Mises en crise
248 pages
Français

Mises en crise , livre ebook

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248 pages
Français

Description

L'écriture de la mise en crise a suscité des malaises. Il n'y a cependant pas de difficulté à articuler la guérison désirée et l'intérêt porté à la crise. La mise en crise est une manière de continuer à désirer un autre destin. Le metteur en crise n'est pas un masochiste ni un sadique. Qui sont les auteurs que nous considérons comme tels ? L'objectif de cet ouvrage est de faire connaître les nouveaux et, pour les anciens, de proposer de nouvelles lectures.


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Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2014
Nombre de lectures 53
EAN13 9782336363400
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Sery Bailly
MISES EN CRISE
Essais littéraires sur Bernard DADIÉ, Ahmadou KOUROUMA, Ayi Kwei ARMAIHÉ,A Josette ABONDI2 2
MISES EN CRISE
SERY Bailly
MISES EN CRISE Essais littéraires sur Bernard DADIÉ, Ahmadou KOUROUMA, Ayi Kwei ARMAH, Josette ABONDIO...
Déjà parus : Tiagouri Tapé dit Vraiment (1999) Deux guerres de transition : Guerres civiles américaine et ivoirienne (2003), Ne pas perdre le Nord (2005) Ecrits pour la démocratie (2010). Regards culturels (2010). Porteur d’espoir, Harmattan 2013
INTRODUCTION Peut-on parler de littérature sans continuer de croire en la force des mots ? Nombreux sont ceux qui en Afrique ont succombé ces dernières années à la tentation de recourir aux armes. Il en est ainsi parce qu’ils sont venus à douter de l’action de la parole. Il leur est apparu que seul l’argument de la violence pouvait débloquer les pannes d’alternance et de transition démocratique. Or, la violence a montré ses limites. Elle ne fait que se reproduire et produit plus de morts que de résurrections. Elle ne sait que se répandre comme les métastases d’un cancer social. Les morts ou les mots ? Voilà le nouveau choix qui nous interpelle ! Avec le film The Great Debaters, Oprah Winfrey et Denzel Washington ont proposé au public une célébration de la parole. Pour nous réconcilier durablement avec la parole, nous devons, comme ils l’ont montré, en retracer l’histoire. Si nous voyons à quel moment la pluie a commencé à nous battre, selon la formule de l’écrivain nigérian Chinua Achebe, nous saurons comment sécher à la fois nos larmes et nos corps. La crise est assurément la conscience des drames qui font souffrir, mais elle est surtout la remise en jeu de nos destins individuels et nationaux. I. DAMFO OU ESUMAN ? Dans son roman historique intituléThe Healers, l’écrivain ghanéen Ayi Kwei Armah nous présente deux personnages appelés à choisir entre la connaissance et le pouvoir. Damfo, l’un des deux personnages, se tient à distance de la cour royale, convaincu que tous les thérapeutes doivent adopter cette attitude selon l’un des sept commandements de leur métier. Esuman, l’autre personnage, préfère utiliser ses connaissances pour obtenir des faveurs de la royauté. Chaque intellectuel est appelé à choisir entre ces deux positions. Il n’y a aucune chance que je m’identifie à Esuman. Je ne partage pas ses valeurs ni ne vois aucune raison de collaborer avec des personnages aussi répugnants que ceux qui incarnent la royauté. En revanche, je comprends bien les motivations de Damfo et les tentations contre lesquelles il veut nous prévenir et protéger. Il a raison de vivre dans la forêt de l’Est qui promet à la fois la sécurité et
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la renaissance à chaque lever de soleil. Ce point cardinal est opposé à l’Ouest où les valeurs se couchent avec l’astre solaire. C’est à l’Ouest que se trouve le désert égoïste qui ne sait pas partager mais est assez fort pour puiser et épuiser l’énergie des autres. Je vois cependant qu’à la fin, Damfo participera à la défense de Kumasi contre l’invasion des troupes britanniques. Il remet Asamoa Nkwanta sur pieds pour qu’il conduise les guerriers ashantis au combat. Il s’implique dans le travail de libération qu’il appelle guérison. En effet, le travail des thérapeutes consiste à guérir les esprits davantage que les corps malades. C’est dans ces esprits remis à l’endroit, débarrassés de tout complexe, que la liberté peut s’enraciner et se reproduire. L’ascétisme qui accompagne son engagement n’est pas facile à vivre pour tous les hommes. Il le sait et le comprend. La seule exigence véritable de Damfo, c’est de pouvoir distinguer entre le temps des semailles et celui de la moisson. Cela permet de faire les sacrifices nécessaires et d’éviter les divisions et conflits qu’entraîne la convoitise des biens matériels. Ces derniers, en effet, ont conduit Esuman à sa perte après la chute de ses protecteurs. Il a compromis ses valeurs pour d’autres, moins durables, plus difficiles à défendre. Damfo sait que le destin d’Esuman n’est pas une fatalité. Tous ceux qui vont à la cour ne sont pas des courtisans. Il n’aurait pas permis à Asamoa Nkwanta de retourner à la cour. Il ne se fait pas beaucoup d’illusion mais pouvait-il demeurer insensible au sort de l’Ashanti ? Il était sans doute aussi convaincu qu’une occasion s’offrait au jeune Densu de connaître de près la nature de l’aristocratie et d’apprendre pourquoi la collaboration est impossible avec elle. Damfo comprendra alors que je m’intéresse à la promotion de valeurs comme la justice, la vérité et la raison, aussi bien dans l’ensemble de la société que parmi les élites dirigeantes. Sur ses traces, j’ai participé à diverses actions menées par mes congénères pour éclairer les esprits de nos compatriotes dans les domaines de l’activité culturelle, syndicale et politique. Mon expérience personnelle m’a permis d’avoir une idée concrète de la crise de la démocratie en Afrique et des efforts investis pour l’en guérir. Le danger de se compromettre est réel mais les thérapeutes doivent-ils douter de leur propre capacité de résistance, se priver des connaissances pratiques qui leur permettront de poursuivre leur combat ? Ils sont gardiens à la fois de la mémoire des luttes du passé et de l’espoir d’un monde plus ouvert et plus gratifiant. Ils sont
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médiateurs entre les hommes d’action et les poètes, entre ceux qui chantent la geste des anciens et ceux qui rêvent et prophétisent, entre des hommes pratiques et des visionnaires. Il en est ainsi parce qu’ils ont su les accompagner sur le chemin du courage dans le voyage de l’espoir. II. NATIONALISTES ENSEMBLE Nous savons que les poètes et les politiciens ont commencé ce voyage ensemble. En 1956 en France et en 1959 en Italie, ils se sont retrouvés en congrès pour définir la voie à suivre. Césaire était là. Senghor était là. Sékou était aussi là. Neto était médecin, homme politique mais aussi poète. Ils savaient tous que le chemin était parsemé d’embûches mais ils étaient sûrs du soutien de leurs peuples. En tout cas, les poètes ont chanté les nouveaux rivages de l’indépendance. Ils ont même dansé lecha cha cha, selon le romancier nigérian Chinua Achebe. Aucun nuage ne permettait de douter que la fraternité et l’harmonie continueraient encore longtemps. Dans sa pièceThe Black Hermit,le kényan Ngugi reconnaîtra que les Africains ne pouvaient imaginer que leurs propres frères puissent les soumettre à des traitements humiliants et douloureux. Ceux qui avaient combattu ensemble ne pouvaient s’entretuer. L’histoire du pouvoir dans le monde était connue mais nous avons pensé que l’Afrique ferait exception. Comme dirait le tunisienne Hélé Béji (Le désenchantement national),le temps de l’éblouissement c’était nationaliste. III. LES CHEMINS SE SÉPARENT Le réalisme, le cynisme et même la soif du pouvoir vont éprouver l’unité des poètes et des politiciens. L’exercice du pouvoir a ses exigences. Il y a des décisions dramatiques à prendre. Senghor a su rendre la tragédie de Chaka qui a cru devoir sacrifier sa bien aimée Nolivé parce que le pouvoir l’exigeait. Si elle a perdu la vie, les autres pouvaient perdre la leur ou tout au moins leur liberté dans d’obscures geôles. En quoi alors celle d’Assabou, du camp Boiro étaient-elles différentes des autres, notamment celle de Grand-Bassam ? Il s’agit toujours pour le pouvoir de se maintenir et de se reproduire. Tel semble être devenu le but exclusif du pouvoir !
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