Initiations
238 pages
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Description

Malgré les années de guerre, Ernest Meyer a vécu une enfance heureuse. Il a eu la chance de ne jamais connaître le désespoir, malgré tout un monde qui s'écroulait autour de lui. L'Alsace, la province de France la plus touchée par la guerre, puis la Lorraine, ont été ses deux berceaux. Il y a appris la vie. Il nous relate ici avec humour et émotion, sous forme romancée, un monde disparu, en faisant appel à ses souvenirs qui débutent à l'âge de trois ans et qui s'arrêteront à son passage à l'état d'"homme" vers dix-sept ans.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342052091
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Initiations
Ernest Meyer
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Initiations
 
 
 
 
À la mémoire de mon père, Français d’Alsace,
Service militaire en 1933 en uniforme français
Forcé en 1942 à revêtir l’uniforme allemand
Tué en 1944 sur le front russe
Resté sans sépulture connue, quelque part en terre polonaise
 
 
 
 
À Denise DINIEL, ma cousine,
 
À Antoine ERNST maire de Léning
 
À Jean-François CHÂTEAU
 
 
 
 
Au lecteur
 
 
 
Ceci n’est pas un roman. Ne cherchez pas à y trouver une trame construite, littéraire ou dramatique.
C’est une fenêtre de curiosité entrouverte sur un monde qui a existé il y a soixante ans. Je l’ai connu, j’y ai vécu. Je l’ai aimé.
Les lieux géographiques et les personnages que vous y trouverez sont réels. Seuls quelques patronymes, très peu, ont été dissimulés, parce que leurs descendants pourraient ne pas aimer. Les faits relatés sont réels également.
 
Mais auparavant, cher ami lecteur, qui habitez probablement une grande zone urbaine comme 77 % des Français en 2010, vous n’ignorez pas qu’un petit nombre de ces urbanisés, qui ne supportent plus le bruit, la malbouffe, les poumons encrassés et l’anonymat étouffant, ont pris leur courage à deux mains pour retourner (ou y aller pour la première fois) dans la France « profonde », là où quelque chose leur dit qu’il fait bon vivre. Je ne vous parlerai jamais ici de la ville, vous la connaissez trop bien, tous mes récits auront pour cadre la campagne, chez les vrais paysans de ma jeunesse, ceux qui ont travaillé de leurs mains, avec beaucoup de bon sens, et n’avaient que faire des recommandations agricoles de Bruxelles.
D’autre part, si vous êtes assez jeune, je veux dire de moins de soixante ans, vous avez forcément toujours connu le frigo, la machine à laver, la voiture, et peut-être le portable. Alors je vous ferai rencontrer des gens simples qui vivaient sans toutes ces modernités, mais aussi sans stress, travaillaient sans chômage, s’alimentaient sans surpoids, se déplaçaient sans voiture, avaient du muscle, parlaient en vrai français 1 , articulaient bien, riaient et s’aimaient différemment d’aujourd’hui. Ils connaissaient rarement la solitude, bien que ne possédant ni téléphones, ni portables, ni Internet ! Justement !
Vous regarderez leur société, bien structurée, elle rassurait.
Les enfants obéissaient aux parents et aux éducateurs, selon des règles où les devoirs passaient avant les droits.
Les garçons atteignaient la maturité après un bon service militaire. Devenus hommes, ils fondaient une famille dès leur retour.
Les femmes se mariaient entre vingt et vingt-cinq ans. Elles devenaient adultes et responsables dès le premier enfant qui était conçu par des parents dans l’âge biologique idéal de procréation.
Hommes ou femmes cessaient alors d’être égocentriques, ce qui leur garantissait une excellente santé mentale. Si d’aventure de petits problèmes comportementaux survenaient, ils consultaient le psychologue de l’église – gratuit – qui s’appelait le confesseur.
La société d’aujourd’hui est complètement déstructurée, et bien que les services officiels mettent en place au moindre problème des « cellules psychologiques » et des « commissions d’entraides », chacun doit trouver ses propres repères et en fabriquer de nouveaux, variables selon sa culture, son origine géographique, sa religion et sous-catégorie religieuse plus ou moins rigoriste, ses orientations sexuelles, et j’en oublie… Rien n’a encore été éprouvé dans le temps et nous subissons beaucoup d’affrontements peu propices à la sérénité. Les « autorités » traditionnelles ne pèsent plus d’aucun poids : ni les enseignants, ni les religieux (sauf quelques-uns importés) ni les parents, ni le gouvernement.
Le corollaire en est un stress universel, un mal-être psychologique parallèle au bien-être matériel. Mais aussi un mal-être physique généré par l’alimentation industrielle, l’agriculture noyée de pesticides, l’atmosphère toxique des villes, l’agitation urbaine, les ondes nocives, les musiques infernales surboostées, l’absence d’exercice physique…
Mais abandonnons ce tableau apocalyptique et revenons à mon propos.
Je vous emmènerai d’abord dans une petite ville d’Alsace pendant la guerre, avec le regard naïf d’un tout jeune enfant, puis dans la campagne lorraine entre 1950 et 58, avec les émois d’un adolescent. De cette époque vous aurez un petit aperçu de coutumes et de comportements quelquefois bien étranges pour nous, du XXI e  siècle.
Il est peu probable que l’histoire ait connu une pareille transformation de la façon de vivre, en seulement quelques dizaines d’années. L’accélération est trop brutale.
Alors voici une respiration, une pause, que je voudrais empreintes de sérénité et de tendresse nostalgique.
À BAYON 2015.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Premier cahier   : l’Alsace 1940-1950
 
