La Physiologie du fumeur
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La Physiologie du fumeur , livre ebook

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Description

Extrait : "Les grands événements de l'histoire ne sont pas tout à fait les guerres et les révolutions qui n'atteignent qu'une certaine classe de la société, et qui n'intéressent l'humanité que sur un certain point turbulent et sanglant : en fait de révolutions, parlez-moi bien plutôt de ces grands changements déterminés dans la vie privée par les inventions et les découvertes qui influent sur les moeurs, sur les habitudes, sur le bonheur de chacun."

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Nombre de lectures 27
EAN13 9782335038361
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335038361

 
©Ligaran 2015

AU PEUPLE FRANÇAIS
Peuple français ! peuple de fumeurs ! et qui dit fumeurs, dit penseurs, c’est à toi que j’offre ce livre, ardent résultat de mes veilles et de ma longue expérience ! J’ai cherché, comme tant d’autres, un souvenir à laisser après moi ; j’ai eu mes ambitions, mes vanités ; je me suis souvent gratté le front pour en faire sortir un poème épique, une tragédie, un drame, un vaudeville, un calembour, je me serais contenté d’un système philosophique : rien n’est venu ; et j’ai compris le néant de toutes ces choses dont on fait grand bruit, et qui ne font de nous tout au plus que des hommes de génie, ou des imbéciles. Il s’agit avant tout du bonheur en ce monde, et le bonheur n’est que dans le tabac, et par le tabac. Car, et c’est là ma
Préface
pour qui donc ont été créés et mis au monde Homère, Virgile, Platon, Aristote, Bacon, Descartes, Leibnitz, Racine, Corneille, le marquis de Bièvre, MM. Scribe, Cousin, Bouchardy, et les autres fileurs de sons qui ont pincé sur la corde du cœur humain tous les airs du sentiment et de la fantaisie ? Pour un petit nombre d’élus qui ne sont pas moins ennuyés qu’ennuyeux ; la masse reste avec ses appétits, qu’elle satisfait tant bien que mal, et, même en fait d’appétits, l’égalité est encore une chimère. Mais le tabac est venu, religion nouvelle et sans phrases ; il a passé le niveau sur toutes les têtes, et déjà les miracles commencent. L’occident n’a plus rien à envier à l’orient, si fier de son opium. Le corps souffre, il est vrai, il souffrira longtemps, il souffrira toujours ; mais l’imagination va son train, et pour rêver, ou pour ne songer à rien, il n’est plus besoin de dormir. On a dit : Quand on n’est pas content, il faut être philosophe : axiome stupide ! Quand on n’est pas content, il faut fumer ; et je le prouve.
Histoire du tabac
Les grands évènements de l’histoire ne sont pas tout à fait les guerres et les révolutions qui n’atteignent qu’une certaine classe de la société, et qui n’intéressent l’humanité que sur un certain point turbulent et sanglant : en fait de révolutions, parlez-moi bien plutôt de ces grands changements déterminés dans la vie privée par les inventions et les découvertes qui influent sur les mœurs, sur les habitudes, sur le bonheur de chacun. S’il fallait établir un parallèle entre deux grands noms, je ne prétends imposer mon opinion à personne, mais, pour ma part, je préférerais à Napoléon, qui a révolutionné tous les royaumes de l’Europe, Fumade, le simple Fumade, qui a révolutionné tous les coins du feu du monde entier. Le premier n’est plus pour nous que l’objet d’une vaine curiosité, ou d’une admiration quelquefois jalouse, tandis qu’il n’y a pas un homme aujourd’hui, pas un ambassadeur, je parle de ceux qui ont la mémoire du cœur, qui puisse allumer sa chandelle sans donner un souvenir au grand citoyen qui, le premier, a renversé l’empire de la pierre à briquet, cette impitoyable ennemie des doigts de l’homme et de la femme.
Ce préambule en dehors de la question n’a pas d’autre but, ami lecteur, que de vous faire comprendre comment l’année 1560, en laquelle le tabac fit son entrée dans notre belle patrie, est une des années mémorables de nos annales. Je sais que d’ineptes historiens ont voulu que toute la célébrité de cette date de 1560 lui vînt du commencement de nos guerres de religion ; mais est-il raisonnable d’attacher plus d’importance à de misérables querelles, dont le dernier mot fut la Saint-Barthélémy, et qui s’éteignirent dans le ridicule dont les couvrit la satire Ménippée, qu’à l’avènement du tabac, le consolateur de tant de misères, le père de tant de rêves dorés, du tabac, le roi de la société moderne ?
Quarante ans auparavant, les Espagnols de la terre ferme avaient observé, pour la première fois, l’usage merveilleux que l’on pouvait faire de cette plante chez les sauvages de Tabaco, dans le Yucatan. Ce fut Hernandez de Tolède qui attacha son nom à cette immense découverte. De là le secret se répandit dans les Antilles, puis en Espagne et en Portugal, où l’on fumait les feuilles de tabac dans des roseaux creux, avec un mélange de myrrhe, d’aloès, et de mille autres substances odoriférantes. Ce fut de là que Jean Nicot, ambassadeur de France en Portugal, un savant homme qui composa un gros dictionnaire in-folio français et latin, envoya les premiers plants de tabac à Catherine de Médicis.


De même qu’autrefois je ne sais combien de villes s’étaient disputé l’honneur d’avoir donné le jour au chantre d’Achille et d’Ulysse, mille rivalités s’élevèrent en commençant pour savoir qui donnerait son nom au nouveau-venu. Nicot vint le premier, et c’était de toute justice ; mais le nom de Nicotiane ne resta pas longtemps au tabac. Il ne s’est conservé que dans les livres de botanique, où vous lisez encore : Nicotiana major, Nicotiana minor, Nicotiana angusli-folia . Catherine de Médicis ambitionna à son tour ce qu’elle appelait la petite gloire de nommer la plante de Jean Nicot ; et voyez quelle bonne fortune si elle avait réussi ! Les noms d’herbe à la reine et de Médicée seraient aujourd’hui dans toutes les bouches, et le tabac aurait mieux servi la renommée de cette femme que toute sa politique italienne : mais, pour donner son nom, voire même à une fontange, il faut être une femme populaire : à ces causes, Marie de Médicis fut vaincue par le tabac. Après elle, le grand-prieur de France, de la maison de Lorraine, eut la vogue un instant, et le tabac fut nommé herbe du grand-prieur. Il reçut ensuite les noms d’herbe de Sainte-Croix et de Tornaboni, de deux cardinaux italiens qui l’avaient pris sous leur protection, et qui l’introduisirent en Italie sous la dénomination d’herbe sainte. Les Américains du Yucatan, auxquels on l’avait, dérobé, donnaient au tabac le nom de Pétun, sous lequel il a été connu longtemps. On lit, dans une ordonnance de 1758, que le pétun se vendait un écu la livre. Mais de toutes ces dénominations rivales, celle de tabac l’a emporté à la fin. Elle vient à la fois de Tabaco, le lieu où Hernandez a fait sa découverte, et de Tabaccos, qui était le nom de ces roseaux creux, semblables à de petites cassolettes, que fumaient les Espagnols. Mais le nom n’était rien ; c’était l’usage qu’il fallait déterminer. Historien du tabac, je sens ici la rougeur me monter au front ! Chose étrange ! et qu’on aurait de la peine à croire, si elle n’était affirmée par les hommes les plus dignes de faire autorité, le tabac, l’auxiliaire obligé de toute joie et de tout plaisir ; le tabac, qui est si bien à sa place dans une causerie d’amis, et qui se marie si gracieusement à un verre de punch, le tabac fut d’abord un… médicament. C’est un spectacle à fendre l’âme, que celui des usages ridicules auxquels le condamna la tourbe ignorante des médecins de Molière, et des ignobles transformations qu’il eut à subir sous le pilon des pharmaciens d’autrefois. Mais nous aurons le triste courage d’en faire passer le tableau sous vos yeux, lecteur candide, qui ne voyez dans le tabac rien au-delà du cigare et de la pipe culottée. Il est bon que la génération des fumeurs contemporains sache, une fois pour toutes, quelles ont été les aberrations de la médecine ; et sans vouloir semer la haine et la discorde entre les différentes classes de la société, nous ne sommes pas fâchés d’apprendre à l’estimable corporation des débitants de tabac qu’ils ont eu pour concurrents les apothicaires .
Une fois que cette herbe à mille noms fut entre les mains de ce que l’on veut bien appeler la science, celle-ci s’ingénia de cent façons pour lui faire jouer, bon gré, mal gré, le rôle ingrat de la casse et du séné. On la fit priser, fumer, mâcher aux infortunés malades, qu’elle tuait et qu’elle guérissait au hasard ; et en c

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