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Club des Diablotins

Jean-Marc Brières

Pulp de 385 000 car.

Vous savez les élèves comme vous viennent me faire du gringue. Ça me gêne et je n'ose pas les rabrouer. Je ne suis pas intéressé par des gamins.

J'entends beaucoup parler, dans les écuries, dans les cuisines, un peu partout. On jase sur les intimités entre vos camarades. Vous n'y échappez pas, d'ailleurs. Certaines mauvaises langues disent même que ce collège est une vraie maison de tolérance exclusivement réservée aux jeunes hommes, dans laquelle se déroulent des paillardises incessantes. Je cite. Voilà qui peut vous nuire auprès de vos parents. Ce qui me chagrinerait beaucoup. J'éprouve une grande admiration pour vous qui aimez tant les chevaux. Je ne voudrais pas qu'il vous arrive malheur...

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Nombre de lectures

1

EAN13

9791029400162

Langue

Français

Club des Diablotins
 
 
Jean-Marc Brières
 
 
 
 
 
 
Mais pourquoi avoir voulu continuer dans ce que je savais perdu d'avance ? Un entêtement stupide qui me condamne. Maintenant, je suis dans ce train, accompagné d'un des collaborateurs de père. Lui regarde par la vitre, moi je le scrute. Comment peut-on être aussi servile que cet énergumène ? Toujours à dire oui, toujours à courber l'échine. Pas pour voyager en première classe, dormir dans des palaces, se goinfrer chez les meilleurs maîtres queux, quand même ? Toujours à disposition, jour et nuit, plus de trois cent soixante jours par an. Il ne prend pas de vacances, aucun jour de repos, afin de ne pas interrompre sa série de servitudes. En attendant, cela lui évite de se retrouver dans des situations délicates, lui, comme je le suis actuellement. Idiot ce que je pense.
Lui et moi n'avons rien de comparable. Lui, Monsieur Armand, un vieux de la vieille que mon père a déniché alors qu'ils étaient simples gratte-papier dans un sinistre bureau de vente par correspondance, disent certains. Ils se sont entichés l'un de l'autre, il n'y a pas d'autre façon de qualifier leur coup de foudre professionnel. Mère voit ainsi leur rencontre. Très vite Monsieur Armand s'est soumis à père. Les deux ont ainsi commencé une carrière que d'aucuns qualifient de réussite phénoménale. L'un ordonne, l'autre exécute. Quoique celui qui ordonne n'hésite jamais à exécuter en compagnie de son sous-fifre. Par contre, ce dernier n'ordonne jamais. L'homme de confiance de la famille, Monsieur Armand ! On le charge même de s'occuper des Hautes Œuvres : exécuter la punition du condamné. Et il s'y attèle, comme toujours, sans états d'âme, lui qui m'a connu tout bambin puisqu'il est également mon parrain. A-t-il un cœur, seulement ? Jamais marié, on ne lui connaît que très peu d'aventures féminines. Pédéraste à ses heures alors ? Ce serait cocasse, lui et père… Non ! Impensable ! Après tout, pourquoi pas ? Ils sont toujours fourrés ensemble. Pourquoi ne se fourreraient-ils pas ? Mauvais jeu de mots, mauvais esprit de ma part. Mais je crois qu'une telle supposition vaut d'être approfondie. En tout cas, pas avant quatre ans, si tout va bien. D'une prison, ou peu s'en faut, il me sera difficile d'investiguer à ce sujet… Avoir des doutes, voilà qui n'est guère sérieux pour l'auteur d'une rumeur lancée à la figure des protagonistes.
Cessons là les divagations, la situation est sérieuse, elle demande de la concentration.
Récapitulons ma courte vie. Cela me permettra de remettre un peu d'ordre dans mes idées. Elles en ont grand besoin.
 
 
 
