LE COEUR GROS
106 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

LE COEUR GROS , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
106 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Arielle a onze ans, mais sent déjà son avenir se refermer sur elle, enserrer son corps obèse qui ne correspond pas aux canons de la beauté qu’incarnent sa mère et sa sœur. Élevée dans un milieu privilégié où l’apparence fait loi, privée depuis peu du soutien de sa grand-mère, sa seule véritable alliée, elle se gave de nourriture pour combler le vide de plus en plus grand qui l’envahit.

Dans sa bouche, les phrases chipées aux adultes qui oublient trop souvent sa présence prennent un tour grinçant ; les morales à l’eau de rose des films dont elle se régalait avec Mamie tournent au vinaigre. Entre ses doigts potelés, l’archet du violoncelle tangue avec grâce, mais l’amour s’obstine à filer.

Que reste-t-il à espérer, quand on a comme elle le cœur gros ?
C’est la récré. Je parviens à me distraire de la douleur causée par ma chute, même si un gros bleu violacé commence à s’étendre sur mon bras. On dirait une flaque de jus de raisin renversé sur une nappe. Ayoye donc ! s’écrie Geneviève en regardant la meurtrissure de plus près, alors que ce n’est pourtant pas ça qui me fait le plus mal. La vraie blessure est ailleurs, on dirait, dans une zone cachée mais sensible. Elle est comme une fêlure intérieure invisible à l’œil nu, qui donne soudain à mon rire le son faux et forcé d’une flûte désenchantée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 septembre 2016
Nombre de lectures 7
EAN13 9782764432327
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la même auteure
Le pot au rose , Éditions de l’Homme, 2013.
Démaquillée , Éditions de l’Homme, 2010.





Projet dirigé par Myriam Caron Belzile, éditrice
Conception graphique : Nathalie Caron Mise en pages : Pige communication
Révision linguistique : Isabelle Pauzé et Line Nadeau
En couverture : © emoji / Photocase.com ; © Pupes / shutterstock.com ; Juan Carreño de Miranda, Eugenia Martínez Vallejo, desnuda, huile sur toile, 1680.
Conversion en ePub : Nicolas Ménard
Québec Amérique 329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Bertrand, Dominique
Le coeur gros
(Tous continents)
ISBN 978-2-7644-3204-4 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3231-0 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3232-7 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Tous continents.
PS8603.E764C63 2016 C843’.6 C2016-941360-8
PS9603.E764C63 2016
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2016
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2016
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2016.
quebec-amerique.com



La honte n’a pas pour fondement une faute que nous aurions commise, mais l’humiliation que nous éprouvons à être ce que nous sommes sans l’avoir choisi, et la sensation insupportable que cette humiliation est visible de partout.
Milan Kundera
Il y a toujours, dans notre enfance, un moment où la porte s’ouvre et laisse entrer l’avenir.
Graham Greene


À la petite fille que j’étais jadis et qu’il m’arrive encore d’être, avec toute ma tendresse.
À mes amies, douces et fidèles, qui m’aident à rester debout quand parfois mes jambes se dérobent.


