La Genealogie du deracinement
140 pages
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Description

Comment habitons-nous, dans la Nord-Amérique? Quelle est notre manière collective d'être sur cette terre et comment en tirons-nous notre subsistance? L'ouvrage propose une enquête géophilosophique sur l'habitation postcoloniale, qui fait apparaître le vécu spatial contemporain comme un mouvement général de déracinement. Ce mouvement correspond au processus de colonisation et à la révolution industrielle, dont l'habitat actuel est le résidu.
L'autrice met au jour les forces, les valeurs et les formes de cet arrachement, en même temps qu'elle examine celles de la résistance à cette tendance, exposant ainsi les tensions du rapport à la territorialité. La méthode retenue, transdisciplinaire, réunit l'analyse du discours, l'auto-ethnographie, la documentation photographique, l'histoire des idées, la critique littéraire et l'analyse phénoménologique : une démarche inédite et fructueuse, qui débouche sur une poétique de l'espace.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 janvier 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760639904
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DALIE GIROUX
La généalogie du déracinement
Enquête sur l’habitation postcoloniale
Les Presses de l’Université de Montréal





Mise en pages: Yolande Martel Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Giroux, Dalie, 1974-, auteur La généalogie du déracinement: enquête sur l’habitation postcoloniale / Dalie Giroux. (Terrains vagues) Comprend des références bibliographiques. Publié en formats imprimé(s) et électronique(s). ISBN 978-2-7606-3988-1 ISBN 978-2-7606-3989-8 (PDF) ISBN 978-2-7606-3990-4 (EPUB) 1. Habitations – Aspect social – Amérique du Nord. 2. Aménagement du territoire – Amérique du Nord. I. Titre. GT203.G57 2018  307.3’36097   C2018-942604-7 C2018-942605-5 Dépôt légal: 1 er trimestre 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2019 www.pum.umontreal.ca Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).



Table des matières
INTRODUCTION
I. HABITER LE CAPITALISME
1. La mécanique des accumulateurs de puissance métropolitains
Cité, Empire, État
Le technocapitalisme et le monde métropolitain
La circulation
Ce qui circule: humains, choses, mots
Corporations et monades
La multiplication des espaces
2. L’être-circulé de l’espace mondialisé
La réception tactile
L’être circulé (espace perçu)
Circuler pour vivre (de l’espace perçu vers l’espace conçu)
Les accumulateurs de puissance (espace conçu)
La sublimation (de l’espace conçu vers l’espace vécu)
3. Sur la fusion de la réalité et de la fiction au XXe siècle
La transparence
Les maux de la technique moderne
La mimétique: un miroir tourné vers le langage
Koyaanisqatsi
Les jeux de miroir géométriques
Post-scriptum: Habiter le métro
4. Du repos à la vitesse zéro
Le terrestre chez Husserl
Voler à la vitesse du son
La radicalisation ontoépistémologique du vol supersonique
Se mouvoir et être mû
La primordialité du repos
La vitesse zéro
Sur notre situation
II. L’ARCHITECTURE DE LA CAPTIVITÉ
5. La phénoménologie de la prise de terre
Le monde selon Heidegger
Husserl et la Terre
La nomologique chez Schmitt
Le geste spatial
L’oubli de l’espace
Quel est le nouveau nomos de la Terre?
6. La fabrication des États-Unis d’Amérique
De la cosmologie
Dieu-Nature, Raison-Économie
Adam et César
La maison américaine
L’espace et la mort
Marquer l’intériorité sauvage
Wild Man of Oroville
Round the Corn, Sally
Nickel and Dimed
The Swan22
7. Le corps et la terre
La mémoire de Listuguj
Carcajou et la naissance de l’Amérique
L’histoire de l’Amérique du point de vue autochtone
Un corps-territoire
8. L’espace de mort et la mémoire de la liberté
«Space of Death»: la vérité narrative de l’État
Les récits de vie et de mort dans le Nouveau Monde
La Spirit Queen et Simón Bolívar
Une vie exemplaire: Tom Three Persons
Le trou (du boucher)
L’état d’État, ruine vivante
Pensée magique
Pouvoir de la parole
Procès d’écriture
Le temps magique
Mimésis
Subversion
Kitsch
Désorcellement
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE


INTRODUCTION
Comment habitons-nous, dans la Nord-Amérique? Quelles sont les formes, les modalités, les nécessités de notre manière collective d’être sur la Terre et d’en tirer notre subsistance? Comment lire politiquement un paysage? Les textes réunis dans cet ouvrage s’inscrivent dans l’horizon d’une enquête géophilosophique sur l’habitation postcoloniale. Il s’agit d’arriver à lire les manifestations du vécu spatial contemporain en suivant les lignes de force d’un mouvement général de déracinement. Plus encore, par une approche généalogique, il s’agit de se donner des outils, des objets, des échelles, un regard et une mémoire qui permettent de rendre visibles au sein de ce mouvement de déracinement les éléments contradictoires, les résistances, les apories – par delà le bien et le mal.
L’histoire de ce mouvement spatial de déracinement correspond globalement au processus de colonisation des Amériques et à la révolution industrielle, dont l’Amérique du Nord est en quelque sorte le résidu. D’où l’idée d’une postcolonialité du territoire, qui est à comprendre non pas comme le territoire tel que nous pourrions l’aborder et l’expérimenter après le colonialisme, mais au contraire comme un territoire constitué de toutes pièces par les forces de déterritorialisation et de reterritorialisation impériales, comme un territoire qui est le résultat d’un processus indéfini de capture et d’expropriation. Est postcolonial ce qui est, aujourd’hui, issu de ce processus et qui est actif dans la production de l’habitable.
Du point de vue de cette généalogie, le vécu spatial contemporain se définit comme le fait non pas d’une vie sur la Terre, mais plutôt comme le fait d’une vie qui s’enracine dans un ensemble de dispositifs objectifs et performatifs d’arrachement des terriens à la Terre. La structure d’habitation, qu’induit, reproduit et radicalise le double accumulateur de puissance que forment les dispositifs agencés du capital et de l’État, se déploie comme structure de déracinement habitable. Elle est constituée d’un système de plateaux d’habitation qui forment des agencements matériels et symboliques complexes, dont l’horizon est la transvaluation, le décollage et l’effort prothétique, et que nous identifions collectivement et paradoxalement comme des lieux d’attache.
Le travail de documentation, de description, d’analyse et d’interprétation de l’habitation américaine contemporaine présenté dans les pages qui suivent est le résultat d’une double enquête, dont les fils restent toujours solidaires. Il s’agit, d’une part, d’une réflexion sur les forces, les valeurs et les structures qui constituent ce mouvement explicite de déracinement. Comment se produit et se reproduit cet arrachement? Comment se manifeste-t-il dans le paysage? Quelles sont les formes de vie fabriquées dans cette mise en œuvre du déracinement habitable? D’autre part, il s’agit de rendre palpable ce qui résiste au sein de ce mouvement: où, comment, et suivant quelles lignes de tension se manifeste un désir du désir de terre? Certainement plus implicite, mineur, éthique plutôt que logique, ce désir vital constitue en quelque sorte l’insécable reste du déracinement.
Nous parlons donc dans cet ouvrage de l’habitation, c’est-à-dire non pas simplement de la relation entre les humains et leur environnement ou de l’habitat au sens strict. L’habitation fait ici référence, en un sens à la fois phénoménologique et anthropologique, à la Terre elle-même en tant qu’ensemble connectif ouvert, où le vivant, l’agencement de l’élément humain et non humain, advient en tant que puissance d’autoproduction et en tant que partie constitutive de cet ensemble. L’habitation n’est pas en ce sens un ensemble de paramètres fixes, objectivables; ce n’est pas un lieu où la vie humaine est possible, séparable de ce que nous sommes, mais bien l’extension poïétique, vécue et imaginée de ce que nous faisons et qui fait que nous vivons.
L’habitation est l’empreinte terrestre de notre imaginaire, la manière dont nous nous constituons, nous pensant, nous projetant, nous rêvant collectivement sur la Terre. Cette habitation, dans laquelle nous sommes toujours engagés, on ne peut en connaître ni le centre ni la périphérie: elle n’est pas une surface, ou un système de lieux – elle ne peut pas faire l’objet d’un plan à l’échelle ou d’une projection. Comme la conscience, l’habitation est une manière d’être pensante, elle ne peut se saisir que dans son mouvement constituant, illimité, indéfini – le penser de l’habitation se trouve toujours déjà dans le fait d’habiter. Il s’agit d’arriver à s’en saisir… au vol.
L’évocation d’un tel objet (vivant, à la fois matériel et symbolique, polymorphe) exige la mise en œuvre d’une méthode qui allie la géographie et la sémiologie, la phénoménologie et la littérature. Elle exige une présence concrète à la spatialité: d’abord par la radicalisation de la conscience de l’espace qui produit le concept qu’est la phénoménologie, mais aussi par les différentes pratiques descriptives et immersives qui favorisent l’établissement de rapports théoriques à des lieux concrets: pensée située, réception tactile, voyage, exercices d’immobilité, préférences, radicalisation, multiplication des images – elle exige de tramer une poétique de l’espace. Dans la quête d’une saisie par l’intérieur du phénomène, c’est l’esprit d’expérimentation qui domine.
Par la force des choses, une telle exploration de l’habitation contemporaine joue d’un regard politique assumé. Cela, parce que la forme et la substance de notre habitation, son énergie et son horizon, sont le fait de rapports de pouvoir. Ils sont l’effet d’entreprises croisées de ruptures autoritaires et de valorisations intensives, et se reproduisent sous le mode de l’appropriation perpétuelle de l’espace et de l’incarcération conséquente de ses temporalités. Nous ne vivons pas de la Terre ou sur la Terre à notre guise: dans l’accès à celle-ci, notre subsistance et sa substance sont non seulement médiatisées (elles le sont toujours), mais aussi capturées, appropriées, et raréfiées. Une architecture économique et politique à la fois fermée (striée) et dynamique (ouverte) agit indifféremment pour tous comme «sol originaire» de l’existence.
L’habitat qui est le nôtre est alors objectif: ses effets sont prévisibles, mais l’objectivation elle-même est un processus historique par lequel des puissances exercent d

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