Première partie : Hier
 
 
Enfant unique, héritier présomptif d'une immense fortune, élevé selon le savoir-vivre en cette toute fin du XIX e siècle et début du XX e . Depuis que j'ai l'âge de parler, je me complais à commettre des plaisanteries que beaucoup jugent de très mauvais goût. Mes premières victimes furent, bien évidemment, les domestiques, ma nourrice et, en de rares occasions, les invités de mes parents. Au début, ce n'était que peccadilles de bambin, tout juste sorti de ses langes. Par la suite, cela devint des niaiseries commises par un enfant au stade de l'âge bête. À ce niveau, les punitions commencèrent : fessées, coups de martinet, furent les châtiments de prédilection de mes géniteurs. Eux se contentaient de condamner, Armand d'exécuter. Une vieille coutume, appris-je plus tard. Quelques semaines avant d'atteindre ma onzième année, j'eus dans l'idée de me travestir en femme, histoire de faire rire la galerie. Pour réaliser mon projet, je m'introduisis subrepticement dans la chambre de Nicole, la camériste de mère, petit bout de femme guère plus grande que moi, que j'affectionnai particulièrement. Je la savais en famille pour la journée. Je pris mon temps, trouvai son rouge à lèvres, celui pour les joues, la poudre de riz, le noir pour les yeux. Fouillant dans son armoire, je découvris une robe bleue que j'essayai immédiatement et ne quittai plus. Quelques tiroirs plus loin, je m'équipai d'une guêpière et de bas de soie. Une fois mon visage barbouillé de tous ces produits destinés à leurrer son homme (dixit Arsène le cocher), j'enfilai mes pieds dans des souliers à talons et partis montrer mon œuvre à toute la compagnie réunie dans le salon. Le moment fut vraiment mal choisi. Père et Armand palabraient avec des financiers de haute volée, concernant un apport de fonds pour la construction de deux usines dans nos colonies d'Afrique du Nord. Mon intrusion fut des plus mal reçue. Et moi, je reçus une gifle qui m'assomma presque, que père me donna lui-même. Alors, de colère, je m'emparai d'un vase précieux, le jetai au sol, pulvérisant la porcelaine ancienne que l'on supputait venir de Chine, époque Ming. Non content de cet exploit, obéissant à père qui me hurlait de quitter ces vêtements grotesques et d'aller me débarbouiller séance tenante, je me dévêtis devant tout le monde, piétinai la robe, jetai les chaussures contre le portrait d'un vieux barbon dont je ne me souviens plus qui c'était, déchirai le châle de Nicole ainsi que les bas de soie, expédiant la guêpière à la figure d'un gros bonhomme assis dans un fauteuil au regard que j'estimai malsain. Puis, je regagnai mes appartements, en caleçon, maillot de corps et chaussettes, satisfait de ma révolte, mais me jurant de ne plus jamais m'habiller en femme pour amuser la galerie.
Une heure plus tard, Armand vint me quérir, me pria de vêtir mon complet de ville. Je dus présenter des excuses sincères à Nicole, ce que je fis bien volontiers, regrettant de m'être mal conduit envers elle. Ensuite, Arsène s'empara de mes bagages préparés par Noël, notre valet de chambre. Mère et père m'attendaient au salon. Ce fut elle qui prononça la sentence :
— Ton comportement est des plus irritants. Nous ne pouvons plus tolérer tes incartades. Nos occupations ne nous laissent guère de temps pour t'élever comme il convient à un enfant de bonne famille. Aussi, avons-nous décidé de t'envoyer dans un collège où tu seras interne. Justement, une place vient de se libérer à U… Tu reviendras parmi nous lors des vacances scolaires, sous réserve que tes notes soient celles d'un bon élève et que tes professeurs n'aient que des louanges à ton égard. Nous t'aimons, ton père et moi, mais n'avons pas le droit de te laisser gâcher ton avenir, en sottises…
Suivirent quelques conseils dont je n'écoutai pas un mot. J'étais expulsé de mon domicile, chassé de ma famille par mes parents : voilà ce qui comptait. En guise de réponse, et d'adieu, je haussai les épaules marmonnant :
— Au moins là-bas, je pourrai me faire des amis. Ils remplaceront amplement père et mère…
Je refusai de les embrasser constatant :
— … Ayez l'honnêteté de vos actes, chassez-moi de chez vous sans simagrées de regrets factices…
Mère se tamponna les yeux avec un mouchoir en dentelles. Père serra les poings. Je me dirigeai vers la voiture, mes parents restèrent plantés dans le salon, immobiles, pensant que, peut-être, je ferais demi-tour afin de les embrasser. En fait, je considérai mon attitude comme une déclaration de guerre.
Armand s'assit à mes côtés, sans un mot.
Je restai deux ans dans ce collège laïc. Discipline sévère, quoique très modulée selon les cas. Les professeurs, comme les surveillants, cherchaient à comprendre les raisons de nos fautes, de nos hésitations, de nos errements, avant de prendre quelque décision que ce soit. Je pris goût aux études. Non pour complaire à père et mère, mais pour être assis, en classe, aux côtés de Philippe. En effet, nous étions placés selon notre classement, les premiers devant, les derniers au fond. L'attribution des places s'effectuait chaque début de trimestre au vu des notes du trimestre précédent.
Philippe ! Ce garçon m'attira dès que je le vis, le jour de mon arrivée. J'occupai le lit à côté du sien, dans le dortoir comportant douze couches, séparées chacune par des tentures. Un peu perdu dans ce monde nouveau, Philippe me rassura, m'expliqua comment fonctionnait ce collège, m'apprit quelques notions indispensables pour se sortir de différentes situations. Le premier soir, comme je pleurai ma colère d'avoir été ainsi abandonné par les miens, il vint s'asseoir sur le bord de mon lit, passa sa main dans mes cheveux, déposa un petit baiser sur ma joue, me parla doucement. Je m'endormis au son de sa voix. Le lendemain, je le remerciai. C'est là qu'il répliqua :
— … Si tu veux que nous devenions amis, travaille bien en classe. Ainsi, nous serons côte à côte, comme au dortoir…
La rentrée scolaire suivante, début janvier, j'étais assis à ses côtés. Les surveillants surent rester discrets dans leur supervision. Les professeurs avaient une haute idée de leur vocation et s'attachèrent à nous faire aimer apprendre. Même les cours d'éducation civique et morale nous parurent divertissants ! La nourriture fut excellente, les activités ludiques variées et fort plaisantes. Nos vêtements firent l'objet de toutes les attentions du personnel compétent : jamais un pli sur nos faux cols, par exemple. Tout à l'avenant. Ajouté à cela un cadre agréable et nous eussions pu penser résider dans une sorte de paradis, n'étaient nos familles absentes. Un dimanche par mois, mère et père venaient me chercher. Nous allions déjeuner dans une auberge. Je comptai bien leur faire payer leur désertion, en quelque sorte. Aussi je tus mes pensées, mes projets, mes envies, pour ne leur parler que de niaiseries, de lieux communs. Ils s'en rendirent compte, mais ne relevèrent point, pensant que je me fatiguerais très vite. Sur quoi ils se trompèrent. Je conservai la même attitude à leur égard, lors des vacances scolaires, alors que je retrouvai mon domicile. Ce fut la première fois qu'Armand intervint "amicalement" envers moi, arguant du fait que j'étais son filleul. Le plus poliment du monde, mais le plus froidement possible, je rétorquai :
— … Il est bien temps de vous souvenir du lien qui nous unit, vous et moi. Je n'ai pas

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