 
 
Une idée
 
 
 
Au-dessus de moi, dans la chambre au premier, j’entends des pas lents, boiteux, hésitants, puis de longs silences. Et encore de temps en temps un coup très ferme : c’est sa canne, qui ponctue un agacement d’impatience. La porte de l’armoire claque : celle de gauche, mal ajustée. L’heure approche, je vais bientôt monter. Pas trop tôt quand même, pour ne pas la harceler. Tout à l’heure quand je suis allé aux nouvelles, elle était déjà habillée et s’est énervée, me disant n’avoir besoin de rien. Dans la cour la voiture est prête, avec une grande couverture pliée sur le siège arrière et la valise dans le coffre. Il ne lui restera plus qu’à descendre doucement, les deux pieds sur chaque marche, avec sa canne et son sac à main blanc. Elle n’a jamais voulu que je lui donne le bras, mais par prudence je passerai devant pour la retenir si elle chute.
J’ai le pressentiment qu’elle ne reviendra jamais plus ici. Le médecin, après avoir vu les radiographies et toutes les analyses, a décidé de la faire hospitaliser d’urgence. Il m’a dit en aparté que les métastases avaient atteint la colonne vertébrale, et que le moindre mouvement devait lui être d’une douleur insupportable. Et pourtant, elle supportait sans trop gémir, et ne s’affolait en aucune façon.
— Bah, bah, disait-elle. Si on les écoutait, on n’aurait plus qu’à s’enterrer tout de suite. J’ai juste un mal de reins, comme souvent ces dernières années, et je n’en suis pas morte.
Que puis-je faire, moi, le fils, sinon ressentir le vide qui s’installe déjà dans la maison en ce jour où tout va changer. Les minutes passent lentement, je regarde n’importe quoi sans rien voir. Quelque chose tombe sur la moquette là-haut, lourd, sec, métallique. Je crois reconnaître sa cassette à secrets, remplie de photos, de vieilles lettres, de bondieuseries.
Le rendez-vous à l’hôpital de Lunéville est fixé à neuf heures. Plus qu’une demi-heure. Je monte. Grognements de voix rauque, mots inintelligibles. Debout devant son secrétaire, en manteau et chapeau, elle s’énerve. Le ton monte.
— Oh ! Laisse-moi ! Je cherche quelque chose que je ne trouve pas. Et si tu restes là je ne trouverai rien du tout.
Elle tremble. Ses mains fouillent fébrilement dans des tas de papiers et de photos.
— Nous allons être en retard. Il faut le temps de fermer les portes, de descendre. Et tu ne marches pas vite.
— Tant pis. Ils m’attendront ! Je cherche une photo de ton père à Wissembourg. Je ne veux pas partir sans l’emmener.
 
Nous sommes arrivés à l’hôpital avec une heure de retard. Sans la photo, introuvable. Ce n’est que lorsqu’un infirmier l’a installée sur un fauteuil roulant et l’a poussée dans le couloir à la suite des autres patients en attente qu’elle a pu se calmer. Je vais au bureau des entrées m’occuper des papiers. Je la vois baisser tristement la tête. Résignée.
Plus tard, dans sa chambre, pendant que je range ses affaires dans l’armoire, elle murmure, indistinctement, pour elle-même :
— On a bien fait d’aller encore une fois à Wissembourg… La dernière ?… Sûrement ! Cette nuit, je n’ai fait que penser à grand-mère… Je crois bien qu’elle m’a dit : « Catherine, vous serez mieux soignée ici que moi en 1949 là-bas. Vous avez de la chance. N’ayez pas peur. »
Après un long silence, elle ajoute d’un ton décisif :
— Et puis il n’est pas question que je reste ici. Ne déballe pas toute la valise. Après les examens, tu me ramènes aussitôt à la maison.
Je la connais suffisamment pour savoir que lorsqu’elle gratte nerveusement sa joue, c’est signe de grande perplexité et même d’inquiétude, et comme elle veut toujours paraître la plus forte, elle ne dévoile jamais le fond de ses craintes véritables.
Celle qu’elle appelle « grand-mère » c’est sa belle-mère, Rosalie, ma grand-mère paternelle. Morte d’un cancer du sein à l’hôpital de Wissembourg il y a soixante-cinq ans. Aujourd’hui le cancer de ma mère avait atteint un degré critique, mais elle a toujours refusé de prononcer le nom de la méchante maladie, comme si elle pouvait ainsi conjurer l’adversité et faire en sorte que ce ne soit qu’un mauvais lumbago.
Wissembourg, c’était il y a quinze jours, pour la Toussaint. Le voyage familial annuel. Se recueillir sur la tombe de Rosalie, flâner dans les rues, déjeuner à « L’Ange », ramener des spécialités, c’était son bonheur. Elle marchait encore assez bien. On démarrait à six heures du matin, juste à l’ouverture de la boulangerie. Elle était toujours la première en bas, avec son panier de vivres pour la route. Nous prenions au passage l’abbé 2 devant sa

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