Le disque dur
242 pages
Français

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Le disque dur , livre ebook

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Description

« Nicolas décida de clôturer sa session sur cette dernière image, assez troublante, d’un vieillard laissé pour compte qui s’obstinait à vivre dans le présent. Un homme qui ne pouvait plus descendre sans aide dans le jardin mais qui, le 17 mars, avait consulté deux articles sur le coup d’ État en Bolivie » .


Nicolas est happé par le tourbillon d’une vie bien remplie : un restaurant à gérer, une conjointe très occupée par son entrée en politique, un fils de huit ans qui a besoin d’être entouré... Au décès de son père, il « hérite » d’un vieil ordinateur et décide de plonger dans le passé numérique de cet homme avec lequel les contacts s’étaient raréfiés. En ouvrant cette boite de Pandore, il va créer des liens posthumes avec ce père disparu, mais aussi questionner sa vie de famille.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 janvier 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9782372226158
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0034€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cédric Le Calvé
 
 
 
Le disque dur
 
 
 
Roman
 
 
 
***
 
 
 
Et mes larmes gorgeront les rivières
Et mes deux mains écorcheront la terre
J’arrêterai les passants en leur d’mandant
Est-ce que quelqu’un peut me parler de mon père
 
Batlik
 
Un dernier cri (album Juste à côté)  
 
 
 
 
 
© Cédric Le Calvé
Bookless Editions
Tous droits réservés
Décembre 2020  
Isbn n° 9782372226141
 
1
 
 
 
Il avait peur de le revoir. Cela avait été difficile de se l’avouer, pourtant c’est bien la proximité de ce corps, même grimé, qui l’effrayait chaque heure davantage. Pourrait-il confier ses craintes à sa sœur, elle qui avait pris soin de leur père ces derniers jours, ces derniers mois, ce paquet d’années qui entérinait son éloignement. Forcément, il se sentait un peu coupable. Ce n’était pas un mauvais fils, il n’avait pas commis l’irréparable, pas fomenté de possibles trahisons ni sali une mémoire en voie d’effacement. Il n’avait rien fait de tout cela, c’était pire, il s’était absenté. Il avait choisi l’exil en dehors du territoire breton, dans une région où le soleil régnait en maître, aux confins d’une contrée ouverte sur la mer et la garrigue. Alors oui, ces retours au pays s’étaient faits plus sporadiques, un millier de kilomètres tout de même, c’est une distance qui ne s’efface pas d’un coup de baguette magique. Malgré les autoroutes de plus en plus larges, les berlines toujours plus confortables, il fallait se les enquiller les 10 heures de routes, de jour comme de nuit, c’était un coup à chopper des crampes aux poignets. Il fallait avoir une bonne raison pour revenir jusqu’ici. Lui en avait des dizaines, sans rire, il n’avait même pas besoin de chercher.  
 
Il pouvait les balayer d’un regard : retrouver le paradis perdu d’une jeunesse heureuse, revoir sa sœur, parler à son père, respirer de nouveau les embruns de l’océan, entendre le tonnerre des rouleaux se fracassant sur les rochers de la côte, observer le soleil jouer à cache-cache avec la bruine, contempler avec bonheur les toits de tuiles grises et se dire qu’on est d’un pays. Il avait ressenti tout cela, bien des fois, mais la vie est aussi faite d’impératifs. À l’autre bout de la France, une femme et un fils l’attendaient avec des demandes de plus en plus ciblées, il y avait aussi ce restaurant qu’il portait à bout de bras, et cette existence douce et heureuse dans l’arrière-pays aixois qui lui faisait penser qu’il avait fait le bon choix. C’est ainsi, il y avait match. Un match qu’il avait sans doute perdu ces dernières années, faute de temps, faute d’envie. Petit à petit, il avait fini par lâcher, par renoncer à sa terre natale. Mais ce n’est pas pour cette raison qu’il avait peur de revoir son père.  
 
Au volant de sa puissante Hyundai Tucson, Nicolas pénétra dans le petit village où vivait encore sa sœur Camille. La voiture ralentit progressivement son allure, elle passa lentement devant la place de l’église où quelques artisans locaux proposaient leurs étals de fruits et légumes, puis elle marqua un arrêt prolongé face à l’école primaire. À travers la vitre de la classe, Nicolas distingua la silhouette longiligne de la maîtresse debout près du tableau. La salle était située à droite du préau, c’était le même caisson qu’il avait fréquenté autrefois, à une époque lointaine où il passait l’essentiel de ses journées à lorgner du côté de la pendule. La voiture finit par reprendre sa route. Presque au ralenti, elle dépassa une rangée de haies, négocia un virage serré à droite puis pénétra dans le nouveau lotissement. C’était toujours un casse-tête pour retrouver son chemin dans ce dédale de constructions. Toutes les rues se ressemblaient, avec leurs enfilades de maisons accolées et leur parterre   fleuri. C’était sans doute très fonctionnel, mais ce côté réplique à l’identique avait quelque chose de déprimant. Après avoir hésité quelques instants, il finit par identifier la maisonnette avec un volet bleu clair, un des rares signes distinctifs accepté par le voisinage.  
 
Nicolas gara la voiture le long du trottoir puis fit quelques pas sur la chaussée. Il était parti hier soir après le repas, il avait effectué 2 arrêts sur le trajet, dont un à l’aire de Limoges pour s’assoupir quelques heures ; on peut dire qu’il avait bien roulé, que tout s’était bien passé. C’est d’ailleurs ce qu’il avait écrit dans le petit SMS envoyé tout à l’heure à Marla. Elle n’avait pas encore répondu, elle devait se trouver déjà bien occupée. Sa femme avait une matinée chargée, comme souvent. Elle devait d’abord conduire Timothée à l’école pour 8 h 30, puis passer au siège de la permanence pour y rencontrer le fameux Richaud. Le reste de la journée servirait à préparer l’échéance capitale de ce soir. Nicolas ne se faisait pas de soucis pour elle, Marla avait des ressources insoupçonnées, elle saurait bien dans cet intervalle s’occuper d’un enfant, amadouer un cacique du parti, et peaufiner son discours progressiste. Son programme à lui était beaucoup plus minimaliste : se dégourdir les jambes, embrasser sa sœur, boire un café, parler (ou pas), pleurer (ou pas), rendre visite à papa. Et il avait toute la journée pour cela. Pour lui, la vraie échéance, du moins l’officielle, était prévue demain.  
 
Lorsque Camille a ouvert la porte, elle avait un sourire las et les traits défaits de quelqu’un qui n’a pas beaucoup dormi. Nicolas s’efforça de lui rendre son rictus puis l’embrassa, assez maladroitement. Il aurait aimé l’étreindre mais c’était en dehors du champ de ses compétences. À ses gestes empruntés, elle sut immédiatement dans quel état d’esprit il se trouvait. Elle le connaissait bien, malgré la distance qui les séparait et les années qui filaient dangereusement. Elle devinait déjà la sécheresse et le désarroi qui l’entouraient. Malgré cela, elle ne parvenait pas à lui en vouloir. Pas aujourd’hui.  Son petit frère était là et c’est tout ce qui comptait. Il ne dirait rien ou pas grand-chose, il repartirait le plus tôt possible, dès que l’occasion lui serait présentée, il la serrerait du bout des doigts au moment du départ, comme il venait de le faire. Tant pis, tant mieux, c’était ainsi.  
 
Ils s’assirent autour de la table du salon. Cela faisait très longtemps qu’ils ne s’étaient pas retrouvés seuls tous les deux, sans Marla, Timothée ou Manon dans les parages. Il y eut un assez long silence. Nicolas savait qu’il devait prendre la parole. C’était à lui de poser les questions, un peu formelles, comme un préalable au grand déballage. Il hésitait encore à parler de ses craintes, c’était confus depuis son départ, il guettait des signes qui tardaient à apparaître.
 
— On en sait un peu plus ? finit-il par demander.  
Camille avait une voix douce, avec l’émotion, elle avait presque tendance à chuchoter.
— Il a fait un premier malaise en début d’après-midi. Ils l’ont tout de suite transféré à l’hôpital de Vannes. C’est pendant le trajet qu’il est parti.  
— Que s’est-il passé exactement ?  
— Le docteur a dit qu’il y avait eu une complication cardio-vasculaire, due à sa maladie. Des athéromes se sont formés, c’est ce qui a provoqué l’arrêt cardiaque. C’était impossible à anticiper.  
— Mais il était sous traitement.  
— Ça peut arriver. C’est arrivé, souffla Camille.  
— Il a souffert ?  
— Je ne pense pas… Pas trop… Pas plus que d’habitude.  
Nicolas sentit poindre un soupçon de reproche. Le corps de son père se dégradait année après année sans que cela ne l’émeuve particulièrement. Il aurait été inconvenant à présent d’en faire un sujet de larmoiement. La polyar

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