Trouver sa place dans le champ littéraire
190 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Trouver sa place dans le champ littéraire , livre ebook

-

190 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Devenir un (grand) écrivain, c'est savoir trouver sa place dans le champ littéraire, se façonner une identité énonciative, à la fois condition et produit d'une œuvre. Ce qui revient à élaborer une paratopie personnelle, produire une figure singulière de l'impossible appartenance de l'écrivain à la société. Bien peu y parviennent. Ce livre met à l'épreuve ce concept de paratopie en comparant les carrières de deux poètes de la fin du XIXe siècle : José Maria de Heredia et Emile du Tiers.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 février 2016
Nombre de lectures 13
EAN13 9782806108241
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Au cœur des textes

Au cœur des textes
Collection dirigée par
Claire STOLZ (Université Paris-Sorbonne)
Parutions récentes :
29.
Anne-Marie PAILLET (dir.). Albert Camus, l’histoire d’un style , 2014
28.
Geneviève SALVAN, Jean ROUAUD. L’écriture et la voix, 2012.
27.
Marianne ALPHANT et Marie-Françoise LEMONNIER-DELPY (dir.), Jude Stéfan. Une vie d’ombre(s) , 2012.
26.
Véronique MONTÉMONT et Catherine VIOLLET, Archives familiales : modes d’emploi. Récits de genèse, 2013.
25.
Jean-Jacques QUELOZ, Philippe Soupault : écriture de soi et lecture d’autrui , 2012.
24.
Anna JAUBERT, Juan Manuel LÓPEZ MUÑOZ, Sophie MARNETTE, Laurence ROSIER et Claire STOLZ, Citations II. Citer pour quoi faire ? Pragmatique de la citation , 2011.
23.
Anna JAUBERT, Juan Manuel LÓPEZ MUÑOZ, Sophie MARNETTE, Laurence ROSIER et Claire STOLZ, Citations I. Citer à travers les formes. Intersémiotique de la citation , 2011.
22.
Geoffrey ZUFFEREY (sous la dir. de), L’autofiction : variations génériques et discursives , 2012.
21.
Claire BADIOU-MONFERRAN (dir.), Il était une fois l’interdisciplinarité. Approches discursives des “contes” de Perrault , 2010.
20.
Olga ANOKHINA (ed.), Multilinguisme et créativité littéraire , 2011.
19.
Samia KASSAB-CHARFI (dir.), Altérité et mutations dans la langue. Pour une stylistique des littératures francophones , 2010.
18.
Françoise SIMONET-TENANT, Journal personnel et correspondance (1785-1939) ou les affinités électives , 2009.
17.
Jean-Michel ADAM et Ute HEIDMANN, Le texte littéraire. Pour une approche interdisciplinaire , 2009.
16.
Salah OUESLATI, Le lecteur dans les Poésies de Stéphane Mallarmé , 2009.
15.
Ridha BOURKHIS et Mohammed BENJELLOUN (dir.), La phrase littéraire , 2008.
14.
Véronique MONTÉMONT et Catherine VIOLLET (dir.), Le Moi et ses modèles. Genèse et transtextualités , 2009.
12.
Françoise RULLIER-THEURET, Faut pas pisser sur les vieilles recettes. San-Antonio ou la fascination pour le genre romanesque , 2008.
11.
Lucile GAUDIN et Geneviève SALVAN (dir.), Les registres. Enjeux stylistiques et visées pragmatiques , 2008.
10.
Aurèle CRASSON (dir.), L’édition du manuscrit. De l’archive de création au scriptorium électronique , 2008.
Titre

Dominique Maingueneau








Trouver sa place
dans le champ littéraire
Paratopie et création
Copyright



















D/2016/4910/5
ISBN : 978-2-8061-0265-2

© Academia-L’Harmattan s.a .
Grand’Place, 29
B-1348 L OUVAIN-LA-NEUVE

Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit.


www.editions-academia.be
Introduction
T rouver sa place n’est pas trouver une place quelconque – par exemple un emploi – c’est trouver cette place où l’on a le sentiment de « s’épanouir », de « se réaliser », de « donner le meilleur de soi-même », pour tout dire d’« être soi »… Mais comment peut-on partir en quête de cette place dont on ne peut qu’ignorer l’emplacement et les contours exacts ? Ce n’est que dans l’après-coup, quand on l’a déjà rencontrée, qu’on peut affirmer l’avoir trouvée. Pourtant, pour la trouver il a bien fallu s’en être fait quelque idée, s’être orienté dans une certaine direction, avoir su la reconnaître quand elle se présentait.
Cette quête, qui concerne tout un chacun, prend un tour singulier pour ceux dont la vie se confond avec la création d’une œuvre, ceux qui doivent élaborer ce que j’appelle une paratopie 1 , c’est-à-dire une impossible appartenance à la société : pour trouver leur place de créateur, appartenir pleinement au monde de la production esthétique, ils doivent en effet gérer leur impossibilité même d’occuper véritablement une place dans le monde des activités « ordinaires ». Élaborer sa paratopie, c’est ainsi découvrir cette modalité singulière du ne-pas-trouver-sa-place qui permet de faire œuvre. Entreprise foncièrement incertaine, car la voie à suivre est obscure et l’échec probable. Pour entrer dans quelque panthéon artistique, il ne saurait exister de parcours balisé ; rien ne sert d’être un marginal, un réprouvé ou un handicapé : il faut découvrir cet écart singulier qui est à la mesure de sa création, la paratopie qui est à la fois ce qui rend l’œuvre possible et ce que cette œuvre configure et légitime en lui donnant sens.
C’est à cette question que s’intéresse ce livre. Les historiens de la littérature s’efforcent le plus souvent de confirmer les positions acquises, tissant des biographies qui sont inévitablement des hagiographies, où le héros est porteur d’un destin exemplaire, mystérieusement orienté vers un accomplissement. Notre problème est différent : en nous appuyant sur le concept de paratopie, nous allons essayer de comprendre les conditions d’une réussite et celles d’un échec, d’articuler les aléas d’un potentiel personnel et l’état d’un champ littéraire en perpétuelle évolution où toute réussite, certes, est contingente mais soumise à des contraintes dont on peut rendre raison.
Pour ce faire, nous allons procéder à une étude de cas, menée dans une perspective comparative. En règle générale, les études comparatives se font entre deux auteurs de même niveau. Certains couples sont même emblématiques : Corneille et Racine, Dostoïevski et Tolstoï… Nous nous trouvons ici dans une situation plus inhabituelle puisque nous confrontons les trajectoires de deux poètes français de la fin du XIX e siècle aux statuts bien différents : l’un est célèbre, José-Maria de Heredia (1842-1905), l’autre, Émile du Tiers 2 (1848-1897), est perdu dans la masse, et sans nul doute voué à y rester. Le premier a su se faire une place au soleil, l’autre s’est agité en vain. Nous ne chercherons pas pour autant à revenir sur le jugement de l’Histoire, à montrer qu’en réalité Du Tiers était un grand poète ; ce serait une manière détournée de rétablir une égalité entre les deux termes de la comparaison 3 .
Je n’ai pas choisi cette période tout à fait au hasard. Diverses recherches m’ont amené à m’y intéresser plus particulièrement : une étude des manuels scolaires de la III e République (Maingueneau, 1979) et, dans un registre bien différent, du mythe de la femme fatale (Maingueneau, 1984, 1999b). En outre, j’ai déjà eu l’occasion d’aborder les deux poètes considérés : Heredia (Maingueneau, 1995, 2015a) et Du Tiers (Maingueneau, 2008, 2015b). Indépendamment de mes préoccupations personnelles, cette seconde moitié du XIX e siècle joue un rôle privilégié en matière de paratopie créatrice. Si un Sartre ou un Bourdieu, à des titres bien différents, se sont l’un et l’autre intéressés à des écrivains comme Flaubert ou Baudelaire, c’est qu’à travers eux ils avaient accès à une période où la figure de l’artiste est au centre de la culture. Ni dans une société traditionnelle où chacun voit sa place prescrite par sa naissance, ni dans le corps social atomisé et instable des sociétés postindustrielles, ce personnage ne peut prendre une telle ampleur. C’est dans un monde entre deux mondes, dans le cadre paradoxal d’une société bourgeoise qui a détruit le monde traditionnel mais aspire à un ordre stabilisé, dans un monde où l’ordre est par nature problématique que prospère la figure de l’artiste sacré, à la fois paria et roi, qui inquiète et fascine une élite minée par le sentiment de la contingence de tout ordre.
L’idée de confronter les destinées de ces deux poètes, Heredia et Du Tiers, est née d’une lacune, plus précisément de l’absence d’une réponse 4 . En 1893, Du Tiers adresse à Heredia le manuscrit de son cinquième recueil de poésies, intitulé Pulvis , dont il est le dédicataire 5 . Inconnu des milieux littéraires parisiens, le poète de Niort présente son 

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents