dans le retrait de sa présence». De façon bien
différente mais cependant comparable, l'idéalité grecque abaisse les
formes ou images intelligibles au rang de reflets dégradés de l'Idée.
Ce lien originel entre indicible et irreprésentable apparaît
nettement dans la poésie de Rilke, plus précisément dans sa
conception de la figure - mais pour y être déconstruit. Karine
Winkelvoss met à bas en premier lieu l'idée selon laquelle l'indicible
rilkéen relèverait de l'Idée ou d'une quelconque transcendance. Selon
elle, il est tout entier immanence: « l'indicible et l'intangible ne sont
justement pas un au-delà désincarné, immatériel, abstrait, mais
exactement le contraire - l'ici-bas du corps, de la sexualité ». Par
ailleurs, la conception selon laquelle invisible et indicible seraient
associés est également remise en question. Il apparaît en effet au
contraire que « ce qui, dans le langage, fait silence, s'avère être
exactement aussi ce qui fait image ». L'image peut donc déjà être
considérée, dans la poésie de Rilke, comme une forme de
représentation de l'indicible, sa visée poétique étant « d'articuler le
dehors et le dedans du langage».
1
L'Art et la mémoire des camps, sous la direction de J.L. Nancy, Paris, Seuil, décembre
2001, p. 18.Préface 9
Après la Seconde Guerre mondiale, on ne peut plus évoquer
l'indicible sans faire surgir l'horreur de la Shoah - ce volume en
témoigne: l'ombre de la Shoah y est partout présente. « Le mot
indicible peut difficilement être prononcé aujourd'hui sans faire
référence à l'univers concentrationnaire qui a blessé le cœur de
l'Europe civilisée en plein XXe siècle », remarque Françoise Collin
analysant ce qui rapproche et ce qui différencie la déconstruction du
Discours telle que la menèrent, chacun à sa façon, Hannah Arendt et
Maurice Blanchot, ainsi que leur analyse du nécessaire et
problématique témoignage sur la Shoah. La conception de la « parole
fragmentaire» semble toutefois, au moins chez Blanchot, précéder la
réflexion sur l'univers concentrationnaire des camps. Est-ce là la
conséquence de l'expérience fondamentale, originelle de la « mort
désormais toujours en instance », telle qu'il la vécut très tôt, mais ne la
donnera à voir que bien plus tard dans L'Instant de ma mort? En tout
cas, c'est bien la béance terrible de la mort qui (ré)introduit, en ce
milieu du XXe siècle, l'indicible dans le corps même du dit, « le
discours apparai(ssant) comme un cours toujours interrompu - pur
mouvement du différé» et ouvrant ainsi la voie à la pensée
postmoderne.
C'est d'une tout autre façon que Theodor W. Adorno réfléchit sur
l'indicible, dont il fit un synonyme de Shoah. Dans ses œuvres
majeures, cette notion lui permit de démasquer la barbarie de la
culture dont l'Occident s'est toujours glorifié. Mais, « comme Adorno
ne se limite jamais à la polémique », Norbert Waszek s'a

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents