Réécriture et création dans La Migration des coeurs de Maryse Condé
132 pages
Français

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Réécriture et création dans La Migration des coeurs de Maryse Condé , livre ebook

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Français

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Description

Maryse Condé propose avec son texte La Migration des cœurs une réécriture originale, en français, du chef-d'œuvre d'Emily Brontë, Wuthering Heights. L'ouvrage est une étude comparée de ces deux textes, qui tente de mettre en évidence le travail de transformation et de création effectué par la romancière antillaise et d'en dégager l'intérêt. En effet, Maryse Condé adapte l'histoire inventée par sa devancière en l'implantant en Guadeloupe, à la fin du XIXe siècle, dans la société d'après esclavage.

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Informations

Publié par
Date de parution 15 février 2016
Nombre de lectures 66
EAN13 9782140001352
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Critiques littéraires
Critiques littéraires
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Titre

Jihad Bahsoun






Réécriture et création dans La Migration des cœurs de Maryse Condé
Copyright

Du même auteur

Et tonne mon cœur ,
CIRRMI Sorbonne Nouvelle – Paris 3,
Vasile Goldis University Press Arad, 2013 (recueil de poèmes)
























© L’Harmattan, 2016
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-75371-3
Introduction
Les œuvres les plus connues de Charlotte et Emily Brontë, Jane Eyre et Wuthering Heights ( Les Hauts de Hurle-Vent ), ont suscité depuis leur parution en 1847 beaucoup d’intérêt dans les milieux littéraires et donné lieu à de nombreuses études. Vers la fin du XX e siècle, elles commencent aussi à inspirer des récits de fiction : parmi ceux-ci, Wide Sargasso Sea ( La Prisonnière des Sargasses ) de Jean Rhys, puis La Migration des cœurs de Maryse Condé et enfin dans une moindre mesure The Eyre Affair ( L’Affaire Jane Eyre ) de Jasper Fforde. Si celui-ci invente une histoire très fantaisiste, Jean Rhys et Maryse Condé nous offrent des romans plus sérieux et personnels, en rapport avec elles-mêmes. Toutes deux originaires des Antilles, elles écrivent chacune un texte étroitement lié à leur univers, mais proche aussi de l’œuvre inspiratrice : ainsi Jean Rhys, écrivain de langue anglaise, imagine dans un roman à deux voix, à la première personne, la vie d’Antoinette Cosway aux Caraïbes, jusqu’à ce qu’elle soit ramenée en Angleterre par son époux Mr Rochester et enfermée dans le manoir de Thornfield. Le sujet de son roman lui est fourni par Jane Eyre , mais son héroïne lui correspond beaucoup, surtout dans l’expression de son attachement à sa terre natale. Quant à Maryse Condé, l’auteur du célèbre Ségou , elle réécrit complètement Wuthering Heights , en français. C’est cette nouvelle version du roman anglais que nous nous proposons d’étudier, en la comparant à son modèle et en essayant d’en dégager l’intérêt.
Cependant, arrêtons-nous sur le fait étrange que les textes des sœurs Brontë inspirent à ce point les romancières antillaises. Comment est-il possible que ces dernières se sentent si proches de Jane Eyre ou Wuthering Heights ? Les écrits brontéens contiennent une puissance diffuse, un élan passionné qui manque rarement de séduire le lecteur ; cette force émanant de leurs compositions, contenue dans chaque page de leurs romans, semble posséder des liens avec l’âme de la Guadeloupe et la Martinique. Est-ce parce que l’Angleterre est une île, tout comme ces deux contrées ? Toujours est-il que la violence des passions dépeinte dans Wuthering Heights , l’énergie brute et pure de Heathcliff, la folie de la prisonnière dans Jane Eyre ont trouvé des échos en l’âme des romancières antillaises ou dans ce qu’elles avaient observé autour d’elles. Les histoires inventées par Charlotte et Emily Brontë ont paru tant correspondre à la mentalité des Caraïbes, Jean Rhys et Maryse Condé ont tellement trouvé que ces histoires-là auraient pu se passer chez elles, qu’elles n’ont pas pu résister à l’envie de s’en inspirer et de les transposer dans leur univers. La première épouse de Mr Rochester, laquelle passe comme une ombre malveillante et peu rassurante dans Jane Eyre – une ombre qui cache une énigme, qui brûle d’un feu secret, ardent et destructeur – et qui doit son caractère troublant et intéressant au talent de Charlotte Brontë, a nourri les fantasmes de Jean Rhys. A partir de quelques détails épars dans le roman anglais, elle invente l’histoire de ce personnage mystérieux et en fait un être profondément lié à son sol natal, qui reconnaît « l’odeur du vétiver et de la frangipane, de la cannelle et du pollen et des limettiers quand ils sont en fleur » 1 même dans la folie et qui rapporte jusqu’en Angleterre l’âme sacrée de la Martinique. Dans La Migration des cœurs , Razyé quant à lui dit à sa maîtresse blanche :
Vous ne pouvez pas comprendre ! Les gens de votre couleur n’ont pas de passion dans leur corps. Ils ne savent pas ce que c’est que de brûler comme du feu en imaginant une personne qui respire, qui mange, qui dort de l’autre côté de la mer, près d’un autre. (p. 21) 2
Et pourtant, Heathcliff n’est pas tout à fait noir même s’il a le teint basané, et Catherine Earnshaw pas tout à fait métisse… Razyé étant une transposition d’Heathcliff, Maryse Condé a donc jugé que les sentiments de ce dernier auraient parfaitement pu être prêtés à un Noir des Antilles, amoureux et délaissé. C’est dire les correspondances entre la fiction brontéenne et la passion, la fièvre propre aux insulaires antillais, décrite habilement par Jean Rhys et Maryse Condé.
Mais une raison encore plus personnelle a déterminé la seconde romancière à réécrire le chef-d’œuvre d’Emily Brontë. De prime abord, l’imagination de cette dernière pourrait sembler à mille lieues de ses préoccupations qui concernent souvent l’Afrique, son histoire, l’esclavage ou les conflits raciaux. Maryse Condé explique ainsi son engouement pour ce texte : « J’étais une enfant très sombre, très solitaire. J’étais toute petite lorsque ma mère est morte, et pendant des années, j’ai essayé de rétablir le contact avec elle. Je la cherchais partout, dans la nature, partout. J’avais peut-être quinze ans et je vivais à la Guadeloupe quand on m’a offert Les Hauts de Hurle-Vent . J’ai eu le sentiment que ce livre avait été écrit pour moi. Je me suis identifiée à Heathcliff, à sa rage de retrouver Cathy après sa mort. » 3 C’est une raison très intime qui lie donc l’adolescente au roman anglais : la perte de sa mère et sa quête par Maryse Condé y trouvent un écho, le désespoir d’Heathcliff. Celui-ci, antipathique à de nombreux lecteurs, apprivoise et charme au contraire la jeune fille ; elle s’y retrouve et en fait son compagnon de souffrance. Mais au lieu d’errer dans les landes du Yorkshire, c’est le sol de la Guadeloupe que son pied foule ; l’espace qu’elle connaît viendra naturellement prendre la place de l’Angleterre dans sa réécriture de Wuthering Heights , et la plupart des personnages de ce livre seront remplacés par des Noirs et des métis. Elle affirmera plus tard avoir adapté à son univers le texte d’Emily Brontë pour prouver « qu’en dépit des différences d’époque, de situation ou d’idéologie, les femmes peuvent communiquer entre elles […]. A un siècle de distance, Emily Brontë peut s’adresser à moi, dit-elle encore. Il fallait

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