Chapitre 1
Aujourd’hui, notre chauffeur Luciano est malade. Une grippe d’homme le cloue au lit. C’est ce que sa femme a dit au téléphone. Comme maman avait une réunion d’urgence au magazine avec les grands patrons venus d’Europe spécialement pour l’occasion, c’est papa qui s’est sacrifié et qui nous emmène à l’école, Anaïs et moi.
Le long de la rue Winston, papa fait la file derrière les autres voitures avant d’être autorisé à nous déposer devant l’Académie. C’est la règle depuis que, l’an dernier, une petite de deuxième a failli être écrabouillée par le véhicule d’ un connard de parent distrait , dixit maman dès qu’elle l’a su.
Muet comme une carpe, mon père écoute l’animateur de radio hurler de sa voix de Bonhomme Carnaval des statistiques de hockey assommantes. La Sainte-Flanelle a perdu 7-2 contre les Rangers en match de séries, rien de moins qu’un signe de la fin des temps. C’est en tout cas ce que soutient le morning man aux dents pourries qui, pour autant, ne se gêne pas pour apparaître tout sourire sur des affiches d’abribus, et dont ma mère prétend qu’une seule de ses morsures vous transmet à coup sûr la gangrène ou l’Ebola. Ce qui fait beaucoup rigoler papa, qui, lui, a les dents blanches et lustrées comme des perles.
En cachette d’Anaïs qui, sinon, s’empresserait de me l’arracher des mains, je sors un bonbon de ma poche et je savoure en fermant les yeux son petit goût sucré pour mieux faire passer le temps.
Pour nous amuser, papa se met à faire des bruits bizarres avec sa bouche. Des facéties qui font se tordre de rire ma petite sœur, qui en redemande. Spouich, spouich, spouich. Un essaim de postillons atterrit dans le pare-brise. Vous pouvez me croire, ce n’est pas comme avec maman qui, entre deux couches de gloss appliquées à la va-vite, ne manque jamais de nous faire réviser nos mots de dictées. C’est franchement plus relax. Remarquez qu’il n’y a rien d’étonnant là-dedans ; les résultats scolaires, mon père n’en fait jamais tout un plat. C’est pour ça que c’est maman qui exige de voir les notes de contrôles, et que c’est elle et pas lui qui signe les bulletins.
Dans le meilleur des scénarios, je dirais qu’on a franchi en dix minutes une distance de deux mètres. Selon mes calculs, je serai clairement en retard à mon cours de français, ce qui, ce soir, obligera maman à écrire encore une fois un billet de justification en râlant qu’elle n’a pas que ça à faire.
Papa finit par perdre patience en disant des gros mots qui feraient friser les oreilles de sœur Gertrude. Il nous dépose dans la zone interdite, malgré le regard assassin que lui jette la brigadière, et auquel il se retient de répondre par un doigt d’honneur bien brandi, question d’éviter un tas d’emmerdes avec ma mère qui finirait par l’apprendre.
Comme à son habitude, Anaïs saute de la voiture telle une gazelle dans des gestes à la fois aériens, fluides et assurés. Sous la lumière éclatante du matin, elle est une branche de roseau que le vent fait onduler gracieusement. Une amorce de Gisele Bündchen, si vous voyez ce que je veux dire. Un sacré pétard en devenir , dit papa, un bourreau des cœurs qui piétinera pas mal plus tôt qu’on pense tous les hommes qui se prosterneront à ses pieds . Moi, pendant ce temps, je m’extirpe avec peine de la BMW en luttant contre la foutue ceinture de sécurité qui, comme toujours, me boudine et cherche à me garder prisonnière.
Bonne journée, mon p’tit lard d’amour , me dit papa en m’envoyant de la main un bisou sonore, pendant que tant bien que mal je déboule enfin avec mes petites affaires jusqu’au trottoir. Et bonne journée à toi aussi, ma jolie princesse , crie-t-il en direction d’Anaïs, qui est déjà trop loin pour l’entendre, et qui, de toute façon, se fout bien des mots doux.
Papa se dégage de la file et détale en trombe, pressé d’arriver au bureau. Mon écharpe bleue est restée coincée dans la portière et traîne dans la rue. Je rigole en silence. Étant donné l’état dans lequel elle finira la journée, aussi bien que j’en fasse tout de suite mon deuil, de celle-là. Mais c’est maman qui sera furax, je vois ça d’ici. D’autant plus que, tête de linotte comme toujours, j’ai aussi laissé ma boîte à lunch sur la banquette arrière. Tant pis pour mon sandwich. Je n’aurai qu’à manger à la caf, ce qui n’est pas un drame, après tout. Surtout qu’aujourd’hui, comme tous les vendredis, c’est lasagnes au gratin.
Il y a un bon Dieu pour tout le monde, répète toujours sœur Louise. Même pour les gourmandes.

Neuf heures cinquante. Après français, c’est maintenant gym, mon supplice hebdomadaire. Départ canon, Ludmilla bougonne en tirant sur les couettes d’Amandine, qui, elle, réagit en gémissant d’une voix de chat qu’on égorge. My God ! Ça promet ! D’ailleurs, madame Li affiche déjà son air du genre N’attendez surtout pas que je me fâche . Ce qui n’empêche pas Martine de pleurnicher comme un bébé en découvrant tout à coup qu’elle a perdu sa bague. Pensez donc, un cœur en argent de chez Tiffany offert par son père pour faire digérer le divorce. Comme valeur sentimentale, avouez qu’on ne fait pas mieux. Nous l’aidons toutes à chercher, mais non, rien, sauf une vieille pièce crasseuse de dix cents que Romane, la radine, se dépêche d’empocher. Trouve garde.
Alors à défaut de récupérer le petit bijou, je mets gentiment mon bras autour de Martine, tout en rajustant au passage sa barrette de strass qui s’apprêtait justement à foutre le camp. Martine sourit en coin et toutes les autres filles aussi. La vie continue, quoi.
Un cœur de perdu, dix de retrouvés.
À part ça, rien de majeur à signaler. Sauf Valérie qui a oublié chez elle ses Nike Actus flambant neufs, et qui se vo

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents